Antoine Larrache
Nous y sommes : autour des manifestations des 22 et 26 mai, il
faudra gagner ou reculer une nouvelle fois.
Gagner par un mouvement qui
ressemblerait le plus possible à une grève générale contre Macron. Ou
encaisser une nouvelle défaite qui rendra encore plus difficile les
prochains combats ?
Macron ne compte rien céder, il l’a
montré à nouveau dans les « négociations » avec les syndicats de
cheminotEs. Il n’y a pas de victoire possible sans une élévation du
rapport de forces, sans unité de la classe ouvrière.
Cette unité
s’entend de différentes façons : d’un côté entre les différents niveaux
de conscience, depuis les jeunes et les salariéEs qui luttent déjà
jusqu’aux catégories qui regardent, souvent avec sympathie, le
mouvement. Autrement dit entre les jeunes qui ont bloqué les universités
et cette frange qui s’interroge sur la tenue des examens, entre les
cheminotEs qui défendent la grève reconductible et les autres qui
« perlent la grève perlée » et attendent des négociations entre CFDT et
gouvernement.
De l’autre côté, une unité entre les différents
secteurs professionnels, pour aller chercher touTEs ces salariéEs qui
perçoivent la dégradation de leurs conditions de vie et de travail mais
ne s’engagent pas encore dans la lutte, ou seulement par des mouvements
sectoriels, dans les finances publiques, le 15 dans les hôpitaux ou le
22 dans la fonction publique…
Unité et radicalité
Mais
il n’y a pas de victoire possible sans radicalité. Sans grève
reconductible, on le voit à la SNCF, le mouvement subit les flux et les
reflux. Sans assumer la confrontation avec l’appareil d’État, il n’y a
pas de résistance aux assauts policiers. Sans auto-organisation, sans
comités de grève élus, mandatés, centralisés, il n’y a pas de légitimité
et de capacité à ce que le mouvement défende des positions politiques
en direction des masses.
Le gouvernement sait inévitable la
radicalisation des secteurs longtemps mobilisés, car celle-ci s’opère
spontanément dans la lutte. Il travaille donc à la division entre les
secteurs radicaux et les secteurs plus attentistes, une séparation
concrétisée dans la manifestation du 1er Mai à Paris, entre
secteurs radicaux qui perçoivent les enjeux de la lutte – derrière les
autonomes – et salariéEs attachés à l’unité de leur catégorie sociale.
La
tentation est forte de se contenter de son pré-carré car elle peut
sembler plus « rentable » pour recruter, selon les cas, des militaires
révolutionnaires ou syndicaux… mais elle ne donne pas de solution pour
la victoire de la lutte.
Question de points de vue
Le but des militantEs est de travailler les interactions entre les différents niveaux de conscience.
Pour citer Ernest Mandel, « les
larges masses ne s’engagent dans la lutte de classe, dont l’origine
fondamentale remonte aux contradictions du mode de production
capitaliste, que sur des “questions vitales” immédiates. Ceci vaut pour
toute action de masse, même politique. »
Dans les syndicats,
nous décelons donc les « questions vitales » pour mettre en mouvement,
comme à Air France sur les salaires, à La Poste dans le 92, en Bretagne
et en Gironde sur les réorganisations ou dans la santé contre les 960
millions volés aux hôpitaux sur fond de sentiment d’impossibilité de
faire correctement son travail. Nous devons argumenter sur le fait que
c’est le moment où jamais, que le gouvernement ne peut faire face à
toutes les colères.
La tâche du parti, c’est encore et toujours de
poser la question du pouvoir, c’est-à-dire d’orienter la colère contre
le gouvernement Macron, contre l’État, contre la répression policière.
Une orientation globale qui se qui se décline en bataille pour l’unité
de la classe, pour la grève générale et l’auto-organisation.
Dans
les processus d’auto-organisation, on navigue entre toutes ces
dimensions. Ce n’est pas toujours simple, parce qu’il faut composer avec
différents courants politiques, syndicaux, différents niveaux de
conscience et préoccupations. La ligne directrice consiste à orienter en
permanence les secteurs les plus combatifs vers les masses : que les
cheminotEs en grève discutent pour entraîner celles et ceux qui ne le
sont pas, que les étudiantEs mobilisés posent la question des examens
pour tout le monde, que les coordinations inter-gares, AG de lutte pour
la grève générale et autres cadres se donnent comme objectif, avant
tout, de convaincre toutes et tous d’entrer dans un mouvement pour
gagner sur chaque revendication, en réalité pour infliger une défaite
politique au gouvernement.
Vers une explosion sociale le 26 mai ?
La
donnée politique la plus frustrante est sans doute qu’on voit dans tout
le pays une grande colère mais qu’elle ne se retranscrit pas dans une
grève de masse, car beaucoup de salariéEs ne croient pas en la
possibilité de gagner.
C’est pour cela que nous nous battons,
depuis des mois, pour des journées qui centralisent la colère, pour de
grandes manifestations où chacunE prend conscience de notre force
collective.
Si nous gagnons l’engagement réel des organisations
syndicales à la manifestation du 26 mai, cela pourrait bien être le
moment d’un mouvement d’ensemble contre le gouvernement Macron, le
lancement d’une grève de masse pour renverser la vapeur.
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