Sacrés
US, quand ils ne sèment pas la terreur avec leurs bombes, ils nous font
bien rire, même si le coût du spectacle reste élevé.
Trump
était il y a quinze jours en Arabie Saoudite pour expliquer, dans ce
berceau de la démocratie et qui n’a jamais entretenu le moindre lien
avec le terrorisme, qu’il fallait se liguer contre l’Iran, qui est le
cœur du terrorisme international.
Les
grands faits du terrorisme ces dernières années sont en effet signés.
Guerre en Algérie, tueries au Maroc, massacres à Bagdad, persécution des
chrétiens en Egypte, guerre dans le Nord-Mali, séparatisme tchétchène…
Vous n’étiez pas au courant, mais c’était l’Iran… Al Qaeda et Daech, qui
vomissent les chiites, c’est aussi une création de l’Iran, bien
entendu, le même Iran qui envoie ses soldats au sol pour combattre ces
tueurs… Et puis les attentats de New York, Paris, Berlin, Londres, c’est
encore l’Iran, il suffit de constater l’identité des auteurs.
Bref, le discours de Trump à Ryad, c’était juste du trompe-couillon. En Iran, personne n’a été dupe.
Il
faut dire que si le peuple iranien a beaucoup souffert des mesures de
rétorsion imposées par les US, le bilan militaire et diplomatique de la
politique US est une réussite : les Talibans combattus et contenus en
Afghanistan ; le régime sunnite de Saddam Hussein éliminé, au profit
d’un gouvernement à majorité chiite ; les incontrôlables saillies de
l’allié israélien soudant le Hezbollah à la société libanaise ; une
coalition terroriste bornée en Syrie, qui ne respecte rien, ni personne,
de telle sorte que se dégage l’unité autour d’El-Assad ; les anciennes
grandes puissances sunnites – Tunisie, Libye et Egypte – divisées et
ruinées… La Turquie, pilier de l’OTAN, mise en difficulté, les US jouant
la carte kurde. Ajoutons l’unité du grand peuple iranien, unité
renforcée dans l’adversité (L’Iran était un grand pays quand les US
n’étaient que de doux pâturages indiens). Et oui, c’est une simple
observation : grâce aux aveuglements US, il reste dans cette région
meurtrie un pays fort, l’Iran. Et ça s’amplifie.
Quinze
jours après le discours de Trump, quelques pays du Golfe (Arabie
Saoudite, Bahreïn, et Emirats) mais sans le Koweït ni Oman, et avec
l’allié du moment qu’est l’Egypte, ont décrété que le Qatar n’est pas
net avec le terrorisme, d’où la rupture des relations diplomatiques, et
tout le tintouin. Ce sera très compliqué pour le Qatar qui n’a de
frontières terrestres qu’avec l’Arabie Saoudite, si cela dure. Les
supermarchés étaient hier pris d’assaut (par ceux qui ont de
l’argent)(donc pas les ouvriers qui construisent les stades de la Coupe
du monde).
D’emblée,
on voit que c’est bidon, car aucun Etat sérieux n’a embrayé. Le Qatar
est blindé d’accords avec maints Etats dans le monde, pour le gaz et les
investissements, et pas un n’a bronché. Seuls les abrutis du FN ont
relayé l’appel de l’Arabie saoudite...
Le
Qatar est membre de la coalition US contre Daech, et le restera. Il
accueille la plus grande base militaire US de la région, et rien ne va
changer.
Le
Qatar, qui a la hantise de devenir un satellite saoudien, a toujours
joué la carte d’une certaine indépendance et d’une visibilité
internationale, qui s’illustre avec le succès de la chaine Al Jazzera.
Vis-à-vis de l’Iran, le Qatar en a fait un peu plus, car les deux Etats
doivent cogérer une importante réserve gazière of-shore. L’Arabie
saoudite tente donc un acte d’autorité, qui va être invalidant pour le
Qatar… mais qui est – une fois de plus – une aubaine pour l’Iran, voyant
voler en éclat le bloc sunnite du golfe persique.
La
participation de l’Egypte est très éclairante sur les ambiguïtés
politiques. L’Egypte n’a pas d’intérêt dans le golfe persique, mais elle
a grand besoin des financements saoudiens. Surtout, le Caire a trouvé
une aubaine pour agiter l’épouvantail de la confrérie des Frères
musulmans. Dans l’Egypte dictatoriale et pro-occidentale de Moubarak, la
seule opposition se trouvait dans la solidarité sociale, avec les
Frères musulmans. Moubarak renversé, avec le soutien qatari, le pouvoir
est revenu à la seule force organisée, la confrérie, et, deux ans plus
tard, pour renverser l’élu démocratique qu’était Morsi, Al Sissi a
repris les rengaines de la guerre contre le terrorisme : les Frères
musulmans n’étaient plus les vainqueurs des élections, mais un groupe
terroriste. En participant à la marginalisation du Qatar, Al Sissi
s’inscrit donc dans une continuité. Al Sissi serait-il d’accord pour
organiser des élections libres en Egypte ? Trop drôle, si ce n’était pas
tragique.
Pour
les Saoudiens, l’approche est différente. Les Frères musulmans
constituent une menace redoutée car ils acceptent de s’impliquer dans
les enjeux sociaux et l’exercice du pouvoir. Ce qui explique que le
Hamas, mouvement de la résistance palestinienne, puisse avoir des
installations à Doha, chose impossible à Ryad. Il faut bien avoir en
tête que la royauté saoudienne ne repose sur rien, à part un montage
britannique, entretenu par les US et l’argent du pétrole. Cette royauté
est une construction de bouffons. Et elle vénère les salafistes, pour
lesquels la question religieuse ne doit avoir aucun lien avec le
pouvoir, et se rester indifférente de l’idée démocratique. Le salafisme
n’est pas soigné en Arabie saoudite pour des motifs religieux, mais pour
des raisons politiques : les croyants doivent se focaliser sur le
religieux, et se désintéresser du pouvoir,… ce qui sauve la royauté. Les
Frères musulmans s’implantant en Arabie saoudite, le régime serait par
terre en quelques années. Ce alors que la sincérité des élections
iraniennes a été saluée jusqu’en Europe.
Bon.
Comment se résoudra la crise, on verra. En attendant, ce soir, l’Iran
constate l’éclatement du front sunnite du Golfe persique, et des Frères
musulmans amenés à s’impliquer davantage dans le jeu politique, en
s’écartant plus encore des salafistes.
Si Trump avait voulu renforcer la place de l’Iran, il n’aurait pu faire mieux. Volontaire ou non ?
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