Pendant cette session extraordinaire de l’Assemblée, nous avons été
conduits à tester beaucoup de méthodes de combat politique. Certaines
notamment que nous n’avions jamais pratiqué dans le passé.
On connait
notre refus absolu de tout retour à la tambouille mortifère du
« rassemblement de la gauche ». Il s’est renforcé quand nous avons vu
pour quelle réponse nous avons pris au mot le PS qui prétendait que
devait se rassembler « l’opposition de gauche ». Nous avions dit : « il y a un ticket d’entrée, le vote contre la confiance au nouveau gouvernement d’Edouard Philippe ».
La réponse est venue en deux temps. D’abord cinq membres du groupe PS
ont voté la confiance pour trois seulement qui ont voté contre et
vingt-quatre autres se sont s’est abstenus. Ensuite, sans un mot
d’argumentation, le secrétaire général du PS, Jean-Christophe
Cambadélis, toujours en poste, a dénoncé mon « gauchisme autoritaire » et mon « populisme échevelé » en réponse à une question passe plat du « Monde » qui demandait si on pouvait « encore »
parler avec moi quand on est socialiste. Le final est arrivé quand est
venue l’heure de voter sur les ordonnances contre le code du travail.
Quatorze députés PS ont voté contre mais la majorité du groupe, soit
dix-huit députés, n’a pas participé au vote. En toute hypothèse, le
« rassemblement de l’opposition de gauche » ne peut donc avoir lieu avec
des gens qui ont choisi de ne pas s’opposer.
Ce tour d’horizon de « l’opposition de gauche » étant achevé, j’en
viens à la tactique de combat adoptée à l’assemblée pour unir des
efforts quand cela est possible. Car la ligne d’action reste de dénouer
par l’action tout ce que les intrigues de Palais quelles qu’elles soient
embrouillent et clouent au sol. Sans complexe et sans a priori passer à guet en s’appuyant sur chaque point de passage disponible.
Seul le cas par cas peut fonctionner. Nous l’avons testé avec un
amendement pour faire « sauter le verrou de Bercy ». Nous avions vu qu’à
une voix près, un amendement pour le faire avait été repoussé en
commission après un épisode assez rocambolesque de trois votes confus,
conclu par « assis/debout » d’anthologie. L’initiative fut donc prise de
proposer à tous ceux qui le voudraient de déposer ensemble un
amendement commun en séance plénière. Six groupes sur sept, c’est-à-dire
tout le monde, de LR à FI en passant par le Modem, le PS et les
communistes, tout le monde sauf « La République en Marche » se retrouva
sur un amendement commun. Une conférence de presse commune a même eu
lieu pour présenter l’initiative. C’est d’ailleurs pour effacer
l’impression d’isolement total de la majorité que le président de séance
se lança dans des manœuvres de présentation des amendements qui tourna à
la foire d’empoigne généralisée. Mais l’expérience nous a parue
efficace.
Nous l’avons donc renouvelée pour déposer un recours constitutionnel
contre l’ordonnance sur la loi travail. En effet pour déposer un tel
recours il faut disposer de soixante signatures de députés ou de
sénateurs. Aucun de nos groupes ne les a. Et la somme des insoumis et
des communistes ne réunit que trente-trois signatures. L’accord a pu se
faire du PS à des autonomistes corses incluant les insoumis et les
communistes.
En vain cherchera-t-on à en faire un accord « d’union de l’opposition
de gauche ». Les raisons que j’ai évoquées suffisent pour comprendre
pourquoi ce ne peut être le cas. Mais de même que nous signons avec LR
pour « faire sauter le verrou de Bercy », nous signons avec le PS quand
bien même la majorité de ses membres n’a pas voté contre l’ordonnance
sur le code du travail. Telle est la méthode des « additions
ponctuelles ». Elle n’a pas valeur d’accord politique global. Elle ne
préjuge d’aucune suite. Elle existe pour un objet clairement délimité.
Et conforme à notre programme.
Comme ce sont des étapes spectaculaires et significatives, je les
cite. Mais il faut savoir que la même méthode a été appliquée à des
dizaines d’amendements de LR ou du PS : nous les avons appuyés de nos
votes quand ils étaient conformes à notre programme. La méthode des
« additions ponctuelles » doit être lue pour ce qu’elle est : le refus
des attitudes sectaires, la volonté de ne pas s’en tenir aux étiquettes
pour avancer dans l’action que nous avons choisie. Et d’un autre côté,
c’est le refus de donner des blancs-seings ou des amnisties à qui que ce
soit.
Et nous admettons évidemment qu’il en aille de même pour ceux qui
sont ponctuellement nos alliés dans une bataille. Je veux dire qu’ils
ne doivent se sentir lié à rien d’autres nous concernant quand ils
agissent avec nous.
Jean-Luc Mélenchon
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