vendredi 18 juin 2021

Israël et ses alliés occidentaux sont à court d'exécutants palestiniens

Joseph Massad

À la suite du récent assaut israélien contre le peuple palestinien en Israël, à Gaza et en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem, la force de la résistance palestinienne contre la puissance de la machine de guerre israélienne a inquiété les sponsors impériaux d'Israël. 

Les États-Unis, leurs alliés impériaux de l'Union européenne et du Royaume-Uni, ainsi que leurs alliés arabes ont paniqué et se sont empressés de protéger le statut d'Israël en tant que colonie de peuplement suprémaciste juive et d'apartheid.

Dans cette veine, l'administration Biden s'est efforcée de prouver qu'elle est encore plus pro-israélienne que les administrations Trump et Obama - si tant est que cela soit possible. Ses efforts ont notamment consisté à bloquer à plusieurs reprises les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU qui condamnaient Israël, ce qui a conduit même les dirigeants européens fanatiquement pro-israéliens à s'inquiéter du fait que Biden n'était pas différent de Trump sur Israël.
Comme l'a révélé le journal israélien Yedioth Ahronoth, c'est en fait à la demande des dirigeants israéliens choqués que le président américain Joe Biden a immédiatement entrepris de contacter l'Égypte. Il a également contacté la Jordanie et le Qatar pour qu'ils contribuent à réduire la résistance palestinienne afin de s'assurer que la pression internationale visant à démanteler la nature raciste d'Israël ne s'intensifie pas davantage.
C'est important, car des experts mandatés par l'ONU ont publié un rapport en 2017, comme l'ont fait plus récemment des groupes israéliens et américains de défense des droits de l'homme, constatant que la colonie juive de peuplement n'est rien de moins qu'un État d'apartheid, ce qui pourrait conduire à davantage de pressions pour démanteler ses fondements mêmes. Lorsque le ministre français des Affaires étrangères s'est inquiété du risque d'un "apartheid durable" en Israël, la situation est devenue grave.
La nouvelle et ancienne solution que les États-Unis et leurs alliés européens et arabes proposent est la solution à deux États, qui maintiendrait Israël en tant qu'État suprémaciste juif et d'apartheid, mais permettrait à un pseudo-État palestinien fantôme d'exister à la manière des homelands bantoustans de l'Afrique du Sud de l'apartheid.

Au vu des performances militaires de la résistance palestinienne basée à Gaza, l'UE a dit au Hamas qu'il pouvait être invité à la table des négociations s'il se réconciliait avec l'Autorité palestinienne (AP) ; ce qui implique également, pour l'UE, que le Hamas accepte les accords d'Oslo, qui reconnaissent le droit d'Israël à être un État juif suprématiste et d'apartheid. M. Biden a insisté sur le fait que "tant que la région ne dira pas sans équivoque qu'elle reconnaît le droit d'Israël à exister en tant qu'État juif indépendant, il n'y aura pas de paix".

Répression des révoltes

Il ne s'agit pas d'un nouveau stratagème impérial. La volonté de soumettre le peuple palestinien et de le contraindre à reconnaître le droit de ses colonisateurs juifs européens à lui voler sa patrie est la principale condition depuis que la Grande-Bretagne a conquis la Palestine à la fin de 1917. À l'époque, la réponse palestinienne au colonialisme britannique et au colonialisme juif était résolument hostile, ce qui a poussé les Britanniques à s'engager - comme ils l'avaient fait avec le reste de leurs possessions coloniales - dans une politique de division et de conquête d'une part, et de cooptation pure et simple d'autre part.
À l'époque, les élites palestiniennes rivalisaient pour s'attirer les faveurs des Britanniques, dans l'espoir de les influencer contre la colonisation sioniste. Elles ont créé plusieurs organismes pour parler au nom des intérêts palestiniens, le plus important étant l'Exécutif arabe, créé en 1920 - mais les Britanniques ont refusé de reconnaître un tel organisme à moins qu'il ne reconnaisse à son tour l'objectif principal du mandat colonial britannique sur la Palestine, à savoir faciliter la colonisation juive européenne, ce que les Palestiniens ont refusé de faire.
Les Palestiniens seront bientôt divisés en trois groupes principaux en réaction à leur condition coloniale. Un groupe d’élites -propriétaires terriens et marchands- qui servaient l'Empire ottoman et qui coopéraient avec les Britanniques pour contenir les protestations populaires palestiniennes contre les Britanniques et les sionistes et pour sauvegarder leurs propres intérêts de classe ; un deuxième groupe, plus petit, de propriétaires terriens et de marchands palestiniens qui collaboraient carrément avec les Britanniques et les sionistes et acceptaient des pots-de-vin des deux ; et la masse du peuple palestinien, en particulier les paysans, mais aussi les intellectuels associés au "Parti de l'Istiqlal (indépendance)" au début des années 1930, qui avaient choisi la résistance aux Britanniques et aux sionistes par opposition aux élites coopérantes et collaboratrices.
Le leader palestinien nommé par les Britanniques, Amin al-Husseini, et ses partisans ont aidé les Britanniques à mater la résistance palestinienne du début des années 1920 jusqu'en 1935, date à laquelle ils n'ont plus été en mesure de contenir une révolte palestinienne massive qui s'est poursuivie de 1936 à 1939 et que les Britanniques et les sionistes ont sauvagement réprimée. Husseini n'a finalement pas eu d'autre choix que de soutenir la révolte, et n'était donc plus utile aux Britanniques, qui l'ont démis de ses fonctions de mufti. Il a fui le pays pour échapper à l'arrestation.
Le ministère britannique des Colonies a continué à chercher en vain une direction plus "modérée". Quelle meilleure stratégie, déjà déployée avec succès dans d'autres possessions coloniales, que de faire en sorte que les Palestiniens aident les troupes britanniques et les colons sionistes à assassiner les Palestiniens résistants et à réprimer leur révolte anticoloniale, tout en prétendant les défendre ? La recherche a réussi à trouver de tels collaborateurs, mais pas à leur donner une légitimité aux yeux du peuple palestinien, qui les considérait comme des traîtres.
À cette fin, les Britanniques ont organisé une force mercenaire palestinienne, qu'ils ont appelée les "bandes de la paix", en 1938, et qui ont commencé à aider l'armée britannique et les escadrons de la mort juifs (leur nom officiel était les "Escadrons spéciaux de nuit") à assassiner les révolutionnaires et à instiller la terreur dans la société palestinienne. Malheureusement pour les Britanniques, les deux principaux collaborateurs palestiniens qui dirigeaient les "bandes de la paix" ont été assassinés en 1941 et 1943.

