Jean-Luc Mélenchon
Cette semaine est lancé la phase ultime d’une des trois campagnes
décidées par la troisième Convention de « La France insoumise ».
Il
s’agit de la votation citoyenne pour la sortie du nucléaire. Celle-ci
aura lieu dans la semaine du 11 au 18 mars prochain. Entre la date
anniversaire de l’accident de Fukushima et celui du début de la commune
de Paris. Tout le monde peut participer à cette campagne en allant
chercher les fiches argumentaires et le matériel nécessaire sur le site de « La France insoumise ».
L’équipe qui s’est constituée autour de Mathilde Panot et Jean-Marie
Brohm pour mettre en place cette campagne a également assuré le contact
avec les organisations associatives historiques du combat contre le
nucléaire. Le monde associatif qui a le premier ouvert et tenu cette
tranchée a réagi de façon très positive. Plusieurs éminentes
personnalités venues de leurs rangs ont pris en main le co-pilotage que
Mathilde Panot a mis en place. À mon tour, je veux participer à cette
campagne en présentant ici les arguments qui m’ont le plus touchés ces
derniers temps. Et je commence par celui qui invoque l’indépendance
énergétique de la France que le nucléaire garantirait selon ses
partisans. L’aspect géopolitique de cet argument parle aux auditeurs
dans plusieurs directions. Mais il est faux.
Il dure pourtant depuis bien longtemps. Ce fut même l’argument
central à l’origine. Le développement de la filière nucléaire pour
produire de l’électricité en France a été lancé dans les années 1970 au
motif de garantir l’indépendance énergétique de notre pays. Plus
précisément, il s’agissait alors de diminuer notre dépendance aux
énergies fossiles, associés à l’époque aux États-Unis et à des risques
géopolitiques qui sont d’ailleurs toujours là. Depuis, l’argument est
rabâché par le lobby pro-nucléaire. L’énergie nucléaire serait la
garante de l’indépendance nationale, en sortir serait mettre en péril
cette indépendance.
Voyons cela. Le taux officiel d’indépendance énergétique de la France
est de 50%. Autrement dit, la moitié de l’énergie que nous consommons
serait d’origine nationale. Ce chiffre est sujet à plusieurs critiques.
Le biais le plus important de cette prétendue indépendance énergétique
est que 100% de l’uranium utilisé dans les centrales nucléaires
françaises est importé. Aucune mine en France ne produit de l’uranium.
La France importe 8000 à 9000 tonnes d’uranium par an. Il y en a pour un
milliard d’euros dans la balance commerciale de notre pays. En tout
cas, c’est un étrange raisonnement que de se dire indépendants grâce au
nucléaire au motif que la valeur ajoutée à l’uranium serait réalisée en
France. Non, le nucléaire n’est pas une « énergie française ». Ou alors
autant dire que le pétrole raffiné en France est français et qu’il
n’induit pas de dépendance vis-à-vis des pays producteurs de pétrole. Et
alors dans ce cas, pourquoi le nucléaire ? Cette dépendance aux
importations est aggravée du fait du mauvais rendement de l’énergie
nucléaire. Celle-ci se distingue en effet par le fait que les deux tiers
du combustible utilisé est perdu en chaleur quand seulement un tiers
produit effectivement de l’électricité.
Ensuite, on aurait tort de réduire cette dépendance à une simple
question commerciale. Son contenu géopolitique n’est pas neutre. Nous
sommes dépendants pour la production de nos centrales du minerai que
nous importons du Niger, du Kazakhstan et du Canada. Les réserves
d’uranium étant très concentrées, la France dépend d’un petit nombre de
pays pour son approvisionnement. Une grande partie de l’uranium que nous
utilisons est produit au Niger. Un pays qui est déstabilisé par les
bandes armées telle que Boko Haram. Le Kazakhstan est l’autre grand pays
duquel nous dépendons. C’est même celui qui en possède les plus grandes
réserves sur la planète. C’est aussi l’une des pires dictatures du monde.
Son Président, Nazarbaïev, est en place depuis 1984. Amnesty
international y a recensé 163 cas de torture en 2016. Mais puisqu’il
nous fournit de l’uranium, l’Assemblée nationale ratifie avec lui des
accords de coopération renforcée. Et les députés de la majorité « la
République en Marche » se sont succédé à la tribune pour lui faire des
compliments. Un honteux défilé qui montrait la conception abaissée de la
France qu’ils incarnent.
Dans ces conditions, notre raisonnement montre la nécessité de renverser
l’axiome de départ du credo des nucléaristes. C’est pour devenir
indépendant qu’il faut sortir du nucléaire en France. Oui, sortir du
nucléaire pour garantir une véritable indépendance énergétique de notre
pays. Les ressources pour produire de l’énergie renouvelable sont
présentes en abondance sur le territoire français.
Nous avons la
première façade maritime d’Europe et des entreprises françaises sont en
pointe dans le domaine des énergies marines renouvelables. Il ne manque
que la volonté politique de faire autrement. Et la volonté d’être
indépendant.
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