Juliette Keating
Inquiétant, sombre personnage qui, à l'aube de ses quarante ans dans un
pays qui vieillit, montre le visage non pas de la jeunesse mais celui de
la mort.
Inquiétant, sombre personnage qui, à l'aube de ses quarante ans dans un
pays qui vieillit, montre le visage non pas de la jeunesse mais celui de
la mort. L'impression en le voyant, et tenant pour une fois à l'écouter
jusqu'au bout, d'un être sans chair, machine lisse qui ne trouve qu'en
elle-même les raisons et mécanismes de son fonctionnement, et qui ne
comprend rien à ce qui se joue ici et maintenant. Son agressivité à
peine contenue est sans humanité. Dans ses mots policés qui voudraient
rappeler le droit, on entend les semelles cloutées des préfets et des
flics piétinant chaque jour la loi pour mieux écraser les
contestataires, celles et ceux qui veulent vivre autrement. Ainsi nous
devrions nous plier à l'ordre dominant, céder à l'autoritarisme d'un
individu hissé à la présidence par l'effet de la crédulité de certains,
de la peur compréhensible du FN, et surtout par l'activisme d'une
poignée d'amis opulents et hauts placés qui ont le pouvoir de faire ou
défaire une élection prétendument démocratique. La vision de CRS
casqués, armes à la main, pénétrant en masse dans un amphi d'université
pour cogner les étudiants, est une image qui ne le choque en rien,
éternel fayot de la reproduction sociale, petit soldat du creusement des
inégalités au profit d'une frange infime de la population, ces plus
riches qui, dit-il, n'auraient même pas besoin de lui. La détresse des
migrants ne le touche pas, les enfants emprisonnés en centre de
rétention ne sont qu'une question d'efficacité de leur déportation, et
l'on entend dans sa voix de sinistres échos quand il évoque l'islamisme
par le mauvais bout du voile, qu'il accuse les Français.es solidaires
des migrants de se faire les complices des passeurs ou qu'il répète
mille fois le mot république comme on invoque une déesse païenne, du
type qui dévore ses adulateurs. Il ne voit pas, il n'entend pas, il ne
dit rien non plus, incarnant à lui tout seul les trois singes qui ne
seraient pas ceux de la sagesse mais de l'indifférence assassine.
Défenseur autoproclamé sévère mais juste des humains légaux, des
écoliers sages et des petits propriétaires qui payent leurs impôts, il
ne convainc personne. Il ne comprend pas que, sous le maquillage bonne
mine, il suinte le mensonge et la mauvaise foi par tous les pores de sa
peau et que c'est cela que le public, déjà lassé de sa ganache qu'il
impose au quotidien, retient de chacun de ses cabotinages. Il ne sait
pas que tout ce qu'il représente, cet ancien monde fait d'agriculture
intensive, de nucléaire, de bétonnage, de missiles, de surproduction, de
compétition exacerbée, de mise en concurrence de chacun avec tous, de
profits à verser aux actionnaires contre les travailleurs, de gloire aux
millionnaires et malheur aux vaincus, nous n'en voulons pas. Que nous haïssons l'oligarchie qu'il représente. Que son temps est fini.
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