dimanche 18 juin 2017

Faire des économies ? Confions notre diplomatie à Trump et notre sécurité à Israël.

Jacques-Marie Bourget
 
Macron, même Dieu et Jupiter, et les mirobolants qui l'entourent dans sa marche sur les eaux où il nous noie, n'a pas pensé à tout.

En tant qu'économiste atterrant, je suggère, plutôt que de supprimer des infirmières et des assistants de vie pour les vieux, de virer tous les diplomates et de confier les clés du Quai à Trump ? Pourquoi aussi ne pas céder celles de notre sécurité à Netanyahu ? Ça aurait de la gueule !
Régis Debray vient de publier un livre – que je n’ai pas lu – mais dont le contenu général est largement déroulé dans la presse : Civilisation. Comment nous sommes devenus américains. Observation de géographe, l’art premier de son maître Julien Gracq, le philo-médiologue constate que la dérive des continents a fonctionné en douce : « La France est devenue l’Amérique ». Maintenant que nous sommes arrimés, par exemple, quand les socquettes blanches et les jupes plissées bleues s’en vont célébrer la mémoire de Pétain à l’Ile d’Yeu, elles devraient facilement entendre parler l’américain. À pied l’Amérique c’est vraiment chez nous.
Cet état de l’union, vous me direz, il y longtemps qu’on le vit. Si on excepte la parenthèse du Général, il y a des lustres que nous nous éclairons aux étoiles de la bannière. Les plans de l’Europe, celle qui fait saliver Macron, ont été tracés par les diables de Wall Street, puis réalisés par Jean Monet, un ouvrier de la CIA et Robert Schuman, rescapé de Vichy. Ajoutez à cet équipage le parapluie de l’OTAN même quand le ciel est clair, et vous avouez sans tortures qu’il y a près d’un siècle que nous sommes tous Américains. Logique, avec un petit décalage de filles distraites, que la culture, l’art de vivre de Buffalo aient pris plus de temps pour venir nous rejoindre. C’est fait.
L’Europe fait partie des jouets que Trump a reçus en cadeau après son succès au téléthon. Un machin rigolo mais pas beau, que Donald a d’abord décidé d’ignorer, le doudou ne sentait pas bon. Et la fessée est tombée, délivrée par le sénateur Mac Cain concierge à Wall Street. Le petit blanc monté en neige est venu rappeler au désigné président que l’Europe est une propriété capitale des EU, un Nizam, le bijou de famille qu’on ne pouvait oublier sur le bord du lavabo. « À genoux Donald, et fait un bisou à tata Angela qui tient notre boutique à Berlin ! ». Ouf, nous avons échappé à la liberté. La politique peut donc poursuivre sa cuisine ordinaire, et Washington tranquillement conduire notre destinée à l’aide de ses guides d’aveugles de chez Goldman Sachs, Emmanuel I jouant de la lyre.
Cette confusion américaine doit, comme le dirait Le Maire dans sa langue si originale « porter ses fruits ». C’est l’occasion de « changer de paradigme », de faire des « économies d’échelle », des mots à l’hydromel. Trop de fonctionnaires ? Même pas mal. Un premier exemple : on ferme le Quai d’Orsay (j’ai déjà milité pour sa vente au Qatar à fin d’hôtellerie), on vide les ambassades, les bureaux de Bruxelles et tout ça qui ne sert à rien. Ces trotskistes de Washington – devenus néocons – vont, en notre nom, s’occuper de tout puisqu’ils décident déjà tout. On peut leur laisser la France en viager, en leasing en actions obligations, en tirage du Loto, en bons... Ce ne sera jamais plus mauvais : nous les aimons et ils nous aiment. Ça ne peut être pire que la première salve tirée en politique étrangère par notre « Lui-Président ». Macron au Mali louant l’œuvre considérable de nos Armées, celle poursuivie depuis deux siècles en Afrique. Ben mon colon !
C’est donc désormais le State Department qui conduira la politique en direct, plus besoin de stabilisateur au vélo. La guerre que l’on devra faire à Poutine, l’autre à l’Iran et une troisième pour la route, tenez, à la Chine... plus à s’en occuper, plus besoin de nous asseoir sur la carte pour effacer les territoires. Construire un mur pour protéger la Palestine des mexicains ? C’est fait. Zéro souci. Comme la Rolls, l’auto garantie à vie. Trouvez quelque chose de plus moderne, de plus start, de plus up ? Après l’avoir tant loué, on pourrait même sous-louer Le Drian. Avec la fusion dont nous parlons, Washington n’est-elle pas en banlieue de Rennes ? Et mettre le ministre de l’Intérieur Gérard Colomb, sioniste hystérique, en prime en faisant croire à nos amis qu’il y a eu erreur du facteur, que c’est un retour à l’envoyeur, qu’il descend de Christophe.
