Victor Ayoli
Ils nous le disent sur tous les tons, sur toutes les colonnes, sur
toutes les machines à bruits, dans toutes les lucarnes à décerveler : le
« dictateur » Poutine a été réélu dans un scrutin « entaché de
nombreuses irrégularités ».
Ben voyons, pas comme chez nous, pas comme aux USA, ce champion du
monde de la démocratie où un scrutin censitaire permet au candidat
milliardaire ayant le moins de suffrages d’être le vainqueur ! Poutine,
lui, a été élu par 75 % des électeurs avec une participation de 70 %. Ce
qui est tout de même confortable mais n’a rien à voir avec un score
« soviétique ». Eh oui, c’est comme ça, n’en déplaise aux
« russophobes » forcenés. Les affreux moujiks aiment bien leur Ours !
Ne faisons pas d’angélisme. Poutine n’est pas le dictateur que la
propagande voudrait nous faire croire, mais il mène son pays de façon
pour le moins « autoritaire ». Mais n’oublions pas le progrès par
rapport à l’URSS. La démocratie ne se construit pas en un jour. Et puis
balayons devant notre porte, quelle image offre la « démocratie » qui
donne le pouvoir à des Trump, à des Sarkozy, à des Berlusconi, à des
Juncker et qui prétend l’imposer au monde à coups de bombes ?
Ce Poutine, élu pour la première fois en 2000, va alors prendre en
main un pays en pleine désintégration, saccagé par des oligarques avides
cornaquées par des officines occidentales, surtout yankees ou
allemandes, leur déléguant des « experts » préconisant des thérapies
ultralibérales. Résultat : une chute du PIB russe de près de la moitié
entre 1990 à 1998, la paupérisation de la moitié de la population accrue
par les privatisations et l’accaparement des richesses par une mafia.
C’était la grande époque de la curée, du vol par les oligarques de
toutes les richesses de ce pays de ce pays « dirigé » par l’ivrogne
Elsine, pantin des Étasuniens. Richesses qu’ils vont ensuite planquer
dans les paradis fiscaux et les affaires aux États-Unis ou en Europe où
ils viennent vivre. Ce sont ceux-là que balaie Poutine.
Et pourtant, systématiquement, dans les cercles de la bien-pensance
atlantique, c’est haro sur la Russie. Son président est affublé de tous
les défauts, considéré comme un infâme dictateur liberticide et
sanguinaire. Et la Russie présentée comme un pays de brutes illettrées
et alcooliques représentant une terrible menace pour l’Europe et le
monde. Propagande bien relou…
Toutes les informations dont nous abreuvent les merdias à la solde
des marchands de canon et de béton nous sont présentées,
systématiquement, sous un angle antirusse. Que ce soit pour l’Ukraine,
la Syrie, ou encore la situation économique de ce pays, ses rapports
avec le monde.
Cette russophobie n’est pas nouvelle. Chez les Français, elle date
évidemment de la pâtée prise par Napoléon. Pour les Anglais, elle vient
de la rivalité impérialiste britannique de domination de l’Asie qui
s’est heurtée à la puissance russe. Pour les Allemands elle vient de
leur prétention « d’espace vital à l’Est » ayant sombré dans la terrible
défaite hitlérienne. Quant aux Étasuniens, ils se sont retournés contre
leur allié antinazi dès la guerre gagnée (surtout par les Russes !).
Depuis, leur stratégie consiste à encercler le territoire russe par des
bases militaires hostiles dans des pays à la remorque de l’Otan. Et leur
politique tend à être toujours antagoniste de ce pays, à tenter de
casser ses initiatives, à l’humilier et à tenter de le piller autant que
faire se peut.
La russophobie étasunienne prend deux aspects : - une forme
idéologique autour de la soi-disant défense de la démocratie et des
droits de l’homme ; - une rivalité géopolitique car ils ne supportent
pas que d’autres puissances osent contester leur « hégémonie » et font
tout ce qui est en leur pouvoir pour faire passer la Russie pour une
puissance hostile à l’Europe. Ce qu’elle n’est pas. Et nous, Européens
veules, serviles et puants d’ingratitude, nous nous faisons les
complices de toutes les forfaitures des États-Unis sous prétexte
« qu’ils nous ont sauvés en 45 », oubliant que c’est l’URSS -
c’est-à-dire les Russes - qui a le plus donné de vies pour délivrer le
monde du monstre nazi…
Président bien réélu du plus vaste pays du monde, Vlad-le-terrible
enrage les roquets antirusses par sa popularité. Pourquoi est-il
populaire Poutine ? Parce qu’il a mis un terme à la désagrégation du
pays et aux humiliations infligées à la Russie par l’extension de l’OTAN
(trahissant les promesses faites à Gorbachev) ou à travers les
bombardements de la Yougoslavie et l’occupation du Kosovo en 1999.
Les relations politiques vont se détériorer avec les « révolutions de
couleur » fomentées par les États-Unis en Géorgie et en Ukraine avec
velléités d’intégrer ces marches de la Russie dans l’Otan.
L’encerclement militaire de la Russie par les forces belliqueuses de
l’Otan justifie les réactions de Poutine, tant en Crimée qu’en Ukraine.
S’ensuivent les attaques économiques contre la Russie à travers la
baisse du prix du pétrole orchestrée par l’Arabie saoudite et les
États-Unis et les sanctions économiques. Celles-ci s’avèrent
contre-productives tant pour la Russie que pour l’Europe. Mais pas trop
pour le principal fauteur de troubles, les États-Unis…
Ces sanctions sont une faute géopolitique grave, car elles rejettent
la Russie vers l’Asie et principalement vers la Chine. L’effet
d’éviction du marché russe pour les entreprises européennes sera
durable. Or, le peuple russe est un grand peuple européen. La Russie est
un acteur majeur de la politique européenne depuis la fin du XVIIIe
siècle. C’est méconnaître le rôle que peut jouer le sentiment de
l’humiliation ou de la dignité blessée dans l’Histoire des peuples.
Pourtant, la Russie est évidemment européenne. De Gaulle ne
parlait-il pas de « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » ? Elle est
européenne par la géographie, par la population, par la (les)
religion(s), par la civilisation, par l’histoire. Que représentent les
Étasuniens, « passés directement de la barbarie à la décadence en
oubliant la civilisation », par rapport à cette grande nation qui a
donné au monde – n’en déplaise au président Macron qui a snobé les
auteurs russes au Salon du livre de Paris - les écrivains Pouchkine,
Tolstoï, Dostoïevski, mais aussi les musiciens Borodine,
Rimski-Korsakov, Moussorgski, Rachmaninov, Tchaïkovski, mais encore
Mendeleïev, génie de la physique qui a réalisé la classification des
éléments de la nature, etc... etc... et - cerise sur le vatrouchka – le
pays qui a envoyé le premier homme dans l’espace et le seul actuellement
capable d’amener et de ramener des cosmonautes dans la station
orbitale internationale !
En fait, nous leur en voulons d’être ce que nous ne sommes plus : un
pays fier, conscient de sa force. Un pays qui croit encore à
l’instruction, au savoir, en ses institutions. Qui croit en son destin
quand nous confions le nôtre aux cours de la Bourse et aux banquiers de
Wall Street, de Francfort et de la City.
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