jeudi 1 juin 2017

La main dans le SAC

Olivier Cabanel       

Cette expression populaire parfaite pour illustrer le délinquant surpris au moment où il va commettre son forfait, prend un tout autre sens grâce aux talents conjugués d’Étienne Davodeau et de Benoît Collombat, réalisateurs d’une bd d’investigation courageuse et documentée qui mérite le détour : « Cher pays de notre enfance  », prix d’Angoulême l’an dernier.

Elle met en scène des individus peu recommandables, qui œuvraient à l’époque gaulliste, appelé le SAC, « service d’action civique », groupe de personnes issues parfois de la pègre, très actifs au moment de la guerre d’Algérie, puis plus tard, lors de l’OAS.
On y retrouve évidemment Charles Pasqua, d’autant que les actes de rétorsion menés par le SAC, avaient la protection du gouvernement.
Si les auteurs de la BD ont voulu s’intéresser au SAC, c’est que leur préoccupation première était de tenter de découvrir qui étaient les assassins du Juge Renaud, et pour y parvenir ils sont remontés aux sources de l’affaire, challenge d’autant plus compliqué que de nombreux acteurs de cette affaire ne sont plus de ce monde.
Le SAC, implique le fameux Gang des Lyonnais, qui attaquaient les banques, et dont une partie du butin finançait les campagnes électorales du parti gaulliste, mais aussi il était la milice de ce parti, service d’ordre musclé.
C’est aussi l’assassinat de Robert Boulin, maquillé grossièrement en suicide, noyé dans 50 cm d’eau...
À l’époque, Laetitia Sanguinetti, fille du compagnon de la libération Alexandre Sanguinetti avait déclaré : « il avait vu des choses qu’il n’aurait pas du voir ». lien
La justice vient d’ailleurs de rouvrir ce fameux dossier. lien
Sous les présidences de D’Estaing et de Barre, on ne dénombrera pas moins de 47 assassinats politiques, et c’est cette triste page de l’histoire de France, cette dérive sanglante, soigneusement occultée encore aujourd’hui, que les 2 auteurs de la BD nous racontent avec précision, témoignages et preuves à l’appui.
Voyage instructif à travers les heures sombres de la 5ème République.
Mais revenons à l’assassinat du juge Renaud...
Affaire classée par des juges peu curieux...journalistes muselés... témoins silencieux, parce que souvent menacés, et plus on avance dans la BD, témoignages à l’appui, consignés consciencieusement par les auteurs de l’ouvrage, on finit par comprendre que les assassins du juge ont bel et bien une identité : l’un n’est plus de ce monde, mais les deux autres sont toujours vivants, et le SAC n’est pas étranger à cette sale affaire.
Quittons ce triste moment de l’histoire de notre pays pour découvrir d’autres mains prises dans le sac... il y a eu celui qui, les yeux dans les yeux, ministre chargé de traquer l’exil fiscal, un certain Cahuzac, affirmait ne pas être l’un de ces délinquants, pour finalement être reconnu coupable... puis, un certain Thévenoud, qui oubliait de payer ses impôts, prétendant une phobie administrative...
A suivi celui qui était pressenti futur président de la République, au top des sondages, et qui est tombé pour quelques vilaines affaires...costumes offerts par celui qui avait le bras assez long pour aider les futurs élus à s’impliquer dans la Françafrique...(que l’on croyait morte et enterrée) soupçons d’emplois fictifs d’une certaine Pénélope...de salaires mirobolants en échange de quelques lignes dans une revue chic...
De fil en aiguille, le Front National, et sa cheftaine, sont à leur tour soupçonnés d’emplois fictifs aux dépends de la communauté européenne, affaire qui tombe mal pour celle qui conteste justement cette Europe, au point de faire l’essentiel de son programme sur la sortie de l’euro, et de l’Europe également.
Le nouveau président a donc pris le taureau par les cornes, au risque de se blesser, et a nommé un ministre chargé de la « moralisation de la vie publique », François Bayrou en l’occurrence.
Pas de bol, le nouveau Garde des Sceaux est mis en examen, même si cette expression implique toujours la présomption d’innocence.
Il lui est reproché d’avoir critiqué, en 2015, une association, « El Sistema France » en l’occurrence, qui voulait s’implanter à Pau afin, selon lui, « d’extorquer des contributions financières aux communes qu’elle démarche », (lien) ce que les intéressés ont qualifié de diffamation...lien
Une affaire qui tombe bien mal pour le « monsieur propre du gouvernement »...
Hélas, ce n’est pas tout...
