samedi 24 juin 2017

« En tant que noire, femme et députée, vous pouvez dire… »

UJFP        

Décidément, les médias dominants peuvent vraiment compter sur la fachosphère pour arrondir leur fin de mois.

Mis en branle par l’élection à Paris de la jeune députée noire Danièle Obono (France Insoumise), ses trolls n’ont pas perdu de temps pour rappeler lourdement sur les réseaux sociaux qu’elle avait apporté sa signature en 2012 à une pétition de soutien au groupe ZEP (Zone d’Expression Populaire) qui avait osé – mazette ! – chanter "Nique la France et son passé colonialiste, ses odeurs, ses relents et ses réflexes paternalistes. Nique la France et son histoire impérialiste, ses murs, ses remparts et ses délires capitalistes."
L’emballement médiatique ne se fera pas attendre. C’est au Figaro que revient l’honneur d’avoir ouvert le bal en publiant hier matin un article tout en nuance, comme son titre l’indique : « Une députée Insoumise défend le droit de dire « Nique la France » et soulève une bronca [1]. » Reçue le jour même sur le plateau de RMC, la pétition devient vite le centre de la discussion. « En tant que députée, êtes-vous fière d’avoir signé ? » Danièle Obono répondra que « pour défendre la liberté d’expression de ces artistes, oui. Parce que ça fait partie des libertés fondamentales. » Il faut croire que ce retour sur le terrain du droit, bien loin de celui de l’hystérie identitaire, n’est pas du goût des journalistes. C’est à ce moment que la situation dérape : « ‘Vive la France’. Vous pouvez dire ‘vive la France’ [2] ? »
Cette injonction à faire preuve de son attachement à la France - et donc à attester de la réalité de sa francité - est d’une violence raciste inouïe. Elle est significative en ce qu’elle témoigne à elle seule de la fureur que suscite une jeune femme noire qui ose sortir de la place où l’on aimerait la voir assignée. Il s’agissait donc moins d’une sommation que d’un rappel à l’ordre, une odieuse tentative de muselage n’appelant aucune autre réaction que la soumission.
Est-ce devenu un crime de lèse-majesté que de défendre la liberté d’expression et le droit à la critique des aspects les plus sombres de la République ? Une ingratitude impardonnable de la part de celle à qui "la France aurait tant donné" ? La naturalisation implique-t-elle un amour inconditionnel de la France ? Mais, d’ailleurs, de quelle France parle-t-on ? Celle des droits de l’homme ou celle des violences policières, de l’état d’urgence et de la casse des services publics - bref, d’une France réelle ou d’une France fantasmée ? On imagine mal des hommes blancs, pourtant nombreux parmi les signataires de la pétition et pour qui la question de l’appartenance à la France ne se pose pas, se faire humilier de la sorte.

Cet exemple de négrophobie ordinaire, teintée de sexisme, démontre bien - mais y en avait-il encore besoin ? - que le statut social n’immunise pas du racisme. Si les bien-pensants estiment que les bornes qu’ils ont eux-mêmes posées sont dépassées, rien ne peut les empêcher de diffuser leur poison raciste - pas même le respect que devrait leur imposer la fonction de député de la République. 
Le Bureau national de l’UJFP tient à apporter tout son soutien à Danièle Obono.

Notes




Le Bureau national de l’UJFP, le 23 juin 2017

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