François Cocq
La mise à l’écart du député LREM Jean-Michel Clément, pour avoir osé
affirmer et assumer ses convictions à l’occasion du vote sur la loi
asile et immigration, en dit beaucoup sur la conception du
fonctionnement des institutions, et pour tout dire de la démocratie, que
se fait M. Macron.
Dimanche 22 avril, le député de la Vienne était donc contraint de
quitter le groupe parlementaire LREM avant même de voter contre le
projet de loi asile et immigration. Contraint car au préalable,
Jean-Michel Clément s’était vu signifier publiquement par le président
de groupe Richard Ferrand qu’une procédure d’exclusion serait engagée à
son encontre en cas de votre contre le texte, une première dans
l’histoire du Palais-Bourbon.
Ainsi donc au sein de La République en marche, on fonctionne autant à
la menace qu’à l’ukase ou à la vindicte médiatique. Et à dire vrai, un
seuil a été franchi. Car lorsqu’en septembre dernier, le député
marcheur, M’jid El Guerrab avait été mis en examen pour violences
volontaires avec arme, celui-ci avait simplement été incité à
démissionner du groupe LREM, sans qu’aucune procédure disciplinaire ne
soit lancée à son encontre.
C’est donc que cette fois les questions posées par Jean-Michel
Clément sont bien politiques. Sur le sujet lui-même bien sûr.
Jean-Michel Clément parle ainsi à propos du débat sur le texte asile et
immigration de «mascarade», «d’hypocrisie» d’un texte qui selon lui «ne réglera rien» en fragilisant de surcroît les personnes qui ne seraient «ni expulsables ni régularisables».
Mais c’est plus encore sur le fonctionnement de la démocratie
parlementaire telle qu’envisagée chez LREM que l’épisode s’avère
révélateur. L’essence du pouvoir semble en effet reposer dans le parti
du président sur la seule verticalité, à l’exact opposé de la « refondation par le bas »
qu’énonçait le candidat Macron au lancement de son mouvement. Il
n’existe pas même d’espace de débat et de discussion. Ainsi Jean-Michel
Clément a signé plusieurs amendements personnels sans qu’aucun ait été
retenu. On se souvient que la même pratique avait été revendiquée dès le
début de la session parlementaire par la présidente LREM de la
commission des affaires sociales qui se targuait de rejeter par principe
tout amendement émanant de députés de La France Insoumise. Le groupe
parlementaire en particulier, et le Parlement en général, sont ramenés
au rôle d’une chambre d’enregistrement, ce que renforcerait encore le
projet de réforme constitutionnel envisagé par M. Macron.
Mais au-delà, c’est même l’exercice démocratique en pouvoir césariste
qui est interrogé. La coercition qui s’est abattue sur M. Clément
s’oppose ainsi à l’article 27 de notre Constitution stipulant que « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel ».
Pourtant, sur un sujet qui touche à la conception même de ce que l’on
se fait du devoir d’humanité, du rapport à l’autre et du rôle dévolu en
ces circonstances à la République, le vote chez LREM est contraint.
On a beaucoup raillé une majorité godillot depuis un an. Mais la
vérité est plutôt qu’il s’agit d’une majorité caporalisée, réduite au
rang d’exécutant et surtout privée de toute capacité d’initiative et
même désormais d’avis personnel dans la fabrication de la Loi. Bref
d’une majorité qui n’a vocation à exister qu’en tant qu’excroissance
présidentielle-« J’assume totalement la ‘verticalité’ du pouvoir »
confiait ainsi encore cette semaine M. Macron à la Nouvelle revue
française -, donc soumise, et non pour accomplir l’attribut de
représentation qui devrait pourtant être le sien.
Rien ne justifie un tel renoncement imposé à un représentant de la
Nation. Surtout pas les calculs politiciens de M. Macron qui pour éviter
de revivre un épisode de fronde comme durant le précédent quinquennat
préfère frapper vite et fort et livrer une victime expiatoire. Car
l’exemple est à double tranchant : s’il vise à remettre au pas la
majorité, il révèle aussi au grand jour le rapport de domination
qu’entretient M. Macron avec le parlementarisme, la fonction de
représentation, et la souveraineté populaire qui les sous-tend.
C’est là
un élément majeur apporté au débat public alors que se profile la
réforme constitutionnelle qui affaiblit le Parlement, mais aussi
l’élection européenne qui, dans l’esprit du Président, vise à effacer la
souveraineté populaire au profit d’une chimérique souveraineté
européenne.
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