Décidément, les médias dominants peuvent vraiment compter sur la
fachosphère pour arrondir leur fin de mois.
Mis en branle par l’élection
à Paris de la jeune députée noire Danièle Obono (France Insoumise), ses
trolls n’ont pas perdu de temps pour rappeler lourdement sur les
réseaux sociaux qu’elle avait apporté sa signature en 2012 à une
pétition de soutien au groupe ZEP (Zone d’Expression Populaire) qui
avait osé – mazette ! – chanter "Nique la France et son passé
colonialiste, ses odeurs, ses relents et ses réflexes paternalistes.
Nique la France et son histoire impérialiste, ses murs, ses remparts et
ses délires capitalistes."
L’emballement médiatique ne se fera pas attendre.
C’est au Figaro que revient l’honneur d’avoir ouvert le bal en publiant
hier matin un article tout en nuance, comme son titre l’indique : « Une
députée Insoumise défend le droit de dire « Nique la France » et soulève
une bronca [1]. »
Reçue le jour même sur le plateau de RMC, la pétition devient vite le
centre de la discussion. « En tant que députée, êtes-vous fière d’avoir
signé ? » Danièle Obono répondra que « pour défendre la liberté
d’expression de ces artistes, oui. Parce que ça fait partie des libertés
fondamentales. » Il faut croire que ce retour sur le terrain du droit,
bien loin de celui de l’hystérie identitaire, n’est pas du goût des
journalistes. C’est à ce moment que la situation dérape : « ‘Vive la
France’. Vous pouvez dire ‘vive la France’ [2] ? »
Cette injonction à faire preuve de son attachement à la France - et
donc à attester de la réalité de sa francité - est d’une violence
raciste inouïe. Elle est significative en ce qu’elle témoigne à elle
seule de la fureur que suscite une jeune femme noire qui ose sortir de
la place où l’on aimerait la voir assignée. Il s’agissait donc moins
d’une sommation que d’un rappel à l’ordre, une odieuse tentative de
muselage n’appelant aucune autre réaction que la soumission.
Est-ce devenu un crime de lèse-majesté que de défendre la liberté
d’expression et le droit à la critique des aspects les plus sombres de
la République ? Une ingratitude impardonnable de la part de celle à qui
"la France aurait tant donné" ? La naturalisation implique-t-elle un
amour inconditionnel de la France ? Mais, d’ailleurs, de quelle France
parle-t-on ? Celle des droits de l’homme ou celle des violences
policières, de l’état d’urgence et de la casse des services publics -
bref, d’une France réelle ou d’une France fantasmée ? On imagine mal des
hommes blancs, pourtant nombreux parmi les signataires de la pétition
et pour qui la question de l’appartenance à la France ne se pose pas, se
faire humilier de la sorte.
Cet exemple de négrophobie ordinaire, teintée de sexisme, démontre
bien - mais y en avait-il encore besoin ? - que le statut social
n’immunise pas du racisme. Si les bien-pensants estiment que les bornes
qu’ils ont eux-mêmes posées sont dépassées, rien ne peut les empêcher de
diffuser leur poison raciste - pas même le respect que devrait leur
imposer la fonction de député de la République.
Le Bureau national de l’UJFP tient à apporter tout son soutien à Danièle Obono.
Notes
Le Bureau national de l’UJFP, le 23 juin 2017
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