L’enjeu de l’élection législative a changé de nature au cours des
dernières heures de la campagne. En général et dans le cas particulier
de « la France insoumise
».
Après des jours d’étouffement dans le néant de «l’affaire Ferrand»
et les délires du culte de la personnalité du nouveau chef d’État,
reviennent les dossiers de fond qui dispersent les miasmes de l’ambiance
hallucinogène ! Quatre jours avant le vote, nous apprenons par le
journal « Le Parisien » l’ampleur de la remise en cause du code du travail prévue par le gouvernement. Trois jours avant le vote, grâce au journal « Le Monde », nous découvrons un projet de transposition dans le droit commun des dispositions de l’état d’urgence.
Ainsi, tout le droit social et tout le système des libertés
individuelles de notre pays sont désormais en cause. Dans le même temps,
les excès incroyables de la campagne de dénigrement contre moi
reviennent en boomerang sur le système qui les produit. Mes conseillers
avaient vu juste : ne répondre à aucune provocation, ni avec la presse
ni avec les adversaires, ne répondre à aucune polémique, notamment à
Marseille, mais assumer le conflit voulu par Cazeneuve, restaurer la
mémoire de ceux qui avaient oublié le cas Rémi Fraisse et la foule des
mauvais traitements subis pendant la mobilisation de la loi El Khomri.
Au total, cela déclenche dans nos rangs une belle remobilisation des
hésitants et des « aquoibonistes ». On peut donc imaginer des dizaines
de seconds tours pour nos candidats. Et des dizaines de cas où l’on va
vérifier que les « unitaires » qui ont crié au « gâchis » et à la
division sont ceux qui les provoquent en gelant la poignée de voix dans
des scores groupusculaires qui empêchera nos candidats d’accéder au
second tour.
Avec la remise en cause du code du travail, il s’agit d’un « coup d’État social
» puisque les parlementaires ne pourraient discuter ni amender une
seule des décisions prévues par les ordonnances. En effet, le vote
parlementaire se résumera à un « oui » ou un « non » à la loi
d’habilitation et à celle disposant les mesures. Pourtant, des milliers
de questions très précises et très concrètes concernant la vie
quotidienne des salariés sont en en cause : la durée du travail, les
salaires, le droit d’alerte et celui de retrait en situation de danger,
les motifs de licenciements, et ainsi de suite. Un siècle de luttes et
de compromis sociaux va être abrogé. Le transfert du pouvoir normatif
dans l’entreprise est une mesure de violence inouïe. Et une régression
tout aussi vertigineuse. Car la négociation de gré à gré du salarié avec
son patron était la condition ordinaire avant le code du travail.
Celui-ci fut établi après les grèves de 1906/1907 quand il apparut que,
dans l’industrie moderne, cela pouvait très mal tourner. Tel fut le cas
avec l’accident dans la mine de Courrières, où 1300 mineurs périrent du
fait de la cupidité patronale qui refusait le coût des mesures de
sécurité.
Avec la transposition de l’état d’urgence dans le droit commun, c’est
aussi un évènement énorme qui se prépare. Toutes les protections qui
garantissent les libertés individuelles vont être remises en cause. Par
exemple, les perquisitions à domicile et les mises en résidence
surveillée pourront être ordonnées par le ministre de l’Intérieur et les
préfets sans aucune autorisation préalable d’un juge ! De même pour la
surveillance des conversations privées téléphoniques. Cela vise non
seulement le commun des syndicalistes et des activistes écologistes mais
aussi les journalistes et leurs sources comme on l’a vu pendant le
débat sur l’instauration de l’état d’urgence sous Hollande. Et ainsi de
suite.
