François Cocq
Allez, parce qu’il ne faut pas s’habituer au traitement partisan des
complices du pouvoir qui se cachent derrière un masque artificiel
d’objectivité et de neutralité dites journalistiques, un petit retour
sur le journal de 13h de France-Inter en ce jour de mobilisation des salariés contre la réforme du code du travail.
Le choix éditorial a été fait d’opposer ceux qui étaient mobilisés et
ceux qui ne l’étaient pas. Choix discutable s’il en est car
l’information du jour ne résidait pas a priori dans une quelconque
action de ceux qui sont favorables aux ordonnances Macron mais bien dans
les manifestations organisées par ceux qui s’y opposent.
Partant de là, le sujet a été traité en tant que tel pendant 9 minutes et 33 secondes (de 1’36 à 11’07).
Les manifestants ont eu la parole au sein d’un reportage qui a duré
1’33’’ (de 2’27’’ à 4’) et Jean-Luc Mélenchon a pu défendre la
mobilisation pendant 56’’ (de 4’54 – 5’48’’). Ont été ajoutés au rang
des anti-casse du code du travail les forains : ceux-là ont eu droit à
1’43’’ d’expression (de 7’28’’à 9’11’’) quand bien même il est dit dans
le reportage…que leur mobilisation n’est pas en lien avec les
ordonnances organisant la casse du code du travail.
Dans l’autre sens, la CFDT est présentée comme ceux « qui sont contre la stratégie de la CGT, contre la stratégie de la manifestation »
avec 15’’ accordées à Laurent Berger. M.Gattaz, président du Medef,
aura lui eu la parole durant 50’’ (de 6’10’’-7’). Avant que soit lancé
un reportage sur des militants d’En marche qui ont été tracter en faveur
de la loi travail dans le XXème arrondissement de Paris. Un reportage
de 1’48’’ (9’12-11’) leur est consacré bien que selon les dires mêmes de
la journaliste, ceux-là n’étaient qu’ « une petite dizaine ».
Voilà comment le traitement médiatique de la mobilisation syndicale
permet au final de donner plus de temps d’antenne (2’53’’) aux pro-loi
travail qu’à ceux qui la combattent (2’29’’), la grosse des ficelles des
forains servant à masquer la manœuvre de journalistes militants.
Voilà pour la forme. Mais le pire est à venir lorsqu’on décortique
les incises des journalistes qui ont fait haro sur la CGT. On a vu plus
haut que la stratégie de la CGT a été réduite à celle de « la
manifestation » pour mieux la décrédibiliser. Mais notez à présent
l’infect : « La préfecture de Paris a quelques inquiétudes
d’éventuelles violences : 150 gros bras de la CGT auraient été mobilisés
pour encadrer le cortège contre 400 à 500 l’an dernier ». Passons
sur le fait que le service d’ordre soit réduit de manière péjorative à
des « gros bras ». Mais ce que sous-entend de manière grossière cette
phrase, c’est que si violences et affrontements il devait y avoir, la
responsabilité en incomberait à la CGT ! Chacun sait pourtant que si les
manifestations de 2016 contre la loi travail ont été victimes de
violence, en amont et en aval des cortèges, c’est le fait d’éléments
extérieurs à ces manifestations et dont la gestion relève dès lors des
forces de l’ordre et non du service d’ordre. Mais sans doute est-ce là
l’objectivité journalistique que de tenter de manipuler l’opinion sur un
évènement, des violences, qui au final n’ont d’ailleurs pas eu lieu.
Honteux !
Si la CGT était visée, Jean-Luc Mélenchon ne pouvait pas lui non plus
échapper à la vindicte journalistique et ses piques gratuites. Avant de
lui donner la parole, Bruno Duvic, puisque c’est notamment à lui que
l’on doit ce spectacle affligeant, y allait de son commentaire « Il y
a ceux qui comptent sur ce premier tour de chauffe pour lancer leur
propre mouvement. C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon ». Voilà
comment en deux coups de cuillère à pot le dit journaliste cherche à
faire croire que La France Insoumise instrumentalise l’action syndicale
dans la perspective de la marche contre le coup d’état social de Macron
qui aura lieu le samedi 23 septembre à Paris. Cette marche servirait
selon lui à « lancer [leur] propre mouvement », bref serait une action strictement partisane,
alors même que c’est le peuple qui déferlera pour rejeter la politique
de M. Macron. La tentative du journaliste en service commandé pour
essayer d’opposer deux initiatives qui sont pourtant de nature
différente et qui ont chacune leur légitimité est grossière.
À l’inverse, les pro-macron eux n’ont pas eu droit au même traitement. Eux sont « des militants positifs. Oui, plus que positifs. Ils ont la foi chevillée au corps » et avec eux « tout est dit avec rondeur, bienveillance ».
N’en jetez plus…Et pourtant si. Refermée la parenthèse sur la
« mobilisation », voilà le gouvernement qui apparaît, comme s’il n’était
pas concerné par les éléments précédents dans lesquels il n’a pas été
évoqué une fois. Et lorsqu’il apparait, on apprend que « le gouvernement se veut très serein. Son équipe répond à la grogne par la multiplication des annonces et des réformes ».
Et les journalistes de citer Bruno Lemaire annonçant que la fiscalité
du diesel convergera vers celle de l’essence ou de développer, invité à
l’appui et durant plus de 6 minutes, l’ouverture de la PMA à toutes les
femmes françaises, ce qui est effectivement une bonne nouvelle. Voilà
qui contrebalance pour le moins ces satanées manifestations avec
lesquelles le gouvernement n’a effectivement rien à voir…Alors bien sûr ,
tant qu’à informer sur les annonces du gouvernement, on aurait aussi pu
avoir l’annonce de Bruno Lemaire ce même jour qui signifiait la fin de
la défiscalisation du PEL, dont les intérêts seront soumis à la flat tax
de 30% dès la première année. Mais il faut croire que cette mesure qui
va frapper de plein fouet les braves gens qui, sans être riches pour
autant, essaient d’épargner pour devenir propriétaires, est porteuse de
trop de colère populaire pour être rendue publique à cet instant.
Voilà un journal ordinaire de jour de grève sur le service public.
C’est malheureusement tellement coutumier qu’on pourrait presque s’y
accoutumer. Mais en fait non, on ne le doit pas. Ces arrogants là,
cachés derrière une pseudo-objectivité, sont des journalistes militants.
Qu’il le soit n’est pas un problème en soi ; qu’ils le cache est par
contre malhonnête.
François Cocq
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