Pierre Morville
Emmanuel Macron a donc passé trois jours avec Donald Trump.
Trois
jours de salutations chaleureuses, d’embrassades, de tapes dans le dos
sans oublier des baisemains à Mme Trump. Premier chef d’Etat à être reçu
par le président des États-Unis, Emmanuel Macron ne cachait pas sa
fierté devant l’attention qui lui était portée autant par le
gouvernement que par le Congrès des États-Unis.
Mais une fois
passé les embrassades, les effusions et les promesses d’amitié, le
résultat diplomatique concret est beaucoup moins évident. Les
divergences restent nombreuses. Le principal objectif visé par Emmanuel
Macron était d’infléchir la position étasunienne sur l’accord sur le
nucléaire iranien, (Joint Comprehensive Plan of Action, JCPOA)
pour une période de dix ans, signé en juillet 2015 par les cinq membres
permanents du Conseil sécurité des Nations unies (dont les Etats-Unis
eux-mêmes, la Russie, la Chine, l’Angleterre et la France), l’Allemagne
et l’Iran.
Dès lundi matin, Donald Trump face à Emmanuel Macron a
dit tout le mal qu’il pensait de cet accord, conclu à l’époque par Barak
Obama : « un désastre », un texte « dément ridicule, il n’aurait jamais
du être conclu ». Le président des EU maintient donc sa volonté de
retirer la signature des Etats-Unis dès le 12 mai prochain si de
profondes modifications du traité n’intervenaient pas. Lesquelles ? On
ne sait pas trop. Dans tous les cas, une modification dans un délai si
court impose l’accord des six autres signataires. Tout cela parait très
peu possible. Les Iraniens ont d’ailleurs signalé qu’en cas de
« dissolution » de l’accord, ils reprendraient leurs essais nucléaires.
Du coup, Trump les menace « de gros problèmes ».
Ces derniers jours, la Russie, la Chine et la Grande-Bretagne ont également milité pour le maintien du traité en l’état.
Emmanuel
Macron a bien tenté de trouver des aménagements afin d’amener Donald
Trump à des positions plus raisonnables : « on construit un accord plus
large », propose le président français, accord qui irait au-delà de la
date de 2025 et qui intégrerait un plan de stabilisation de la Syrie et
plus généralement de toute la région…. Sacré pari !
Mais ces
propositions hardies mais peu réalistes n’agréent pas du tout Donald
Trump qui a publiquement promis de « déchirer l’accord ».
Emmanuel
Macron n’a pas non plus réussi à modifier la position étasunienne sur
d’autres dossiers d’importance comme « l’Accord de Paris » sur le climat
que les Etats-Unis furent un des rares pays à ne pas le signer. Le
président français n’a pas non plus réussi à réduire les nouvelles taxes
étasuniennes sur les importations d’acier et d’aluminium. Toujours
pressé, Trump avait donné fin mars à l’Union européenne pour négocier
avant le 1er mai ses demandes d’exemption.
« À l’horizon des
élections mi mandat novembre 2018 aux États-Unis, il y a fort à parier
que le leader américain ne mette pas d’eau dans le vin, fût-il français,
de ses convictions anti-environnementales, protectionnistes, anti-Iran,
et pro-Israël » note le site Chine Europe.
L’Europe, l’Europe…
Toujours
jeune, brillant, ayant réponse à tout, bon vendeur de la France, le
président Macron rentre néanmoins un peu, beaucoup, bredouille de sa
visite aux EU. Il partait pourtant à Washington comme le principal
représentant de l’Union européenne. Mais sur ce dossier là aussi, le
talentueux président français enregistre des échecs certains. Conscient
des fragilités de la croissance économique tant en France que dans le
reste de l’Europe, après le départ de la Grande-Bretagne, Macron pariait
sur une forte relance de l’union européenne : création d’un budget
spécifique européen, création du poste d’un ministre des finances de la
zone Euro, création d’un fond monétaire européen, transferts permanents
entre les États.… Les propositions françaises n’ont rencontré qu’un
vaste scepticisme chez ses propres partenaires européens. Les Allemands
qui ont mis un an à constituer un gouvernement, toujours dirigé par
Angela Merkel, ont dit « Nein » à l’ensemble des réformes proposées.
L’Europe du Sud (Espagne, Italie, Grèce…) se débat toujours dans des
difficultés économiques et politiques. Quand les pays adhérents de
l’Europe de l’Est, ils se sentent de moins en moins concernés par les
débats de l’UE…
La République aux ordres
Sur
le plan strictement français, Emmanuel Macron trouve au moins là, de
nombreux sujets de satisfaction. Il dispose d’une ample majorité
parlementaire. L’opposition est divisée : à droite, Les Républicains
hésitent entre un opposition mesurée ou bien frontale vis-vis du
gouvernement Macron ; Marine le Pen, malgré un second tour présidentiel
réussi, reste très isolée.
À gauche, le parti socialiste se remet
très doucement de sa crise historique qui a failli le voir disparaitre
de la scène politique ; la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon se
débat beaucoup (le mouvement appelle à une manifestation nationale le 5
mai à Paris) mais reste elle aussi dans un certain isolement.
Malgré
cette situation privilégiée, une majorité forte et une opposition
divisée, Macron veut encore aller plus loin dans le renforcement de son
propre pouvoir exécutif par une réforme constitutionnelle : « La
révision constitutionnelle en est la preuve : Emmanuel Macron veut
renforcer son autorité et les moyens de l’exercer. Pourtant, il n’existe
pas de chef d’État disposant d’autant de pouvoir dans les démocraties
occidentales », note Denis Jeambar dans Challenges.
La
réforme prévoit notamment la réduction du nombre des parlementaires, il
affaiblit le pouvoir d’initiative du Parlement, réduit le temps des
débats et limite les choix d’ordre du jour. « Ce n’est pas l’autorité de
la démocratie qui est ainsi renforcée mais le pouvoir d’un exécutif
déjà surpuissant », conclut Denis Jeambar.
Reste le domaine social
où la encore Emmanuel Macron ne cède sur rien. Confronté à une
importante contestation sociale qui touche l’ensemble de la fonction
publique, les hôpitaux mais qui voit surtout un fort mouvement des
cheminots, la tactique gouvernementale est la suivante : « des
concertations mais pas de négociations, on veut bien comprendre vos
« émotions » mais aucun compromis, nos différentes réformes
s’appliqueront intégralement ». Fermez le ban ! Les syndicats totalement
unis à la SNCF ont parié d’emblée sur la durée et ont adopté un mode
grève original jusqu’à fin juin : deux jours de grève, trois jours de
travail.
Face à un mouvement social qui ne délite pas et qui a la
sympathie de deux salariés sur trois, l’intransigeance gouvernementale
comporte elle aussi ses propres risques.
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