Philippe Arnaud
Ce 27 juin, j’ai suivi, au journal de 13 h de France 2, un sujet sur
le service civique obligatoire, ardemment souhaité par le gouvernement
(et qui, pour une durée d’un mois, va d’ailleurs "coûter un bras" - et
dont on peut se demander si l’argent de son financement ne pourrait pas
être mieux employé...).
Remarque liminaire. Il me semble avoir lu,
il y a pas mal d’années, que les termes "civique" et "citoyen", bien
qu’appartenant au même champ sémantique, n’en avaient pas moins des
connotations politiques différentes, ou, pour le dire plus clairement,
que le terme "citoyen" serait plus connoté à gauche et "civique" plus
connoté à droite. Il est d’ailleurs intéressant de noter que si citoyen
et civique peuvent chacun avoir un usage d’adjectif, seul citoyen a un
usage de substantif en tant que ce terme renvoie à un individu
concret et sujet de droit. "Civique" ne renvoie pas à un substantif.
"Civique" ne renvoie - et encore de loin, et par paronymie - qu’au banal
et neutre "civil".
Par ailleurs, même si civique et citoyen
peuvent être associés aux termes droits et devoirs, "civique" va plus
souvent avec devoir qu’avec droit. On parle en général du devoir civique
pour signaler le devoir d’aller voter. En revanche, la Constitution est
précédée par une Déclaration des droits de l’Homme et du "citoyen". Et
ces droits du citoyen sont notablement plus larges que les droits
civiques (qui se ramènent à des droits politiques et ne sont d’ailleurs
accordés qu’aux seuls ressortissants d’un pays donné). On notera que, de
façon révélatrice, l’organisation altermondialiste Attac est le sigle
de Association pour une taxation des transactions financières et pour
l’action citoyenne (pas civique). Comme le disait Roland Barthes, autant
la droite (plus exactement le petit bourgeois) aime peu les droits,
autant elle aime les devoirs (surtout lorsque chaque droit est lesté
d’un devoir, gagé par un devoir).
Remarque générale n° 1.
Ce fameux service civique obligatoire est censé, dans l’esprit du
gouvernement, favoriser ou promouvoir la mixité social, ouvrir à la
mixité sociale. On voit que son promoteur, le président de la
République, n’a jamais accompli son service militaire (y compris réduit à
12 mois, comme à l’époque (1974-1975) ou je l’ai moi-même accompli).
Car même si on passe de bons moments et si on se fait de bons "copains
de régiment", et qu’on se jure, au moment de la "quille" (i.e. la fin du
service), de s’écrire, de se téléphoner, de se rendre visite, on n’en
fait généralement rien. Chacun retourne dans sa région, dans son métier,
dans son milieu – professionnel et culturel – autrement plus prégnant
que l’atmosphère d’une chambrée de soldats. Comment ce qui ne se noue
pas en un an se nouerait-il en un mois ?
Remarque générale n° 2.
Il paraît singulièrement inconséquent, de la part du président de la
République, de vouloir favoriser la mixité sociale, alors que toute sa
politique, depuis son entrée en fonction, n’a consisté, précisément qu’à
faire le contraire en élargissant le fossé social : suppression de
l’ISF et de l’exit tax, cadeaux fiscaux aux ménages aisés et aux
entreprises, démolition du Code du travail, diminution des pensions de
retraite, augmentation du coût du contrôle technique, projets de
diminution de la pension de réversion, etc... ! Au point de lui valoir le
sobriquet – mérité – de "président des riches".
On a l’impression que le
président de la République s’achète à bon compte une bonne conscience,
comme ces patrons paternalistes de jadis, qui exploitaient leurs
salariés jusqu’au trognon et laissaient, le dimanche, leur épouse
organiser des ventes de charité à leur profit. XIXe siècle pas mort...
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