Victor Ayoli
Les producteurs de melons, comme ceux d'abricots, jettent leur
production. Un scandale et une honte. Mais aussi une réalité qui
décourage, pousse à la ruine et souvent au suicide bien des
agriculteurs.
Concurrence « libre » mais faussée des produits
équivalents espagnols se plaignent les exploitants français. C'est vrai
et cela ne changera pas tant qu'une harmonisation sociale, fiscale et
normative au niveau de l'Europe ne corrigera pas cette concurrence
faussée. Ca, c'est un problème conjoncturel concernant un secteur précis
de l'activité agricole. Mais il est un parmi une foultitude de
problèmes constituant ce qu'il est convenu d'appeler « la crise de la
filière agricole ».
Les producteurs de lait ne sont pas mieux lotis. Le prix du lait est
le même que celui qu'on leur payait en...1991 ! A cette époque, une
vache rapportait autant qu'un hectare de blé. Aujourd'hui, il faut 7 à 8
vaches pour égaler le produit d'un hectare de blé…
Et que dire des filières porcines, volaillères, ovines, bovines.
Partout la crise qui peut se résumer en une phrase : le prix offert par
les metteurs en marché est souvent inférieur au prix de revient des
producteurs. En 2016, un agriculteur sur deux a « gagné » moins de 350
euros par mois ! Résultats : la crise, la ruine des exploitations à
taille humaine, les suicides et le glissement inéluctable vers une
agriculture industrielle dont l'exemple étasunien donne un exemple
effrayant : usines à viande auprès desquelles notre « ferme à mille
vaches » est un doux havre écolo, fruits et légumes OGM bourrés de
pesticides, etc... C'est le triomphe de la « malbouffe ».
Face à cet état de fait, pour concrétiser une promesse électorale de
Macron, s'ouvre ce jeudi à Bercy « les Etats généraux de
l'alimentation ». « Je veux redonner un pouvoir de négociation aux producteurs face aux industriels », martelait
le maintenant Président lors de sa campagne présidentielle. C'est bien
de le dire, ce serait mieux de le faire. Face à eux qui se présentent en
ordre dispersés, les producteurs ont la grande distribution mais aussi
les transformateurs industriels. Et ils ne font pas le poids. Leur
principal syndicat a longtemps été présidée par feu un ponte de cette
industrie agro-alimentaire…
Ce pouvoir de négociation, les agriculteurs - désespérés par la
mauvaise volonté quand ce n'est la mauvaise foi tant des industriels
transformateurs que de la grande distribution – tentent de l'obtenir par
des actions de « desesperados » en déversant leurs melons, abricots,
pèches devant les hypers ou encore fumier et déchets devant les
préfectures. C'est contre ces extrémités que ces « Etats généraux »
doivent trouver des solutions.
Mais le public, l'acheteur final, le consommateur qui ne veut plus
être un con-sommateur sont aussi appelés à donner leur avis. Non, pas à
la table des négociations, faut pas rêver, mais par une consultation
publique sur une plate-forme participative (egalimentation.gouv.fr)
où chaque citoyen est invité à s'exprimer, avec des questions
renouvelées au fil des semaines pour nourrir le débat en cours. Mais le
fait que cette consultation du public soit prévue en plein été et à la
rentrée plutôt qu'en amont des Etats généraux va rendre la participation
pour le moins « difficile ». Et puis qui tient compte de l'avis du
cochon de payant ?
Un premier bilan sera tiré fin septembre dans l'espoir d'avoir trouvé
des solutions concrètes pour pacifier les relations entre producteurs
et distributeurs. Juste à temps pour espérer peser sur le round annuel
de négociations tarifaires entre industriels et distributeurs, qui
s'ouvre tous les ans en octobre.
Bon courage…
agoravox.fr
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