Benoît Hamon vient de quitter le PS pour mieux lancer son mouvement du 1er
juillet. Que ne l’a-t-il pas fait plus tôt ? La présidentielle en eût
été changée. Que ne le fait-il pas plus tard ? La refondation politique
n’interfèrerait pas avec la mobilisation sociale. À agir de la sorte à
contretemps, Benoît Hamon en est réduit à susciter un tsunami dans un
verre d’eau.
Manuel Valls hors du PS, on aurait pu croire que Benoît Hamon et les
siens se lanceraient dans le réancrage du PS dans les fondements
progressistes et humanistes qui ont pu être les siens. C’est pourtant le
moment que Benoît Hamon a choisi pour, à la suite de l’ancien premier
ministre, claquer à son tour la porte du parti. Ainsi donc, Benoît Hamon
reconnaît aujourd’hui que Manuel Valls n’est pas la question : c’est le
PS lui-même qui est un frein à la refondation.
Que chacun-e imagine ce qui se serait produit si Benoît Hamon avait
assumé une telle analyse il y a tout juste trois mois ! L’élection
présidentielle en eût été changée. Alors même que le désaveu populaire à
l’encontre du PS était acté début avril, Jean-Luc Mélenchon aurait
alors avec l’appui de Benoît Hamon atteint mécaniquement le second tour
de l’élection présidentielle. Et il est à parier que nous aurions de la
sorte évité la présidence Macron et les ravages sociaux et écologiques
qu’elle charrie. Anachronique, Benoît Hamon a raté le rendez-vous qui
pouvait porter l’humanisme émancipateur au pouvoir.
Benoît Hamon a pareillement laissé filer les législatives. En
maintenant un semblant de perspective refondatrice au sein du PS, il a
contribué à permettre l’élection d’un groupe dont il acte aujourd’hui
l’inefficience au regard des objectifs qu’il entend porter. Est-ce à
dire que c’est l’échec électoral du courant Hamon, et de Benoît Hamon
lui-même, pris en tant que partie du PS, qui l’a conduit à l’analyse
qu’il nous livre aujourd’hui ? Ce serait de sa part faire preuve de
beaucoup d’opportunisme…manqué. Ou le laisser-faire de Benoît Hamon
aurait-il participé d’une volonté d’affaiblir le mouvement porteur de
l’aspiration populaire, la France Insoumise ? Ce serait renouveler
l’erreur de la présidentielle et en faire une faute.
Le 1er juillet, Benoît Hamon réunissait pourtant autour de
lui les appareils du PCF, d’EELV, du MRC, pour lancer son mouvement.
Aux contours explicitement délimités puisqu’il se servait de cette
tribune commune pour jeter l’opprobre sur Jean-Luc Mélenchon et la
France Insoumise : « Jaurès ne se serait pas indigné du drapeau
européen », « Jaurès s’est fait remarquer autrement que pas ses codes
vestimentaires »…La réunion apparaissait alors pour ce qu’elle est :
une tentative pour étouffer la force populaire mise en mouvement par
la France Insoumise et maintenir par contrecoup sous oxygène les vieux
appareils. Anachronisme historique.
Pour finir, Benoît Hamon nous promet des Etats généraux de la gauche
pour la rentrée de septembre. Le mouvement social appelle pourtant déjà à
la mobilisation contre les ordonnances et le démantèlement du code du
travail, une date ayant d’ores et déjà été posée le 12 septembre par la
CGT. C’est dans ce calendrier que Benoît Hamon appelle les forces
politiques à mettre en question les enjeux de leur propre structuration,
enserrant dans de l’organisation interne des énergies qui devraient se
déployer dans la mobilisation sociale. Si les forces politiques ont bien
une tâche à la rentrée, c’est d’être aux côtés des syndicats et de
prendre leur part dans la luttre qui s’annonce en jouant aussi leur rôle
d’émetteur propre pour appeler le peuple à se fédérer dans la lutte et
pour une société de justice sociale.
Benoît Hamon est décidément toujours à contretemps. Celui de ses
intérêts, de parti hier, ou personnels aujourd’hui, est incompatible
avec l’intérêt général. Ce n’est pas parce qu’avoir raison trop tôt
c’est déjà avoir tort qu’avoir tort trop tard c’est avoir raison.
François Cocq
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