Malgré une famine qui favorise le terrorisme aux frontières de la
région, la France et les cinq pays du G5S ont choisi de financer une
force militaire antidjihadiste.
Le G5 du Sahel, qui réunit le Mali, le Burkina Faso, la Mauritanie, le
Tchad et le Niger, sous l’égide de la France, vient de tenir une
session à Bamako, en présence d'Emmanuel Macron. Ses brèves discussions
et les décisions ont essentiellement porté sur le terrorisme et surtout
sur les nouveaux moyens armés de le combattre.
Emmanuel Macron a promis dimanche à Bamako une aide financière et
militaire à la force du G5 Sahel mais a exhorté ces pays à en démontrer
l'efficacité face aux jihadistes.
Les dirigeants du G5 Sahel ont ainsi convenus d'un budget de 423
millions d'euros pour la force conjointe régionale qu'ils veulent
déployer contre les jihadistes. Les présidents Ibrahim Boubacar Keïta
(Mali), Idriss Déby Itno (Tchad), Mohamed Ould Abdelaziz (Mauritanie),
Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso) et Mahamadou Issoufou (Niger)
se sont engagés à une contribution de 10 millions d’euros chacun, qui
s’ajouteront aux 50 millions promis par l’Union européenne.
C’est pourtant le développement durable qui se trouve être au premier
rang des objectifs de la convention signée en décembre 2014. Mais cette
question et celle des modifications climatiques a été une fois de plus
passée sous silence. Par exemple, le sort du lac Tchad a été « oublié »,
alors que son évolution explique en grande partie le terrible succès
des rebelles de Boko Haram qui essaiment dans la région. Une
organisation qui joue sur l’appauvrissement de la zone frontalière où se
trouve ce lac en voie d’assèchement.
Disparition programmée
Le lac Tchad est en effet en train de disparaître. Lors de la grande
sécheresse de 1973, survolant à bord d’un avion de transport et de
secours à la région, j’avais découvert une immense étendue d’eau qui
paraissait infinie et sur laquelle voguait de nombreux bateaux de pêche.
À cette époque il couvrait 25 000 kilomètres carrés d’eaux
poissonneuses. En 2017, il ne mesure plus qu’à peine 1 000 kilomètres
carrés à la saison des pluies.
Sous les effets du réchauffement climatique, de la disparition
progressive des précipitations et de l’avancée du désert dont les dunes
de sable recouvrent peu à peu les marais qui le bordaient et
contribuaient à sa richesse halieutique ou à son agriculture. En une
quarantaine d’années, cette grande étendue d’eau, véritable mer
intérieure africaine, qui équivalait au double de la superficie de
l’Île-de-France, ne couvre plus guère que l’équivalent du département du
Val-d’Oise, avec une eau dont la profondeur est en moyenne de 1 ou 2
mètres. La plupart des villages sont désormais loin des rives et les
barques de pêche y pourrissent lentement. Les poissons ont disparu.
Ravages du réchauffement climatique
Les populations du Tchad, du Niger, du Nigeria et Cameroun qui
vivaient autour du lac sont donc réduites à la misère et à une
sous-alimentation qui fait le jeu des forces de Boko Haram. Une pêche
réduite à néant, une agriculture à l’agonie pour une vingtaine de
millions de personnes qui n’ont d’autres solutions que, pour les uns de
migrer, pour d'autres d’être en permanence en proie à la faim, et pour
des dizaines de milliers d'autres encore d’aller grossir les ceintures
de taudis qui grossissent autour de la ville toute proche de N’Djamena.
Les 7 millions de personnes qui restent sont vouées à la famine. Car
s’ajoutent à la disparition du lac la salinisation des eaux et les vents
de sable qui ravagent les jardins vivriers et les rares exploitations
agricoles subsistantes.
La baisse des eaux du lac est si rapide que les experts prévoient que
sa disparition sera quasiment totale d’ici à une trentaine d’années si
rien n’est tenté pour le réalimenter. Malheureusement, toutes les
réunions et conférences techniques ou politiques qui se sont déroulées
depuis une quinzaine d’années ont échoué. Parce que les pays de la
région ne réussissent pas à se mettre d’accord, parce que le coût serait
trop élevé, parce que personne ne veut payer les travaux ; parce que la
France et les pays de ce G5 préfèrent financer une nouvelle armée
plutôt que le développement ; et aussi parce que, par exemple, le Congo
voisin au sud ne veut pas entendre parler d’un détournement partiel de
ses eaux.
politis.fr
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