Sans doute n’est-ce pas tout. Les premières annonces du ministre de
l’Éducation sont autant de bombes. Il est possible que tous ces gens
soient devenus ivres du sentiment de toute puissance en prenant pour
argent comptant les délires apologétiques qu’ils lisent de partout. Ils
croient tout possible. Je crois donc que, pan par pan, la société toute
entière va être provoquée. On peut donc commencer à imaginer le profil
de la suite. La stratégie mise en place avec cette bataille législative
va s’avérer précieuse. Débarrassé du poids mort des combines et
arrangements avec le monde du PS, totalement autonomes et indépendants,
nous pourrons avancer sans dépendre d’autre chose que de notre capacité à
agir et entraîner. Autant de raisons d’agir sans relâche pour refuser
fermement de donner les pleins pouvoirs à l’équipe Macron, comme elle le
réclame. Les bulletins de vote prennent donc un sens nouveau et précis :
il s’agit d’une mobilisation pour la défense de nos acquis sociaux et
de nos libertés individuelles.
On revient donc à l’équation de départ. Si ceux qui ont voté pour le programme « L’Avenir en commun
» dont j’ai été le candidat à l’élection présidentielle confirment leur
soutien à ce projet en votant pour les candidats de « la France
insoumise », nous serons le groupe de députés décisifs à l’Assemblée
nationale. Décisif c’est-à-dire soit majoritaire, soit incontournable.
Articulé avec la force des 500 000 soutiens enregistrés sur la
plateforme de « la France insoumise », et l’impact en mémoire de la
force des sept millions de voix de la présidentielle, nous serons au cas
le moins favorable en état d’être l’opposition centrale au nouveau
régime. Ici jouera à plein la symbolique des bulletins de vote marqués
du logo « PHI » dans tous les bureaux de vote du pays. On ne peut pas se
tromper. La soupe aux sigles, les alliances tuyaux de poêles et à
géométrie variable, les innombrables tentatives d’usurpation s’achèvent
dans la simplicité du vote final clairement délimité.
Sur le terrain, l’accueil qui est réservé à nos candidatures est bon.
Et même très bon dès qu’on met les pieds dans les cités populaires.
Mais, parfois, la présence au second tour se jouera à quelques voix
comme à la présidentielle. Les sondages locaux montrent que nous sommes
dans la quasi-totalité des cas en tête de toute l’opposition au système
Macron. J’appelle donc à ne pas disperser les voix qui se sont
rassemblées avec « La France insoumise » en avril dernier. Tout le monde
peut comprendre le message.
Quand il manque deux points à Jean-Pierre Carpentier à Hénin-Beaumont
pour être au deuxième tour face à Marine Le Pen, on peut s’interroger
sur le rôle des quatre pour cent attribués au candidat communiste Hervé
Poly, pourtant secrétaire général de la fédération du Pas-de-Calais du
PCF. Et autant à propos des deux points et demi attribués à la candidate
EELV Marine Tondelier, pourtant porte-parole nationale de son parti.
Deux partis qui ont, au plan local comme au plan national, beaucoup
glosé sur la nécessité de l’union pour éviter le « gâchis », partant de
l’idée bien évidemment que seules leurs candidatures permettaient le «
rassemblement » et « la dynamique », sans oublier, dans ce jargonnage
pesant, les références à ma personne, une semaine pour me trainer dans
la boue, la suivante pour s’approprier mon score à la présidentielle, et
vice versa. Leurs scores groupusculaires montrent la vanité de leur
affirmation. Mais le résultat auquel ils arrivent montrent l’urgence de
dépasser les conditions politiques d’un petit monde qui, sous couvert
d’unité et de rassemblement, est en état de nuisance absolue.
Pour finir, je veux encore remercier toutes les personnes qui ont
manifesté leur solidarité en public comme en privé pendant
l’interminable campagne de dénigrement qui s’est abattue sur moi sans
limite de décence. Nous savons que le but de ces ignominies était de
tâcher de diviser nos bases et de nous isoler en nous diabolisant. Les
antifascistes d’opérette qui nous ont tympanisés pendant l’entre deux
tours de l’élection présidentielle n’ont pas eu un mot contre Le Pen,
exactement comme avant le premier tour de cette élection. Attendez-vous à
les voir ressortir bientôt leurs couplets. N’y attachez pas davantage
d’importance que la dernière fois.
Nous construisons dans la durée un
paysage politique où l’escroquerie du vote utile et la fumisterie du «
Front républicain » ne pourront plus être les bouées de sauvetage des
partis du système. Et où notre programme finira par être le recours.
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