Richard Ferrand, le ministre de la cohésion et de la cohérence, est en effet pris dans la tourmente d’une bien gênante affaire : à l’époque où il dirigeait les destins d’une mutuelle, en Bretagne, son conseil d’administration cherchait des locaux plus grands pour s’y installer.
Comme l’explique « le Canard Enchainé », dans son édition du 24 mai dernier : « c’est une société civile immobilière nommée Saca qui est choisie à l’unanimité pour un loyer annuel de 42 000 €. Celle-ci n’existe pas encore légalement, n’est même pas encore propriétaire des surfaces qu’elle propose à la location, et sa future gérante n’est autre que Sandrine Doucen, l’épouse de Richard Ferrand. (...) elle enregistre sa SCI au capital de 100 € avec un ami de Richard Ferrand, lequel investi un euro pour acheter une action, pendant que Sandrine Doucen s’offre les 99 autres.
Quelques mois plus tard, elle achète les locaux brestois et obtient un prêt d’un peu plus de 402 000 €, soit 100% du prix d’achat, ainsi que les frais de notaire (...) la décision des Mutuelles va permettre à la compagne du directeur général (ndlr : Richard Ferrand en l’occurrence.) de rembourser à terme la totalité de son emprunt bancaire  ». lien
L’intéressé se défend de la moindre malhonnêteté affirmant qu’il y a eu appel d’offre, et la justice enquête, alors que les réseaux sociaux, sur l’air de « Ferrand...l’argent », s’amuse de cette situation aux allures d’arroseur arrosé.
Comme l’écrit l’avocat G.W. Goldnadel dans les colonnes du Figaro : « ...le montage financier tout à fait extravagant incriminé dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne pose des questions légales au regard des codes pénal et de la mutualité, toutes aussi sérieuses que n’en posaient les contrats de Pénélope Fillon  »...s’indignant plus loin : « le Parquet National Financier aura été aussi prompt à se saisir du cas Fillon que le parquet brestois à refuser le cas Ferrand...  ». lien
Depuis, grâce au journal « Le Monde », d’autres affaires pas bien claires pointent le bout de leur nez, ce qui ne semble pas poser de problème au 1er ministre, lequel « garde toute sa confiance » à son ministre. lien
En tout cas, la défense du Ministre ressemble comme deux gouttes d’eau à celle qu’avait, à l’époque, déployé François Fillon, déniant l’administration judiciaire, et affirmant que le peuple trancherait par les urnes... on en connait aujourd’hui le résultat.
Or, le nouveau ministre macronien adopte la même défense... est-ce bien raisonnable ?
L’avenir nous le dira.
On se croirait dans un western, dans lequel le shérif est désavoué, le peuple pouvant décider de brancher, ou pas, un éventuel délinquant. lien
Et voilà que le Front National, par la voix de Sophie Montel, députée européen, et probablement vexée d’avoir vu son parti montré du doigt, balance à son tour une liste d’une vingtaine de députés européens de tous bord, affirmant qu’ils pratiquent eux aussi des emplois fictifs. lien
Emmanuel Macron, qui fait l’éloge d’une république exemplaire, a dû être surpris de découvrir dans la liste le nom de Marielle de Sarnez, son ministre des affaires européennes.
En tout cas l’intéressée jure « avoir respecté les règles, et que le contrat de travail de son assistante parlementaire a été comme celui de tous ses assistants, validé et approuvé par le Parlement européen...  ». lien 
Marielle de Sarnez a donc décidé de porter plainte contre la députée européenne FN pour dénonciation calomnieuse. lien
La justice devrait suivre son cours, et pour l’instant, les accusés sont au régime de la présomption d’innocence...
Quant au nouveau président, il s’était juré de « tenir sa langue », et de ne pas trop médiatiser ses apparitions, allant jusqu’à vouloir choisir les journalistes qui pourraient l’interroger.
Mal lui en a pris, car il a soulevé une vague d’indignation de la part de la profession, laquelle revendique une logique liberté de presse, affirmant que c’est au rédacteur en chef qu’appartient de choisir. lien
Par ailleurs, Emmanuel Macron ne s’est pas assez méfié des micros qui trainent, et alors qu’il sortait de sa première réunion avec les syndicats, se flattant auprès des journalistes que tout s’était bien passé... il ne s’est pas aperçu qu’un vilain micro baladeur avait capté une phrase qui avait vocation à rester secrète : « c’est normal, je ne leur ai rien dit... » a-t-il glissé au ministre Le Drian, qui lui demandait « ça c’est bien passé ?  ». lien (curseur à 3’)
Voilà qui promet pour la suite...

Comme disait mon vieil ami africain : « les dents qui sourient masque la blessure du cœur qui souffre »...

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