mercredi 7 juin 2017

Les US, meilleurs alliés (involontaires ?) de l’Iran

Qatar.gifGilles Devers       

Sacrés US, quand ils ne sèment pas la terreur avec leurs bombes, ils nous font bien rire, même si le coût du spectacle reste élevé.

Trump était il y a quinze jours en Arabie Saoudite pour expliquer, dans ce berceau de la démocratie et qui n’a jamais entretenu le moindre lien avec le terrorisme, qu’il fallait se liguer contre l’Iran, qui est le cœur du terrorisme international. 
Les grands faits du terrorisme ces dernières années sont en effet signés. Guerre en Algérie, tueries au Maroc, massacres à Bagdad, persécution des chrétiens en Egypte, guerre dans le Nord-Mali, séparatisme tchétchène… Vous n’étiez pas au courant, mais c’était l’Iran… Al Qaeda et Daech, qui vomissent les chiites, c’est aussi une création de l’Iran, bien entendu, le même Iran qui envoie ses soldats au sol pour combattre ces tueurs… Et puis les attentats de New York, Paris, Berlin, Londres, c’est encore l’Iran, il suffit de constater l’identité des auteurs.
Bref, le discours de Trump à Ryad, c’était juste du trompe-couillon. En Iran, personne n’a été dupe.
Il faut dire que si le peuple iranien a beaucoup souffert des mesures de rétorsion imposées par les US, le bilan militaire et diplomatique de la politique US est une réussite : les Talibans combattus et contenus en Afghanistan ; le régime sunnite de Saddam Hussein éliminé, au profit d’un gouvernement à majorité chiite ; les incontrôlables saillies de l’allié israélien soudant le Hezbollah à la société libanaise ; une coalition terroriste bornée en Syrie, qui ne respecte rien, ni personne, de telle sorte que se dégage l’unité autour d’El-Assad ; les anciennes grandes puissances sunnites – Tunisie, Libye et Egypte – divisées et ruinées… La Turquie, pilier de l’OTAN, mise en difficulté, les US jouant la carte kurde. Ajoutons l’unité du grand peuple iranien, unité renforcée dans l’adversité (L’Iran était un grand pays quand les US n’étaient que de doux pâturages indiens). Et oui, c’est une simple observation : grâce aux aveuglements US, il reste dans cette région meurtrie un pays fort, l’Iran. Et ça s’amplifie.
Quinze jours après le discours de Trump, quelques pays du Golfe (Arabie Saoudite, Bahreïn, et Emirats) mais sans le Koweït ni Oman, et avec l’allié du moment qu’est l’Egypte, ont décrété que le Qatar n’est pas net avec le terrorisme, d’où la rupture des relations diplomatiques, et tout le tintouin. Ce sera très compliqué pour le Qatar qui n’a de frontières terrestres qu’avec l’Arabie Saoudite, si cela dure. Les supermarchés étaient hier pris d’assaut (par ceux qui ont de l’argent)(donc pas les ouvriers qui construisent les stades de la Coupe du monde).
D’emblée, on voit que c’est bidon, car aucun Etat sérieux n’a embrayé. Le Qatar est blindé d’accords avec maints Etats dans le monde, pour le gaz et les investissements, et pas un n’a bronché. Seuls les abrutis du FN ont relayé l’appel de l’Arabie saoudite...
Le Qatar est membre de la coalition US contre Daech, et le restera. Il accueille la plus grande base militaire US de la région, et rien ne va changer.
Le Qatar, qui a la hantise de devenir un satellite saoudien, a toujours joué la carte d’une certaine indépendance et d’une visibilité internationale, qui s’illustre avec le succès de la chaine Al Jazzera. Vis-à-vis de l’Iran, le Qatar en a fait un peu plus, car les deux Etats doivent cogérer une importante réserve gazière of-shore. L’Arabie saoudite tente donc un acte d’autorité, qui va être invalidant pour le Qatar… mais qui est – une fois de plus – une aubaine pour l’Iran, voyant voler en éclat le bloc sunnite du golfe persique.
La participation de l’Egypte est très éclairante sur les ambiguïtés politiques. L’Egypte n’a pas d’intérêt dans le golfe persique, mais elle a grand besoin des financements saoudiens. Surtout, le Caire a trouvé une aubaine pour agiter l’épouvantail de la confrérie des Frères musulmans. Dans l’Egypte dictatoriale et pro-occidentale de Moubarak, la seule opposition se trouvait dans la solidarité sociale, avec les Frères musulmans. Moubarak renversé, avec le soutien qatari, le pouvoir est revenu à la seule force organisée, la confrérie, et, deux ans plus tard, pour renverser l’élu démocratique qu’était Morsi, Al Sissi a repris les rengaines de la guerre contre le terrorisme : les Frères musulmans n’étaient plus les vainqueurs des élections, mais un groupe terroriste. En participant à la marginalisation du Qatar, Al Sissi s’inscrit donc dans une continuité. Al Sissi serait-il d’accord pour organiser des élections libres en Egypte ? Trop drôle, si ce n’était pas tragique.
Pour les Saoudiens, l’approche est différente. Les Frères musulmans constituent une menace redoutée car ils acceptent de s’impliquer dans les enjeux sociaux et l’exercice du pouvoir. Ce qui explique que le Hamas, mouvement de la résistance palestinienne, puisse avoir des installations à Doha, chose impossible à Ryad. Il faut bien avoir en tête que la royauté saoudienne ne repose sur rien, à part un montage britannique, entretenu par les US et l’argent du pétrole. Cette royauté est une construction de bouffons. Et elle vénère les salafistes, pour lesquels la question religieuse ne doit avoir aucun lien avec le pouvoir, et se rester indifférente de l’idée démocratique. Le salafisme n’est pas soigné en Arabie saoudite pour des motifs religieux, mais pour des raisons politiques : les croyants doivent se focaliser sur le religieux, et se désintéresser du pouvoir,… ce qui sauve la royauté. Les Frères musulmans s’implantant en Arabie saoudite, le régime serait par terre en quelques années. Ce alors que la sincérité des élections iraniennes a été saluée jusqu’en Europe.

Bon. Comment se résoudra la crise, on verra. En attendant, ce soir, l’Iran constate l’éclatement du front sunnite du Golfe persique, et des Frères musulmans amenés à s’impliquer davantage dans le jeu politique, en s’écartant plus encore des salafistes.
Si Trump avait voulu renforcer la place de l’Iran, il n’aurait pu faire mieux. Volontaire ou non ? 


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