Régis de Castelnau
Marlène Schiappa ci-devant secrétaire d’État est un personnage assez
surprenant.
Sortie d’on ne sait où, auteur de livres érotiques de gare
et d’articles de presse ineptes, elle était un des éléments les plus
singuliers parmi les passagers hétéroclites du train conduit par
Emmanuel Macron à son arrivée à l’Élysée. Mélange étrange de niaiserie,
d’ingénuité et de méchanceté, elle s’est spécialisée dans le jet quasi
quotidien dans le champ politique de grenades dégoupillées. De
préférence, sur des sujets qui ne la concernent pas et où elle affiche
toujours une ignorance dévastatrice.
On ne reviendra pas sur les éléments de ce qui constitue désormais un
florilège pour ne retenir qu’une des dernières sorties, celle relative à
la fameuse cagnotte mise en place pour Christophe Dettinger le « gitan
de Massy » après qu’il se fut livré aux autorités. Tout le monde connaît
maintenant la vidéo qui a fait le tour du monde
où l’on voit un jeune homme, dans une bousculade opposants gilets jaune
et policiers, marcher déterminé vers ceux-ci carapaçonnés et derrière
leurs boucliers pour les faire reculer à coups de droites et de
crochets. On ne va pas ici lancer le débat à coups d’anathèmes moraux
contre un côté ou l’autre, la séquence du commandant Andrieux à Toulon
montrant suffisamment qu’il faut l’éviter. Sur un plan juridique il
semble que Christophe Dettinger ait commis des infractions, et il est
normal d’en être choqué. Il appartiendra au juge d’en décider la réalité
et la gravité. À condition bien sûr qu’il bénéficie d’un procès
équitable, l’actualité judiciaire récente concernant les gilets jaunes
permettant de craindre que cette perspective ne soit pas assurée. Mais
nous verrons.
Toujours est-il qu’il ne fallait que quelques secondes pour
comprendre qu’avec le gitan de Massy, le peuple des gilets jaunes avait
trouvé son héros. En France, le rapport aux forces de l’ordre est
contradictoire, et on fredonne « hécatombe au marché de Brive-la-Gaillarde »
pour ensuite applaudir les forces de l’ordre quand elles protègent. Et
là, après des semaines de répression brutale, c’est le réflexe décrit
par Brassens qui a joué : « dès qu’il s’agit d’rosser les cognes, tout l’monde se réconcilie.
» Et dans le contexte de cette étonnante insurrection du peuple
français, cette irruption, viriliste renvoie à des figures de la mémoire
populaire comme celle du « grand Ferré »
le premier héros paysan de l’histoire de France qui avait abattu à coup
de hache 85 gardes anglais pendant la guerre de 100 ans, ou « frère Jean des Entommeures » l’ami de Gargantua à l’efficacité redoutable contre les soldats qui profanaient sa vigne.
C’est peut-être pour cela que les petits aboyeurs de la Macronie auraient dû s’abstenir de hurler à la mort contre le boxeur. Après que celui-ci eut diffusé une vidéo d’excuses,
ses amis ont ouvert auprès de la société Leetchi une cagnotte destinée à
rassembler des fonds pour assurer la défense de Dettinger et aider sa
famille dans cette période difficile. Pratique courante, normale,
parfaitement légale et qui comporte de nombreux précédents. Il ne
s’agissait absolument pas de prendre en charge les éventuelles
condamnations pécuniaires mais de pourvoir à sa défense. Le succès
foudroyant de cette cagnotte a mis les petits marquis en fureur. Chacun
au sein de la petite caste y est allé de son couplet, masquant par des
cours de morale hypocrite sa rage devant cette solidarité exprimée par
ce peuple qu’ils détestent. La polémique enflant, et après une
intervention de Marlène Schiappa on apprit par la société Leetchi que la
cagnotte était « close », les sommes bloquées, et que les dépenses
effectuées pour la défense de Christophe Dettinger seraient réalisées
directement par la société. Et réglées aux avocats sur présentation de
factures et de devis ! Ainsi, cette société, très liée à Xavier Niel et
filiale du Crédit Mutuel Arkea, a donc cédé aux pressions
gouvernementales et à l’ordre donné par Marlène Schiappa. Situation
absolument stupéfiante ou le droit est simplement foulé aux pieds. En effet les règles générales de la société Leetchi
acceptées par l’organisateur de la cagnotte prévoient explicitement que
les sommes lui seront remises à charge pour lui de les répartir en
fonction de l’objet et du mandat qu’il a reçu des donateurs. La
responsabilité dans l’utilisation des fonds relève des rapports entre l’organisateur et les donateurs. La responsabilité de Leetchi ne peut être engagée en cas de problème survenant dans cette utilisation.
