Jean-Michel Larhot
L’épidémie du coronavirus SARS-CoV-2, tel qu’il a été rebaptisé,
continue de s’étendre, notamment en Asie, mais aussi en Italie ou en
Iran ; et, pour la première fois depuis le début de l’épidémie, il y a
plus de nouveaux cas hors de Chine qu’en Chine.
La perte de contrôle sur
l’épidémie devient une hypothèse affolante pour les marchés financiers,
et provoque nombre d’appels réactionnaires à fermer les frontières.
Afin d’y voir plus clair, il convient de revenir aux données médicales.
Le coronavirus SARS-CoV-2 a touché près de 80 000 personnes, en
grande majorité en Chine et en Corée du Sud. De nouveaux foyers sont
apparus, en particulier en Italie, où le nombre de cas a explosé ces
dernières semaines, mais aussi en Iran, ce qui montre la potentielle
généralisation de l’épidémie. Dans cette hypothèse, les conséquences
pourraient être graves, en particulier dans les pays où les
infrastructures médicales ne pourraient pas y faire face.
Le coronavirus SARS-CoV-2, portrait-robot
Le nouveau virus SARS-CoV-2 est de la famille des coronavirus. Cette
famille est entre autre responsable des rhumes communs en hiver mais
aussi des bronchites et autres infections pulmonaires. Les variantes les
plus sévères de ces virus sont celles transmises à l’homme par des
animaux comme le SRAS de 2003 ou le MERS (de 2012 à 2015 au Moyen-Orient
et en Corée).
Le SARS-CoV-2 de 2019 est aussi d’origine animale, son réservoir
initial est certainement la chauve-souris et le pangolin, ce qui aurait
permis au virus de faire le pont vers l’humain. Cette hypothèse est
appuyée par la découverte de virus très semblables chez ces animaux, et
par les liens des premiers contaminés avec le marché de Wuhan, où l’on
vend ces animaux, vivants ou morts. Cependant, il faut noter qu’à
l’heure actuelle, aucune certitude n’existe sur ce point.
En terme de dangerosité, cette nouvelle souche de coronavirus affecte
principalement les personnes âgées ou bien fragilisées par d’autres
maladies cardiaques ou respiratoires. Le taux de décès chez les
personnes infectées est de l’ordre de 3% ; par comparaison, la mortalité
de la grippe est de l’ordre de 0,1%. Ce nombre n’est pas négligeable,
mais reste faible par rapport aux fièvres hémorragique comme Ebola, où
la mortalité peut atteindre 90%.
Le taux de cas grave, nécessitant une prise en charge avancée,
varient de 10% à 20% des cas ; une pneumonie grave apparaît alors et
cause des complications cardiaques et respiratoires. Les cas bénins de
la maladie peuvent passer pour une grosse grippe, ou même passer
complètement inaperçus. Cette propriété rend la contagion
particulièrement complexe à endiguer, du fait du nombre élevé de
porteurs sains ou presque. Cet effet est renforcé par la période
d’incubation, qui peut durer jusqu’à deux semaines, pendant lesquelles
les personnes touchées sont contagieuses, sans pour autant manifester de
symptômes. Statistiquement, une personne infectée contamine entre 1 et 4
autres personnes : il y a donc un véritable risque infectieux.
Une épidémie qui s’étend
L’épidémie de coronavirus s’étend hors de Chine. Cette semaine, pour
la première fois, on dénombre plus de nouveaux cas hors de ce pays que
dedans. À part les cas isolés qui apparaissent un peu partout, dont les
cas apparus en France jusqu’à maintenant font partie, les foyers
italiens et iraniens montrent la réalité du risque de pandémie.
Le foyer du nord de l’Italie a montré une forte augmentation du
nombre de cas sur la fin du mois de février, passant de 6 à plus de 300
cas déclarés entre le 20 et le 25 de ce mois. Cette explosion montre le
potentiel infectieux de la maladie, qui peut rester longtemps à l’état
de “veille” avant de provoquer une cascade de cas.
Le foyer iranien est cependant plus inquiétant. D’une part, comme la
Chine l’a fait au début de l’épidémie, le gouvernement Iranien pourrait
sous-estimer les chiffres de cas d’infection. En Chine, ce mensonge
avait énormément ralenti la mise en place d’une réponse adaptée ; en
Iran, l’impact pourrait être encore plus grand. En effet, le
gouvernement réactionnaire iranien nourrit l’hypothèse d’un complot derrière l’épidémie,
à l’heure où il y aurait au moins 95 personnes infectées. D’autre part,
contrairement à l’Italie, l’Iran est nettement moins intégrée dans les
échanges internationaux. Cela montre aussi que la France ne pourrait pas
magiquement échapper à l’épidémie en fermant ses frontières, n’en
déplaise à Marine Le Pen.
Ces deux nouveaux foyers montrent le danger croissant posé par le
coronavirus SARS-CoV-2, sachant que, contrairement à la crise du H1N1 en
2009-2010, il n’existe pas de vaccins ni de traitements à l’efficacité
démontrée contre ce virus.
Diagnostic et traitement : Quelles possibilités médicales ?
Comme nous l’avons vu, le diagnostic de ce nouveau virus est
particulièrement complexe. De manière générale, le diagnostic découle
d’une conjonction des symptômes respiratoires avec le contact avec une
personne ou une zone infectée. Ce deuxième facteur pourrait compliquer
le diagnostic en cas d’augmentation des foyers. Si ce diagnostic initial
est établi, le patient doit être isolé et soigné, les proches avec
lesquels il ou elle a été en contact doivent aussi être placés sous
surveillance médicale. Toutes ces opérations nécessitent beaucoup de
personnels et de matériel assurant en premier lieu la sécurité des
personnels soignants. Dans les zones touchées, certaines activités
doivent aussi être limitées. Cependant, pour être efficace, ces
restrictions doivent être ciblées. À l’heure actuelle, la connaissance
du virus est encore trop initiale pour que cela soit vraiment le cas.
Avec une crise de l’hôpital qui ne fait qu’empirer, la capacité de
notre système de santé à mettre en œuvre une réponse adaptée en France
est loin d’être assurée. En effet, tant le triage initial des patients
que l’isolement de leurs proches nécessitent des ressources qui ont été
particulièrement attaquées par les réformes de l’hôpital public, qui ont
voulu le rendre « rentable ». Le néolibéralisme, par son besoin
de rentabilité, à rendu la société moins résiliente, signe
supplémentaire, s’il en fallait, qu’il faut en finir avec le
capitalisme.
Enfin, comme indiqué plus haut, il n’existe pour l’instant ni vaccin
ni traitement réellement efficace contre ce virus. Lors de la prise en
charge, seuls les symptômes sont traités. Depuis quelques jours, un
traitement à base de doses importante d’un antipaludique (la
chloroquine) attire l’attention. In vitro, ce traitement est un
antiviral puissant contre les coronavirus ; cependant, pour la majorité
de la communauté scientifique, il manque d’essais cliniques pour
apprécier son efficacité. L’Institut Pasteur, quant à lui, travaille sur
un potentiel vaccin à partir du vaccin contre la rougeole.
Le coronavirus SARS-CoV-2 représente ainsi un véritable risque, même
si la pandémie n’est pas encore là, et pourrait encore être évitée.
Il
n’en reste pas moins que la fébrilité des marchés à chaque annonce
concernant l’épidémie, combinée aux les problèmes chroniques de
l’hôpital en France montrent à quel point les effets d’une maladie
peuvent être drastiquement magnifiés par notre système économique.
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