Europalestine
Lundi soir, alors que dans l’enceinte du ministère de l’armée à Tel
Aviv, Netanyahou attisait le feu d’une guerre contre l’Iran, à quelques
dizaines de kilomètres de là, au Parlement de Jérusalem, les députés
adoptaient une série de lois fortifiant l’apartheid et le racisme du
régime israélien.
À Tel Aviv, Netanyahou, qui dirige le seul pays de la région
disposant d’un arsenal atomique,— dont il a toujours refusé
l’inspection— s’est livré à un grand speech pour affirmer que l’Iran ne
respectait pas l’accord signé avec les grandes puissances en 2015, qui a
pour objet de « verrouiller » les possibilités pour l’Iran
d’éventuellement développer son nucléaire à des fins militaires (sachant
que l’Iran n’a pas la bombe, et a toujours affirmé ne pas la vouloir,
les Etats-Unis ayant eux-mêmes reconnu que la République Islamique avait
abandonné toute velléité dans ce domaine depuis 2003 au plus tard).
Présentés comme « un exploit du Mossad », les documents secrets
supposément iraniens brandis par Netanyahou ne contiennent en réalité
rien qui ne soit déjà connu de l’Agence Internationale de l’Energie
Atomique (AIEA), l’organisme chargé de surveiller l’industrie nucléaire
iranienne, et qui continue d’estimer que le gouvernement de ce pays
continue de respecter les clauses de l’accord de 2015, très
contraignantes au demeurant.
Le discours de Netanyahou était principalement destiné à « booster »
la volonté de Donald Trump, déjà bien chauffé par le lobby israélien,
pour qu’il prononce déchire le 12 mai prochain l’accord international de
2015. Le twitteur de la Maison-Blanche a dans un premier temps applaudi
au discours de Netanyahou, avant de se rétracter une heure plus tard,
quand des conseillers lui ont fait remarquer que les « révélations » de
Netanyahou étaient en réalité bidon.
Il n’en reste pas moins que le patron du gouvernement israélien, ne
serait-ce que parce qu’il fait face dans son pays de possibles mises en
examen pour diverses turpitudes personnelles, a un besoin effréné de
guerres supplémentaires.
Tandis qu’elle apporte en sous-main son concours à des groupes
djihadistes, l’armée israélienne a intensifié ces derniers mois ses
attaques aériennes sur le sol syrien, que ce soit contre des
installations du régime, ou des bases de l’Iran et de ses alliés du
Hezbollah officiellement présentes dans le pays pour appuyer l’armée de
Bachar al Assad.
Mais Tel Aviv veut plus et prépare son opinion publique à faire face
une nouvelle fois à un « danger existentiel » fantasmatique, eu égard à
la disproportion flagrante des forces militaires en présence. Les
dirigeants israéliens préféreraient qu’une attaque générale contre le
régime iranien –y compris sur le sol iranien et pas seulement en Syrie
ou au Liban-, émane de l’armée américaine. Mais à défaut, ils préparent
une attaque de grande envergure de leur propre cru, prétendant interdire
à la Syrie et à l’Iran de se doter de systèmes de défense contre
avions, de fabrication russe, plus performants que ceux dont ils
disposent actuellement (les multiples frappes israéliennes contre des
objectifs en Syrie n’ont pour le moment coûté qu’un seul F-16 à
« Tsahal », pour des destructions adverses considérables).
Ces bruits de botte ont aussi pour effet de reléguer au deuxième,
voire au troisième plan, le massacre de la population palestinienne à
Gaza, où des jeunes désarmés sont tirés comme des lapins par de
courageux snipers tout fiers de leur immunité et de leur impunité.
Mais si la presse israélienne en a fait des tonnes sur les
« révélations » de Netanyahou et l’ingéniosité du Mossad qui aurait
réussi à voler des milliers de dossiers secrets en plein Téhéran, elle
n’a quasiment pas couvert les lois liberticides votées le même jour à la
Knesset, observe le journaliste du Haaretz Bradley Burston, un sioniste
américain émigré en Israël, qui désespère de l’avenir de son nouveau
pays.
« Sous couvert de dossier iranien, Netanyahou vient juste de franchir
trois étapes qui nous amènent au fascisme », écrit Burston.
« Avec les textes votés, nous avons là trois bombes à retardement qui
nous conduisent droit à la dictature et au facisme », écrit-il.
Il y a d’abord l’adoption, en première lecture, de la loi sur
" l’Etat-Nation Juif ", qui va torpiller, en droit et plus seulement en
pratique, l’égalité théorique des droits entre tous les citoyens
d’Israël. Parmi les dispositions avancées : la suppression de l’arabe en
tant que deuxième langue officielle du pays, ce qui était pourtant son
statut depuis la proclamation même de l’Etat d’Israël il y a 70 ans, et
qui est la langue maternelle d’un habitant sur cinq ! De même, la
ségrégation géo-spatiale va être renforcée par la loi, en interdisant en
droit et pas seulement en fait la possibilité pour un « goy » d’accéder
à un logement dans une communauté « réservée aux Juifs ».
Netanyahou-Napoléon ? La Knesset a aussi approuvé un amendement à la
loi fondamentale sur le gouvernement qui autorisera désormais un Premier
ministre à déclarer tout seul une guerre, sans avoir besoin d’une
autorisation de son gouvernement.
Enfin, une troisième loi fait obligation aux tribunaux de privilégier " la loi et la tradition juive " au détriment de la législation civile,
dans des affaires où une contradiction apparaîtrait quant à
l’interprétation entre les deux corpus !
Le public israélien aura du mal à prendre connaissance de ce
hara-kiri parlementaire. Le quotidien à grand tirage a consacré mardi
ses 15 premières pages au show de Netanyahou sur l’Iran, avec seulement
un quart de page insipide sur les décisions du parlement. Même topo dans
le gratuit pro-Netanyahou Israel Hayom du milliardaire des casinos
(sponsor de Trump et Netanyahou) Sheldon Adelson.
Et le pire est sans doute à venir, prévient Burston. C’est le projet
dit du « Passage en force ». Si le texte est adopté, une simple majorité
parlementaire (61 voix sur 120) suffirait à passer outre des jugements
de la Cour Suprême. À court terme, la majorité parlementaire y voit un
outil appréciable pour des milliers de demandeurs d’asile
–principalement soudanais et érythréens- dont la juridiction a interdit
la déportation (en pratique, vers l’enfer des sables libyens ou les eaux
de la Méditerranée) en raison des risques que courent ces hommes et ces
femmes s’ils étaient renvoyés dans leur pays d’origine.
La dépossession
de la Cour Suprême faciliterait également l’annexion pure et simple à
Israël des colonies juives implantées dans les territoires palestiniens
occupés.
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