jeudi 10 mai 2018

Et je me casse ! À Las Vegas !


Régis de Castelnau

Inspiré d’une histoire pas vraie. 

Ça se passe dans un pays où comment que la justice elle est pas impartiale.


Les choses se déroulent quelque temps avant l’élection du personnage le plus important des institutions du pays. Il y a un petit gars qui voudrait bien être élu. Intéressant le petit bonhomme, on apprend aujourd’hui par son porte-parole (Benoit Raymond-Petit qu’il s’appelle, je crois) qu’il guérit les écrouelles en touchant les gens. En attendant, il est ministre de l’économie et s’efforce de fourguer les fleurons industriels de son pays à ses copains. Il plaît beaucoup aux oligarques qui vendent des armes et qui possèdent la presse. Il se trouve que l’un de ces oligarques doit se rendre un salon de nouvelles technologies au fin fond d’un désert américain où on joue avec des machines à sous. Alors le ministre de l’économie il veut aller dans cette ville du désert pour rencontrer l’oligarque histoire de lui demander à lui aussi un coup de main et des stocks de fraises Tagada. Il demande à Mariel Paniquo, une copine d’école, qu’il a fait nommer à la tête d’une agence publique (France-start-up qu’elle s’appelle l’agence, je crois) de lui arranger ses bidons et de lui organiser le déplacement avec quelques potes. Les cadres de la boîte disent que c’est trop tard pour respecter le Code des Marchés Publics et confier l’organisation du déplacement à une agence spécialisée, après une procédure (obligatoire) de mise en concurrence. Muriel est bien embêtée. Elle demande au cabinet du ministre ce qu’il faut faire. « Passer outre » lui répond-on. On ne sait pas exactement qui a donné l’ordre à Mariel, mais pour connaître le fonctionnement des cabinets, on a bien une petite idée. Aussitôt dit aussitôt fait, France-start-up passe un marché de gré à gré avec la première agence de communication française, l’agence Bavasse. Il y en a pour près de 500 000 balles, mais au ministère, on les connaît bien Bavasse, ce sont des amis et on les gave déjà de contrats. Alors un peu plus ou un peu moins, ça passera dans les bruits de l’orchestre.
En interne, au ministère des finances il y a des mauvais coucheurs qui font des histoires. Et un rapport qui dit que tout ça n’est pas bien régulier. La presse en parle un peu, alors France-start-up pond un communiqué pour dire que tout ça c’est vrai, qu’ils ont violé le code des marchés et par conséquent commis le délit pénal de favoritisme, mais qu’ils n’ont pas fait exprès, qu’il n’avait pas le temps, et que c’était pour la bonne cause. Le Parquet National Financier sollicité fait savoir qu’il a autre chose à foutre, et déjà assez de travail à s’occuper des concurrents de l’ancien ministre des finances à l’élection présidentielle, à savoir François Fuyons et Martine La Peine. Comme ça grince quand même un peu dans l’opinion c’est le parquet de la capitale qui s’y colle. Quelques fuites dans la presse plus tard, on apprend que la seule question qui reste en suspens pour l’instant, c’est celle de savoir qui au cabinet du ministre de l’économie a pris la décision. Habitués aux rythmes fulgurants utilisés par le PNF de madame Roulette et le Pôle Financier du juge Tournoyaire, on se dit que Mariel risque de passer un été agité.
Eh bien pas du tout. Il faut rappeler qu’on est au printemps 2017, et que c’est que le copain des oligarques, débarrassé par la justice de son principal concurrent, qui a été élu. Alors Mariel va connaître une certaine tranquillité estivale histoire de se préparer à sa mission principale du mois de septembre, démolir le code du travail à l’aide des ordonnances. Ça, c’est fait.
Bons alors après, on reprend l’instruction ? On demande à Mariel de nous raconter comment elle a lâché un demi-million d’euros sans mise en concurrence pour rendre service à son copain d’école? Houlà doucement, chaque chose en son temps. Et c’est comme cela que l’on vient d’apprendre qu’un an après l’aveu de France-start-up, sa patronne était convoquée avec le statut de « témoin assisté ». Plus confortable bien sûr, et en plus cela veut dire qu’en l’état de l’instruction il n’existe pas d’indices « graves ou concordants » rendant vraisemblable le fait que Mariel ait su que la société qu’elle dirigeait s’asseyait gaiement sur le Code des Marchés en commettant une infraction pénale.
Comme je l’ai dit en commençant, cette histoire se passe dans un pays où comment que la justice elle est pas impartiale. Et surtout un pays où certains magistrats ne sont guère soucieux de la crédibilité de leur institution. Ce n’est pas chez nous que ça arriverait.

Pour ceux qui ne prennent pas tout cela à la légère et voudraient en savoir un peu plus, je renvoie à deux textes de l’année dernière. On constatera que j’avais encore quelques illusions.


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