En menant des politiques climaticides, comme la relance de l’industrie
du charbon, le président des États-Unis viole des principes du droit
international, expliquent les auteurs de cette tribune. Une saisine
juridique aurait, selon eux, un effet positif en obligeant les États du
monde entier à lutter contre le changement climatique.
Donald Trump promouvra-t-il au G20, puis à Paris le 14 juillet
prochain, ainsi qu’il le fait depuis son élection, la relance de
l’industrie et de l’exportation du charbon ?
Cette industrie, censée participer à la création d’emplois et à la
relance de l’économie états-unienne, est décriée par de nombreux
économistes comme moribonde et ne renaîtra pas de ses cendres. Mais
surtout, sa relance entre en parfaite contradiction avec l’ensemble des
derniers rapports scientifiques indiquant que la lutte contre le
changement climatique requiert l’arrêt total de l’ouverture de centrales
à charbon, tout au moins à partir de 2020, date minimale à laquelle les
États-Unis pourront juridiquement sortir de l’accord de Paris.
Or, cet accord ne fait que reprendre les préconisations des
scientifiques réunis au sein du Giec (le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat) : un réchauffement
climatique de 1,5 à 2 °C mettrait déjà en danger une grande partie de
l’humanité et des espèces tandis que le changement amorcé a déjà de
lourds impacts sur les conditions de vie des plus vulnérables, des
insulaires du Pacifique aux populations côtières, des peuples arctiques
aux populations subsahariennes.
En sortant de l’Accord de Paris, le président des États-Unis ne casse
pas seulement une dynamique diplomatique majeure : il viole les
principes du droit international. La Charte des Nations unies, à laquelle les États-Unis ont adhéré, établit comme objectif de « créer
les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des
obligations nées des traités et autres sources du droit international ».
Or, le changement climatique est une menace aux droits fondamentaux des
citoyens du monde, il amplifie les inégalités et constitue de ce fait
une menace à la paix. Toute politique anticlimatique menée de par le
monde érode la capacité des États à protéger leurs populations et met,
en définitive, en danger la survie de l’humanité tout entière.
De plus, l’émergence du droit international de l’environnement, dans
ses grands principes traduits dans les Déclarations de Rio et de
Stockholm, au sein des traités contraignants déjà adoptés, ou dans sa
jurisprudence, établit la responsabilité des États vis-à-vis de
l’environnement global et des communs planétaires. Si les outils pour
rendre cette affirmation contraignante manquent encore, si nul n’a
encore osé franchir le pas de « pénaliser »
les atteintes graves à la nature, le principe juridique qui devrait
empêcher Donald Trump de mettre à mal toute la politique
environnementale de son pays existe.
Trump commet un crime contre la sûreté de la planète menaçant le droit à la vie des générations présentes et futures
Cela n’a pas échappé aux juges, avocats, professeurs de droit ou à la
société civile qui ont notamment proposé le 24 juin dernier un Pacte
mondial pour l’environnement ayant force obligatoire, ni au législateur,
qui a souvent intégré cette responsabilité dans les droits étatiques,
comme elle l’est en France au sein de la Charte constitutionnelle pour
l’environnement.
Ainsi, aux États-Unis, des juges ont récemment reconnu le « droit à un environnement stable ».
Au Pakistan, la Cour suprême a établi le devoir de l’État de préserver
ce qui nous est commun. Aux Pays-Bas, le juge a défendu le devoir de
l’État de préserver les droits et la santé de sa population. Et de
telles initiatives se multiplient, tant et si bien que de nombreuses
organisations proches des nôtres — comme Our Childrens’Trust
aux États-Unis — travaillent sur l’opportunité d’un procès contre Trump
pour mise en danger d’autrui. Trump, en ne respectant pas l’accord de
Paris auquel il est tenu jusqu’en 2020, commet un crime contre la sûreté
de la planète menaçant le droit à la vie des générations présentes et
futures. Il se rend responsable de façon intentionnelle de l’écocide en
cours.
Il est grand temps de faire advenir, dans chacun de nos États, des
règles obligeant ces derniers à lutter contre le changement climatique.
En pénalisant les écocides, les graves atteintes aux écosystèmes dont
toute vie dépend, en reconnaissant des droits de l’homme
transgénérationnels, ou en inscrivant dans nos Constitutions
l’obligation de protéger le climat, nous empêcherions les décisions
individuelles, dangereuses et rétrogrades qui menacent les conditions
d’habitabilité de la Terre.
Si nous envisageons une saisine juridique, la reconnaissance de
l’écocide dans le droit pénal international permettrait quant à elle de
faire advenir avec sûreté une telle démarche. Il est encore temps de
prendre en main notre destin. Utilisons tous les outils, dont le vecteur
puissant du droit, pour faire appliquer réellement nos ambitions pour
le climat !
Valérie Cabanes est porte-parole de End Ecocide on Earth ; Emmanuel Poilâne est directeur de la Fondation France-Libertés ; Marie Toussaint est présidente de Notre affaire à tous.
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