Au-delà des conclusions que chacun en tirera sur l’impossibilité
désormais de s’adresser à cette société pour la constitution de
cagnottes, il y a quand même un très sérieux problème juridique.
Résumons-nous : la cagnotte a été lancée pour venir en aide à
Christophe Dettinger dans la procédure intentée contre lui (frais de
défense) et à sa famille mise en difficulté par l’incarcération. C’est
bien sur cette base que les sommes ont été versées par les donateurs et
sont désormais entre les mains de Leetchi. Et c’est la raison pour
laquelle elles doivent être remises à l’organisateur qui les utilisera
sous sa responsabilité. En violant ses propres règles, et en disposant à
sa guise à l’encontre de la volonté des donateurs, ce qui constitue un
détournement, Leetchi semble bien avoir commis le délit d’ABUS DE
CONFIANCE prévu et réprimé par l’article 314-1 du code pénal.
L’organisateur et les donateurs devraient immédiatement saisir le
procureur de la république pour déposer plainte entre ses mains.
Au-delà de l’impact commercial que l’on espère désastreux pour
Leetchi on peut s’interroger sur ce zèle à exécuter des ordres aussi
manifestement illégaux émis par Marlène Schiappa lors d’une émission de
télévision.
Après avoir considéré que la cagnotte était indécente, cette dernière a dit : « Il est souhaitable effectivement de savoir qui a donné à cette cagnotte, parce que je crois que c’est une forme de complicité
». Attitude invraisemblable, qui au-delà de mettre de l’huile sur le
feu en un moment où il vaudrait mieux éviter, qui témoigne d’une
ignorance abyssale de règles de droit élémentaires et démontre que
Madame Schiappa, n’a rien à faire à un poste de ministre, qu’elle
déshonore tous les jours. La société civile, c’est très bien mais un
gouvernement de la république ce n’est pas un plateau de télé réalité.
Non mais allô, quoi ?
La complicité en droit c’est très simple,
c’est faciliter la commission de l’infraction par fourniture de moyens.
Donc bien évidemment tous les actes, pour être incriminés doivent avoir
été commis avant ou pendant l’infraction. Cette invocation ignare de la
complicité de la part d’un responsable public dans ces circonstances
est inacceptable. Elle l’est d’autant plus que les indignations de
Madame Schiappa sont particulièrement sélectives, qui n’a vu aucun
inconvénient et n’a pas bougé un sourcil lorsqu’une initiative totalement identique a été réalisée pour Tariq Ramadan.
Elle n’a pas accusé ceux qui avait souscrit pour la défense d’une
personne poursuivie pour viol d’en avoir été le complice. On notera les
hiérarchies d’indignation de la secrétaire d’État à l’égalité entre les
femmes et les hommes…
Mais la demande de communication montre bien, au-delà de
l’analphabétisme juridique, qu’il y a bien une volonté répressive qui se
moque des règles de droit d’un pays démocratique. Cette demande
témoigne d’une attitude open bar quant à la violation de l’État de droit.
Pour elle, des gens qui ont manifesté de la compassion et de la
fraternité pour une personne poursuivie sont des complices, doivent être
fichés et poursuivis.
Comment être étonné que les couches populaires ne puissent plus
supporter jusqu’à la rage de voir à des postes de responsabilité
importants, des gens capables d’un tel comportement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire