Régis de Castelnau
C’est une banalité que de constater l’impéritie et l’amateurisme qui
caractérisent le gouvernement d’Édouard Philippe et l’entourage
d’Emmanuel Macron.
On y rencontre des personnages accablants chez
lesquels se mélangent médiocrité, inculture, cupidité, et absence du
sens du ridicule.
Mais finalement, le pire est atteint lorsque l’Élysée sollicite les
parlementaires, leur fournissant un kit d’éléments de langage absurdes
et antirépublicains. La principale qualité exigée par LREM pour ses
candidats devait être le psittacisme. Spectacle inquiétant que celui de
ces petits télégraphistes mandatés pour aller faire le tour des plateaux
multipliant les énormités. C’est ce qui vient de se produire avec le
nouvel épisode sénatorial du feuilleton Benalla.
Benjamin Griveaux devrait lire la Constitution
On rappelle brièvement qu’utilisant ses prérogatives prévues
par la Constitution, la commission des lois de la Haute assemblée s’est
constituée en commission d’enquête. Elle a réalisé son travail notamment par de
nombreuses auditions, rédigé et publié son rapport, avant de respecter ses
obligations et de saisir le parquet du tribunal de Paris pour des faits
susceptibles de recevoir des qualifications pénales, dont elle avait eu connaissance.
Respecter la Constitution et la loi française, manifestement dès qu’il s’agit d’Alexandre
Benalla, à l’Élysée on n’aime pas. Donc pendant les travaux multiplication des
obstructions, des rodomontades et déploiement d’une propagande passablement
scandaleuse.
On ne reviendra pas sur tous les épisodes, simplement
rappeler l’offensive élyséenne relayée par les perroquets habituels au moment
de la publication du rapport. Avec sortant du bec, la dénonciation du crime
abject soi-disant commis par le Sénat : « l’atteinte
à la séparation des pouvoirs ». Avec Benjamin Griveaux, porte-parole du
gouvernement, on possède un exemplaire de ce que le macronisme peut produire de
pire. On prendra donc ses propos comme emblème de l’inanité des arguments
invoqués pour tenter de désamorcer le caractère accablant du rapport sénatorial.
Que nous dit l’homme qui coche toutes les cases : « L’Elysée aura l’occasion d’apporter des réponses factuelles sur
manifestement beaucoup de contre-vérités qui se trouvent présentes dans le
rapport ». Première observation, force est de constater qu’un mois plus
tard, l’Élysée n’a apporté absolument aucune réponse factuelle malgré cette
promesse… Pardi !
Notre virtuose du droit constitutionnel poursuit : « Nous sommes très attachés à la séparation
stricte des pouvoirs dans notre pays (…) Mais je trouve curieux que les
assemblées aient à se prononcer sur l’organisation du pouvoir exécutif. Si le
pouvoir exécutif se prononçait sur l’organisation du travail des assemblées, on
crierait à la fin de la séparation des pouvoirs ». On se pince pour être
sûr que l’on n’est pas dans un cauchemar, celui qui nous fait constater que le
porte-parole du gouvernement de la république française se permet de proférer
de pareilles énormités. La séparation des pouvoirs a bon dos, quand il s’agit
de dire absolument n’importe quoi comme on va le voir. Il serait donc curieux que les assemblées aient à se
prononcer sur l’organisation du pouvoir exécutif. C’est pourtant ce que dit
explicitement la
Constitution dans son article 24 : « Le
Parlement vote la loi. Il CONTRÔLE l’action du Gouvernement. Il ÉVALUE les
politiques publiques. » L’article
51–2 indique explicitement que pour exercer ses missions les assemblées
peuvent constituent en leur sein des commissions d’enquête. Qui dit mieux, Monsieur
Griveaux ? Mais comme pour vous la vérité ne semble pas être quelque chose d’important,
vous ne vous arrêtez pas en si bon chemin et enfilez une deuxième perle avec
cette sidérante affirmation qu’on va répéter pour être bien sûr : « Si le pouvoir exécutif se prononçait sur
l’organisation du travail des assemblées, on crierait à la fin de la séparation
des pouvoirs » Heuh Monsieur le porte-parole c’est
exactement ce que prévoit la Constitution également. Jusqu’à la réforme de
2008, dans le parlementarisme « rationalisé » initialement instauré en 1958, c’était
le gouvernement qui fixait par priorité l’ordre du jour des assemblées. La
réforme de juillet 2008 en a fait une compétence partagée, et
la simple lecture de l’article 48 démontre bien que l’exécutif dispose
encore et toujours de prérogatives très fortes et essentielles concernant « l’organisation du travail des assemblées ».
Alors Monsieur Griveaux, soit vous vous moquez du monde, ce qui compte tenu de
votre arrogance habituelle et l’hypothèse la plus probable, soit vous devez lire
la constitution. En tout cas ce que tout cela démontre c’est que vous n’avez
pas grand-chose à faire à la place que vous a offerte Emmanuel Macron.
