jeudi 10 mai 2018

Trump met fin à l’accord nucléaire avec l’Iran. Et maintenant ?


Moon of Alabama

Dans un discours très belliqueux, Trump a annulé l’accord nucléaire avec l’Iran. Il y a aussi raconté beaucoup de mensonges. 

Mais rien de tout cela n’est surprenant. Les États-Unis ne respectent leurs accords qu’aussi longtemps qu’ils y voient un avantage à court terme – il suffit de demander aux Amérindiens. On ne doit jamais s’attendre à ce que les États-Unis tiennent parole.
Trump va réimposer des sanctions américaines contre l’Iran parce que :
• L’accord nucléaire a été négocié par l’administration Obama et donc il est mauvais ;
• Israël veut que l’Iran continue à passer pour un croque-mitaine ;
• Les sionistes et les fous furieux de la droite étasunienne veulent que les États-Unis attaquent l’Iran ;
• Trump a besoin que l’Iran reste le pire ennemi des États du Golfe pour leur vendre toujours plus d’armes américaines.
Trois pays européens, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne, étaient assez naïfs pour croire qu’ils pourraient empêcher ça. Le trio a proposé aux États-Unis d’imposer des sanctions supplémentaires à l’Iran pour d’autres raisons – missiles balistiques et engagement iranien en Syrie. Je n’en suis pas revenu quand j’ai appris ça. Il était évident dès le début que cette démarche ne ferait que discréditer ces pays ET qu’en plus elle échouerait. [C’est nous qui soulignons, ndlr]
Heureusement, l’Italie et des pays d’Europe de l’Est s’y sont opposés au niveau de l’UE. Ils n’étaient pas prêts à sacrifier leur crédibilité à cause de ça. Selon eux, l’accord nucléaire a été signé, et tous ceux qui l’ont signé doivent le respecter. Ils ont souligné que Trump n’avait donné aucune garantie qu’un effort européen supplémentaire changerait son point de vue.
Au cours des dernières semaines, le trio européen a tenté d’influencer Trump. En pure perte :
Vendredi, Pompeo a organisé une conférence téléphonique avec ses trois homologues européens. Des sources bien informées m’ont confié que Pompeo avait remercié le trio pour les efforts qu’ils avaient consentis depuis janvier pour trouver une formule qui convaincrait Trump de ne pas se retirer de l’accord nucléaire – mais il a clairement indiqué que le Président voulait prendre une direction différente.

Suite à la déclaration de Trump, les puissances européennes veulent publier une déclaration commune qui indiquera clairement qu’elles restent dans l’accord avec l’Iran afin d’empêcher sa désintégration.
Les sanctions que Trump veut réintroduire ne limiteront pas seulement les relations des États-Unis avec l’Iran, mais pénaliseront aussi d’autres pays. Cela mènera à une vague de mesures protectionnistes, car une partie au moins de ces autres pays va tenter de se protéger contre les lois américaines et pourrait même introduire des contre-sanctions :
« Nous préparons des dispositions pour protéger les intérêts des entreprises européennes », a déclaré Maja Kocijancic, porte-parole de l’UE pour les affaires étrangères, aux journalistes à Bruxelles.
L’Iran s’en tiendra largement à l’accord nucléaire si l’UE le défend efficacement et n’entrave pas les accords iraniens avec les entreprises européennes. Si l’UE ne le fait pas, l’accord nucléaire sera nul et non avenu. L’Iran sortira de l’accord. Le gouvernement néolibéral Rouhani, qui a conclu l’accord, tombera et les conservateurs reviendront au pouvoir. Ils défendront la souveraineté de l’Iran à tout prix.
Les États-Unis semblent croire qu’ils peuvent revenir à la position qu’Obama avait adoptée dans les années qui ont précédé l’accord nucléaire. L’Iran était soumis aux sanctions de l’ONU et tous les pays, y compris la Chine et la Russie, les respectaient. L’économie iranienne était en grave difficulté. Le pays a été forcé de négocier pour s’en sortir. Cette situation ne se renouvellera pas.
La crédibilité des États-Unis est sérieusement ébranlée. Elle a enlevé son gant de velours. Et sa main de fer s’est révélée impuissante en Afghanistan, en Irak et en Syrie.
La Chine et la Russie sont en train de conclure de gros accords avec l’Iran et sont maintenant devenus ses protecteurs. Bien qu’ils n’aient pas d’idéologie commune, les trois pays s’opposent à un monde globalisé régi exclusivement par des règles « occidentales ». Ils ont le pouvoir économique, la population et les ressources nécessaires pour le faire. Ni les États-Unis, ni l’Europe, n’ont encore accepté cet état de fait.
L’Iran a non seulement de nouveaux alliés, mais il a progressé au Moyen-Orient à cause de la stupidité des États-Unis, d’Israël et de l’Arabie saoudite. Les guerres en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen ont toutes renforcé la position de l’Iran alors même qu’il s’en est largement tenu à l’écart. Les récentes élections au Liban se sont bien passées pour le camp de la   « résistance ».  Au Liban, le Hezbollah n’a plus de challengers. Les prochaines élections en Irak donneront naissance à un nouveau gouvernement favorable à l’Iran. L’armée syrienne est en train de gagner la guerre menée contre son pays. La position des États-Unis en Afghanistan est sans espoir. L’Arabie saoudite se dispute actuellement avec les Émirats arabes unis à propos de la guerre contre le Yémen. La prise de bec du CCG avec le Qatar n’est toujours pas résolue.
Israël veut garder l’Iran comme croque-mitaine pour détourner l’attention de sa campagne génocidaire contre les Palestiniens, mais il ne veut pas d’une grande guerre. Le Hezbollah au Liban possède suffisamment de missiles pour rendre très inconfortable la vie des Israéliens. Une guerre contre l’Iran pourrait facilement se terminer avec Tel-Aviv en flammes.
Il y a des gens dans l’administration Trump qui vont faire de leur mieux pour déclencher une guerre avec l’Iran. L’administration Bush voulait aussi le faire. Mais tous les exercices de simulation d’une campagne militaire contre l’Iran finissaient mal pour les États-Unis et ses États alliés. Les pays du Golfe sont extrêmement vulnérables. Leur production de pétrole pouvait être rapidement arrêtée. La situation n’a pas changé. Les États-Unis se trouvent maintenant dans une position stratégique pire qu’elle ne l’était après l’invasion de l’Irak. S’il y a encore quelques personnes sensées à la direction du Pentagone, elles supplieront la Maison-Blanche de ne pas se lancer dans une telle aventure.

Le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire est une énorme erreur. Le ministre de la Défense Mattis s’y était opposé. Trump fera-t-il une erreur encore plus grande contre l’avis de ses conseillers militaires ? Va-t-il déclarer la guerre à l’Iran ?

Traduction : Dominique Muselet

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