mercredi 30 juin 2021

Femmes au pouvoir : Emmeline Pankhurst

Bernard Gensane

Stanley Baldwin (qui fut Premier ministre conservateur) compara Emmeline Pankhurst – même si comparaison n’est pas raison – à Martin Luther et Jean-Jacques Rousseau. 

 

En 1999, Time la classa parmi les 100 personnalités les plus importantes du XXe siècle, estimant qu'« elle avait façonné la vision des femmes de notre époque et avait changé les structures de notre société sans possibilité de retour en arrière ».

Elle organisa et mena le mouvement des suffragettes (terme un peu méprisant forgé par un journaliste du quotidien conservateur Daily Mail) outre-Manche, ce qui déboucha, en 1918, sur le droit de vote des femmes Britanniques âgées de 30 ans (et propriétaires), puis de 21 ans en 1928. Elle milita avec son mari, l’avocat Richard Pankhurst, connu  avant elle pour son militantisme féministe, puis avec ses filles.

 Son mari meurt en 1898. Elle prend un emploi à l’État civil de la ville de Chorlton, ce qui la conforte, en observant de près la situation des femmes de cette région, dans son idée que seul le droit de vote permettra aux femmes d’améliorer leur situation.

En 1903, constatant que des années de discours modérés n’ont pas fait avancer la cause et la condition des femmes, les suffragettes fondent le WSPU (Syndicat social et politique des femmes, dont la devise est « des actes, pas des mots ») et inaugurent une nouvelle forme de militantisme, disons physique : dégradation de monuments, sabotage de réseaux électriques, incendies, bombes. En 1913, le WSPU connaît sa première martyre, Emily Davison qui se jette, lors du derby d’Epsom, sous les sabots d’un cheval de course appartenant au roi George V.

Emmeline sympathise avec le socialiste Keir Hardie, fondateur de l’Independant Labour Party. Mais parce que femme, sa demande d’adhésion est refusée par la section locale du parti. Admise au niveau national, elle est élue administratrice des Lois sur les Pauvres et prend conscience des conditions de vie abominables endurées par les miséreux de Manchester.

Le mouvement prend de l’ampleur. Le 26 juin 1908, 500 000 femmes et hommes se rassemblent à Hyde Park pour exiger le droit de vote universel. Elle est arrêtée une première fois pour avoir tenté de pénétrer au parlement afin de remettre une protestation au Premier Ministre. Durant son procès, elle déclare à la cour : « Nous sommes ici non pas parce que nous avons violé la loi ; nous sommes ici de par notre volonté de faire la loi ».  Elle sera arrêtée quatre autres fois jusqu’en 1913 et condamnée pour conspiration contre la sûreté de l’État. Elle entamera une grève de la faim et sera gavée de force. Ses trois filles ont également rejoint le mouvement. L’aînée est arrêtée pour avoir craché sur un policier lors d’une réunion du Parti libéral en 1905. Emmeline Pankhurst est arrêtée en mai 1914 près du palais de Buckingham alors qu’elle voulait présenter une pétition au roi George V. Le 24 juin sa camarade de combat Marion Wallace Dunlop est arrêtée pour avoir écrit un extrait de la Déclaration des droits (de 1688) sur un mur de la Chambre des communes. Lors d’une marche de 300 femmes vers Parliament Square le 18 novembre 1910, Emmeline et ses camarades sont très brutalement réprimées par la police du ministre de l’Intérieur Winston Churchill.

En 1912, des suffragettes se livrent à des incendies volontaires : au Théâtre royal de Dublin, à la buvette de Regent’s Park, au jardin botanique Kew Gardens. Elles lacèrent le Vénus au Miroir de Velasquez exposé à la National Gallery. De nombreuses militantes refusent cette violence, elles quittent l’organisation qui est dissoute. Pendant le conflit de 1914-1918, Emmeline met son militantisme en sourdine pour se consacrer à l’effort de guerre. Elle demande au gouvernement d’aider les femmes à entrer sur le marché du travail puisque les hommes se battent sur le continent.

Emmeline Pankhurst, qui a toujours été proche du parti conservateur, se prononce contre la révolution bolchévique en ce qu’elle porte atteinte à la démocratie. Quant à sa fille Sylvia, une des fondes fondatrices du parti communiste britannique, après avoir soutenue cette révolution au point d’avoir été surnommée “ la petite Demoiselle de Russie ”, elle révise son jugement, horrifiée par les purges staliniennes. Elle restera néanmoins toute sa vie sur des positions de classe : « « Je voulais réveiller ces femmes de la classe opprimée pour qu’elles ne soient plus simplement l’objet d’un débat parmi les plus fortunés mais qu’elles combattent pour elles-mêmes, méprisant les platitudes, se révoltant contre leur odieuse condition, et réclamant pour elles-mêmes ainsi que pour leur famille le partage total des bénéfices de la civilisation et du progrès. »

En 1926, Emmeline Pankhurst rejoint officiellement le Parti conservateur. Pour des raisons complexes, vraisemblablement par dépit vis-à-vis du Parti libéral et du Parti travailliste qui ne l’avaient guère soutenue.

 

Épuisée par son activité militante débordante, ses grèves de la faim en particulier, elle meurt en 1928 à l’âge de 69 ans. Les femmes âgées de 21 ans obtiennent le droit de vote un mois après sa mort.

Bernard Gensane

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