Je m’implique depuis longtemps dans le dossier des perturbateurs
endocriniens. Au Parlement européen, c’était un des sujets récurrents
dans mon action sous la forme d’interpellations et ainsi de suite. Et le
lecteur dispose sur ce blog du dossier complet sur ce travail.
Comme on le sait, le processus qui devait conduire à contrôler la
diffusion des produits qui contiennent de tels perturbateurs a connu de
nombreux rebondissements au niveau européen. Certains n’étaient vraiment
pas des épisodes glorieux pour les commissaires, la Commission et ceux
qui les soutiennent systématiquement. Le lobby des chimistes dominé par
l’industrie chimique allemande a eu une audace sans limite. Elle s’est
renforcée lorsque l’immense firme chimique numéro un allemande a acheté
le chimiste nord-américain Monsanto, producteur de toute une série
d’abominations qui figurent parmi les principaux facteurs de destruction
de l’écosystème.
Jusqu’à présent, nous avons beaucoup vu comment l’humanité pouvait
être menacée « de l’extérieur » par la destruction de l’écosystème, que
ce soit par la destruction de ces points d’équilibre interne ou par la
destruction de la biodiversité. Dans chaque cas on croyait toujours voir
une conséquence imprévue et non désirée concernant les moyens
d’approvisionnement des êtres humains et non les êtres humains
eux-mêmes. Les perturbateurs endocriniens qui existent sous différentes
formes de pesticides se présentent pour la première fois comme un
processus directement perturbateur de l’espèce humaine. Cancérigènes,
perturbateurs du processus de génération, de formation des embryons et
des fœtus, puis d’autres phénomènes essentiels du développement humain
comme le fait apparaître l’énigme des pubertés précoces, les
perturbateurs endocriniens se présentent comme un phénomène
d’empoisonnement direct des humains.
La France résistait aux définitions laxistes que la Commission
européenne, agissant sous la pression des lobbys de l’industrie
chimique, s’apprêtait à donner. Sans crier gare, notre pays a finalement
cédé. Naturellement, les motifs tortueux pour l’avoir décidé ne
manquent pas. Comme d’habitude, tout revient à une expression stupide : « c’est mieux que si c’était pire ». Dans le monde des O.N.G. et de nos partis écologistes, cette capitulation est lamentable. On connaît tellement l’argument : « jusqu’ici mais pas plus loin
». Car si ce n’est pas pour aller plus loin, pourquoi être venu «
jusqu’ici » ? C’est la question qui se pose toujours dans une
négociation où il faut évaluer un rapport de force. La capitulation de
la France ne marque pas le point limite des objectifs qui pouvaient être
atteints par elle mais, à l’inverse, celui que ses adversaires
n’osaient plus pouvoir atteindre avant de passer à la suite !
Il est frappant de voir de quelle indifférence le sujet est entouré. Je l’ai évoqué dans mon discours de réponse à celui du Premier ministre
le jour du vote de la confiance. Je n’ai pas reçu un mot de réponse sur
le thème. J’affirme que les perturbateurs endocriniens seront peut-être
la cause qui fera bientôt régresser de l’intérieur la civilisation
humaine en la vidant de ses protagonistes empoisonnés par un système qui
montre une fois de plus qu’il est incapable de s’auto-réguler aussi
longtemps qu’il s’abandonne au jeu spontané des intérêts particuliers.
Les perturbateurs endocriniens sont le nom de cette marche vers la
barbarie et l’autodestruction que contient pour notre espèce le modèle
actuel de l’organisation de la société humaine. Il l’est sous sa forme
la plus grimaçante et la plus effrayante.
Pour vendre des produits
chimiques, une entreprise au lourd passif dans l’histoire n’hésite pas à
essayer de faire fermer les yeux à tous ceux qui s’y opposent. Son
indifférence au sort des êtres humains est aussi abominable aujourd’hui
que quand elle produisait sans remords ni conscience des gaz pour les
camps d’extermination de masse.
Jean-Luc Mélenchon
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