Ramona Wadi
Lorsque les Palestiniens sont confrontés à la perspective de la colonisation par Israël des derniers lambeaux de leur terre...
... la réponse n'est certainement pas la collaboration avec l'État d'apartheid de droite. Et pourtant, c'est ce que Mansour Abbas a fait en rejoignant la nouvelle coalition gouvernementale israélienne.
Une longue interview récente d'Abbas publiée dans le magazine Time
est pleine de contradictions et de complicité. En apparence, il résume
sa décision de former une coalition avec le Premier ministre israélien
Naftali Bennett comme un processus censé apporter "le calme dans la
région, un sentiment d'espoir qu'il est possible de vivre ensemble". Il
envisage toutefois la possibilité qu'il puisse se tromper.
Il est difficile de comprendre comment une phrase telle que "partenariat
politique et dialogue politique tolérant" peut figurer dans les
discussions plus longues d'Abbas concernant sa décision. Il n'y a rien
de tolérant dans une idéologie et un État colonialiste qui cherchent à
détruire la Palestine historique et son peuple.
Tout au long de l'offensive israélienne contre les Palestiniens de Gaza
et de la dépossession de Sheikh Jarrah, le peuple de toutes les
communautés palestiniennes s'est uni contre la violence coloniale. Le
mouvement de coalition d'Abbas, qui, selon lui, donnera la priorité aux
Palestiniens vivant en Israël, fragilise les prémices
d'un processus d'unification qui n'a que trop tardé. Un Palestinien
soutenant directement le gouvernement de droite de Bennett crée un
dangereux précédent qui risque de renforcer l’isolement au sein de la
société palestinienne déjà fracturée. Les récits des déplacements forcés
dans la mémoire collective du peuple palestinien ont été un facteur
d'unification. Au sein des échelons politiques palestiniens, de
nouvelles normes de trahison se forment. Ce n'est pas seulement à la
corruption de l'Autorité palestinienne que le peuple doit faire face,
mais aussi à la collaboration volontaire au sein de la Knesset, dirigée
par un ancien leader des colons dont le plaidoyer pour la disparition
forcée des Palestiniens doit être pris au pied de la lettre. Bennett,
rappelez-vous, s'est vanté d’avoir tué des "Arabes".
Abbas peut qualifier son succès d’ « avancée », mais il est hypocrite de
le présenter comme une victoire pour les Palestiniens. Non seulement Israël
n'a pas commencé à reconnaître son rôle dans le nettoyage ethnique du
peuple palestinien, mais ses actions illustrent également que le projet
colonial n'est pas encore achevé. Où est la victoire en rejoignant une
alliance dont l'objectif ultime est le concept du "Grand Israël"
? Quelle paix Abbas espère-t-il faire avancer alors que le peuple qu'il
prétend représenter a été abandonné en raison de cette collaboration
directe avec le colonialisme sioniste ? Et pourquoi
devrait-il fragmenter le récit palestinien par un démembrement politique
de la lutte de libération palestinienne fondée sur les identités qui
ont émergé après la Nakba ?
Moralement, la décision d'Abbas éclipse toute rationalité. Il en va de
même pour l'aspect politique. Au-delà de toute rhétorique sur la
tolérance et la paix, l'image qui se dessine d'une nouvelle trahison du
peuple palestinien ne fera que renforcer le penchant d'Israël
à afficher sa puissance, alors même que dans l'immédiat, l'éviction de
l'ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu détournera
l'attention de l'enjeu.
Mansour Abbas a prêté un serment de complicité avec toutes les formes de violence coloniale d'Israël. Il est difficile de le prendre au sérieux lorsqu'il qualifie la marche ultranationaliste des drapeaux à Jérusalem
de "provocation débridée", ce qu'elle était sans aucun doute.
Une
manifestation de drapeaux, cependant, a moins de valeur qu'un politicien
palestinien qui rejoint volontairement les franges du colonialisme et
ouvre un nouveau chapitre dans la normalisation d'Israël, alors que le peuple palestinien a si fermement et si récemment donné la priorité à sa terre et à son unité.
Source : Middle East Monitor
Traduction : MR pour ISM
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