Les premiers jours de cette nouvelle
législature confirme ce qui apparaît comme évident depuis pas mal de
temps : ce n’est pas au triomphe d’une majorité record que l’on assiste,
mais à la lente désagrégation d’un dernier carré de potentats réunis en
catastrophe dans une barcasse de circonstances pompeusement appelée “En
marche !”.
309 potiches (et quelques) en marche contre 17 pirates insoumis
Il faut voir la bobine terreuse des vainqueurs sur les gradins du
Palais-Bourbon pour comprendre que le nombre ne fait pas toujours le
triomphe. Ceux-là savent bien que la majorité des citoyens s’est d’ores
et déjà détournée d’eux : environ 55% des électeurs inscrits ont fait la
grève du vote en juin dernier.
Et ce n’est pas le discours aussi boursoufflé que creux de Trouducul
1er à Versailles, péniblement décliné par son premier ministre
Patibulaire lors de son discours de politique générale, qui risquent de
requinquer ces tristes médusés du radeau parlementaire. D’autant que
celui-ci ne manquera pas d’être bientôt encombré par les naufragés
d’autres groupes “d’opposition” dont les membres ont courageusement
préféré s’abstenir — quand ils n’ont pas carrément voté pour ! — lors du vote de confiance au gouvernement.
On rira enfin de voir que les grands prêtres de leurs saintes églises
médiatiques ne faiblissent pas d’ardeur pour dénoncer le « danger pour
la démocratie » représenté par les 17 pirates de la France insoumise.
C’est dire la confiance qu’ils ont dans les 309 potiches “en marche”.
« Nos classes dirigeantes sont devenues des classes dérivantes, sans homogénéité, sans conscience de groupe et sans projet »
Dans son ouvrage “Après la démocratie” Grasset 2008), Emmanuel Todd
anticipait très bien le phénomène de désagrégation de la classe
dominante dans une société livrée au libre-échangisme le plus effréné.
Pour Todd, « la pression destructrice du libre-échange exerce ses
effets, progressivement mais méthodiquement, en remontant du bas en haut
de la structure sociale ».
Lentement mais sûrement, c’est par pans entiers que chancellent des
parties pourtant situées au plus haut niveau de la hiérarchie sociale.
Après les employés, les ouvriers, ce sont les classes moyennes qui se
trouvent précarisés. Et maintenant, le fléau atteint le cercle
privilégié des cadres supérieurs eux-mêmes.
Si bien que les 20% de la population qui occupent les rangs les plus
élevés de cette hiérarchie se retrouvent acculés sur leur rafiot,
hagards et désemparés. Regardez donc la provenance sociale des derniers
élus de l’Assemblée nationale. Et tout particulièrement celle des
zombies de la République en marche.
Emmanuel Todd :
« L’atomisation caractérise vraisemblablement autant le haut que le bas de la structure sociale. Existe-t-il même une conscience de classe des dominants s’opposant à l’absence de conscience de classe des milieux populaires ou des classes moyennes ? L’accroissement des inégalités de revenus au sein du groupe statistique des 1% les plus privilégiés aide peut-être à comprendre pourquoi nos classes dirigeantes sont devenues des classes dérivantes, sans homogénéité, sans conscience de groupe et sans projet. »
Un processus vampirisant d’auto-destruction
Jean-Luc Mélenchon a bien compris ce processus vampirisant
d’auto-destruction, en annonçant qu’il se faisait fort d’ébranler la
confiance de certains égarés du groupe REM et de les attirer à ses vues.
Une fois que ceux-ci auront compris dans quelle impasse politique ils
se sont laissés piéger.
Car il va bien sûr se passer ce qui doit se passer, et même très
rapidement : emportés dans une fuite en avant suicidaire, les
représentants du groupe social dominant, pâles exécutants des
technocrates de Bruxelles et de leurs maîtres de Berlin, vont se hâter
de mettre en œuvre les mesures d’éradication du modèle français de
protections sociales hérité de l’après Seconde Guerre mondiale.
Sans voir qu’ils précipitent par là-même leur propre anéantissement
en réveillant la conscience de classe d’une majorité populaire attachée à
la notion d’égalité propre à la société française, et soudain
consciente de n’avoir plus rien à perdre.
Emmanuel Todd :
« L’erreur la plus grave que commettraient les prospectivistes serait de ne pas reconnaître que le véritable moteur des basculements révolutionnaires ou, plus calmement, des bouleversements de la structure sociale est toujours logé dans la classe moyenne, centre de gravité au sein duquel se définit et s’organise idéologiquement l’opposition au système ancien et la définition d’un système nouveau. Le monde populaire participe évidemment, mais laissé à ses propres forces, il est incapable de renverser le pouvoir en place. Les vrais conflits de classe opposent toujours des classes moyennes à des classes supérieures, le peuple servant aux premières de masse de manœuvre contre les secondes. »
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