Quand le Sénat fait son devoir
Dernier épisode en date du feuilleton Benalla, la
transmission au parquet par le bureau du Sénat d’un « signalement » au parquet
de Paris. Immédiate levée de boucliers au sein de la Macronie en panique, on ne
touche pas à Alexandre Benalla ! Face à l’abominable affront, le Premier
ministre Édouard Philippe, entre deux déplacements au Havre pour faire
démissionner son successeur à la mairie, a trouvé intelligent d’insulter le
Sénat en refusant de s’y présenter pour la séance des questions au
gouvernement. Richard Ferrand des mutuelles de Bretagne, a, quant à lui, refusé d’apparaître
sur une tribune aux côtés du président du Sénat. Bravades ridicules et
déshonorantes, qui font peu de cas du fonctionnement de la république et du
cadre juridique dans lequel tout ceci se déroule.
Une fois de plus, il faut revenir aux règles qui s’appliquent
et dont l’examen démontre l’absence totale de culture républicaine des deux hauts
personnages de l’État qui se livrent à ses pantalonnades.
Le bureau du Sénat n’a fait que son devoir. On rappellera
que les auditions devant les commissions d’enquête sont organisées par la loi
et en application de l’article
6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, tout mensonge y est considéré comme
un faux témoignage lourdement sanctionné par l’article
434–13 du Code pénal. Par conséquent, si la commission d’enquête a relevé
des faits susceptibles de recevoir les qualifications prévues par le code
pénal, elle devait en informer le parquet, en application du texte de l’ordonnance
qui stipule : « Les poursuites prévues au
présent article sont exercées à la requête du président de la commission ou,
lorsque le rapport de la commission a été publié, à la requête du bureau de
l’assemblée intéressée. » Dès lors que les faits étaient apparus
suffisamment caractérisés, le bureau de la haute assemblée avait compétence
liée et était tenue d’en saisir le parquet. Comment peut-on affirmer, comme le
font premier ministre et autres chevau-légers de la macronie que l’application et
le respect de la Constitution et de la loi puisse constituer des « opérations politiciennes » et des « atteintes à la séparation des pouvoirs
». Cette obligation de signalement pèse
sur tous les agents publics et on a appris plus récemment sans prescription
possible, sur
les cardinaux de l’église catholique, et les sénateurs en seraient
dispensés ? C’est d’autant plus inadmissible que c’est l’autorité de poursuite,
c’est-à-dire le parquet soumis au pouvoir exécutif qui pourra ou pas donner
suite à ce signalement. Et de ce point de vue, compte tenu de l’attitude du parquet
de Paris, depuis l’arrivée de son nouveau patron, l’entourage d’Emmanuel Macron
n’a pas grand-chose à craindre.
Les petits soldats factieux de la macronie
Dûment chapitrés, des petits soldats LREM sont montés au front. Munis
de leurs éléments de langage concoctés en haut lieu et proférant force
contrevérités, ils sont venus se déshonorer à leur tour. Une prime pour
Florian Bachelier, avocat de son état et donc juriste qui n’a pas hésité à twitter : « la
justice est un sujet suffisamment complexe et sensible pour ne la
laisser qu’à des professionnels dont c’est le métier et la formation. Je
pense que les parlementaires ne savent pas rendre justice ». Culot
d’acier que de prétendre que les sénateurs ont rendu justice ou voulu
le faire alors qu’ils n’ont que saisi l’autorité de la république
compétente pour le faire. Monsieur Bachelier n’a même pas l’excuse de
l’ignorance. Les réseaux sont pleins de ces agressions politiques et
mensongères contre le Sénat proférées par des députés qui ne voient
aucun inconvénient à affaiblir les institutions républicaines. La palme
cependant à un récidiviste, Sacha Houlié avocat également, issus du MJS que Mitterrand qualifiait d’école du crime, qui ajoute la menace au mensonge. : « Coup
de force du Sénat qui s’érige accusateur public. La confusion des
genres est totale. Sa méprise sur son rôle est une forme de déconnexion.
Celle-ci devra être traitée ». Traitée comment Monsieur Houlié ? En supprimant le Sénat ? Ou mieux en provoquant sa dissolution avec vos petits bras musclés ?
Décidément, qui sont ces gens, qui sont ces ministres, ces
présidents d’Assemblée, ces parlementaires, ces collaborateurs, ces hauts fonctionnaires
qui passent leur temps à brutaliser les institutions et à applaudir les
violations de la loi ? Qui se précipitent pour défendre bec et ongles des dévoyés
qui ont entouré et probablement entourent encore le président de la république.
La réponse est simple : ce sont des factieux. Dont il est urgent que la république se débarrasse.
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