Tout cela me semble bien avancer. En marche ! Mais, pour continuer de causer en Le Maire, ces économies ne sont pas assez « drastiques »... J’ai une autre idée, confier la sécurité physique et morale de la France à Israël. Les plus grands politiciens de l’histoire de France, des goélands que leurs trop grandes ailes empêchent de voler, ont déjà souhaité ce transfert. Je donne la liste de ce Panthéon : Ciotti Eric, Estrosi Christian, Larrivé Guillaume, Keller Franck, Houpert Alain, Morin Hervé, Lisnard David. Voyez que je n’ai pas alléché en vain, ne sont-ce pas de grandes consciences, des phares de la pensée, des monuments ? Ceux-là et une kyrielle d’autres poussent à ce que Shin Bet, Mossad ou les Golani rendent notre vie plus tranquille. Encore un considérable bonus. À la lourde les DGSI, DGSE, DRM, RAID, GIGN et autres services en culottes de dentelles. Le pli est déjà pris, discrètement. Par le biais de sociétés, le plus souvent peintes aux couleurs anglaises, les supposés as israéliens de la « sécurité », conditionnés « civils », sont déjà chez nous, au Festival de Cannes où ailleurs, pour supplanter les polices de la République. En plus, nos amis pourraient construire ici de biens jolis « murs de séparation ». Toujours efficaces et d’un bel effet. Toutefois un bémol, ce toc qu’ont ces merveilleux experts, celui de tirer pour engager le dialogue. Donc, période d’essai obligatoire.
La police n’est pas qu’affaire de matraque, mais de pensée. Sur ce terrain, grâce encore à nos amis d’En Marche, nous avons pu constater une importance avancée. La liste des candidats à la députation prochaine, les frères d’Emmanuel, qui compte « 52% de représentants de la société civile » (avec zéro ouvrier ou employé), a été scannée afin de s’assurer que pas le moindre futur élu ait jamais eu la langue ou la main prise dans une critique d’Israël. Remonter tous les « twittes » et « posts » Facebook au long des années ? Pas difficile. En Israël, la NSA elle-même sous traite avec des officines locales. Suffit de lancer le logiciel et hop, le candidat est nu.
Ainsi le très estimable homme de presse Christian Gérin, qui n’a pas toutes les qualités du journaliste puisqu’il est naïf, a-t-il cru qu’il pouvait, peinard, postuler pour un job de député avec En Marche ! Sans avoir lu le programme. Ni vu qu’une certaine Laurence Haïm, amie de Netanyahou, avait été nommée chef de patrouille à En Marche. Un coup de fil pour actionner le CRIF et autre LICRA : le journaliste optimiste est publiquement flingué. Un grand antisémite ce Gérin, un suppôt du boycott « BDS », prônant aussi la « séparation du CRIF et de l’Etat ». Du Faurisson en cresson.
Une autre tête de linotte a, elle aussi, été victime du tir aux pigeons. William Tchamaha, pourtant candidat à un bel avenir. Boum, à terre le Tchamaha, ça c’est pas du reggae. Le 8 février 2017 ce raciste n’a-t-il pas twitté : « Israël, un état hors la loi. Boycott les produits d’Israël et embargo économique » ! Comme tu y vas mon petit père. Tu te crois en République.

PS. Pour achever ce tour d’horizon de la police des esprits, n’oublions pas que la sénatrice Leïla Aïcha, elle aussi candidate à la députation pour En Marche a été débarquée en route. Son péché ? Avoir tenu des paroles raisonnables en faveur du Polisario. Le Maroc, lui aussi « En marche » (verte), a fait débrancher Leïla. Et l’immense Jack Lang a prêté sa main d’honnête homme à cet assassinat politique.

(1) Régis Debray. Civilisation. Comment nous sommes devenus américains, Editions Gallimard, 19 euros


Article publié dans le numéro de juin du mensuel Afrique Asie

Le Grand Soir

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