Collaborateurs et exécutants

Néanmoins, le précédent consistant à recruter des Palestiniens pour tirer sur leur propre peuple - comme les Britanniques l'avaient fait dans d'autres colonies d'Asie et d'Afrique de manière tout aussi efficace - était créé. En outre, les Britanniques ont fait appel à des dirigeants des pays arabes voisins pour faire pression sur les Palestiniens afin qu'ils mettent fin à leur révolte.
Après sa création, Israël a également recruté des collaborateurs palestiniens, mais n'a pas réussi à leur conférer une légitimité aux yeux de sa population palestinienne captive. Après sa conquête de la Cisjordanie et de Gaza, il a tenté à nouveau d'enrôler davantage de collaborateurs par le biais des élections municipales de 1972 et 1976, et par son projet ultérieur de Ligues villageoises, mais sans succès.
Les efforts d'Israël et de ses sponsors impériaux allaient toutefois porter leurs fruits à la fin des années 1980. C'est alors que l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui avait acquis une légitimité internationale depuis le début des années 1970 en tant que seul représentant légitime du peuple palestinien, s'est vu signifier d'accepter le droit d'Israël à être un État d'apartheid suprématiste juif, en échange de la reconnaissance de l'OLP.
Le leadership d'Arafat n'a fait que cela, se transformant en collaborateurs d'Israël et en exécutants de son occupation coloniale et d'apartheid. L'AP, créée à partir d'Oslo, a immédiatement entrepris de créer ses forces de sécurité, entraînées et financées par les États-Unis et l'Europe, pour attaquer les Palestiniens qui résistaient, tout comme les "bandes de la paix" de 1938 l'avaient fait contre les révolutionnaires palestiniens des années 1930.

Leur première action, en novembre 1994, a été de tirer et de tuer 13 civils palestiniens et d'en blesser 200 à Gaza parce qu'ils protestaient contre cette collaboration - une performance inaugurale qui a préparé le terrain pour leur répression violente du peuple palestinien depuis lors.

Le déficit de légitimité de l'AP

La panique qui s'est emparée des États-Unis, de l'Europe, des régimes clients arabes et de l'AP depuis la récente résistance palestinienne héroïque découle de la perte majeure de la réputation internationale de l'AP, qui a été mise à l'écart pendant la dernière révolte et a même contribué à la réprimer. Le président palestinien Mahmoud Abbas aurait donné l'ordre de mettre fin au soutien au Hamas et à la résistance en Cisjordanie occupée pendant la révolte.
Alors que l'AP avait perdu toute légitimité légale en tant qu'organe non élu depuis 2007, et qu'Abbas a perdu la sienne en 2009, son prétexte officiel de réprimer la résistance anticoloniale palestinienne afin de défendre les Palestiniens contre le colonialisme n'était plus tenable au niveau international.
Il fallait prendre des mesures rapides pour sauver l'AP en tant qu'instrument de soumission des Palestiniens. L'Égypte, la Jordanie et le Qatar ont été invités à aider les États-Unis en injectant de l'argent dans les caisses de l'AP, soi-disant pour la reconstruction de Gaza.
Pendant ce temps, l'UE offrait au Hamas la possibilité de venir à la table des négociations à condition qu'il se réconcilie avec l'AP, ce qui indiquerait que le Hamas reconnaissait le droit d'Israël à être un État juif suprémaciste et d'apartheid - conformément aux "valeurs" de l'UE.
Mais ce sont toutes de vieilles stratégies fatiguées, comme le savent très bien les États-Unis, l'UE, leurs alliés arabes et Israël. La rhétorique de la solution à deux États, le rétablissement de la légitimité de l'AP et l'espoir qu'un nouveau gouvernement israélien puisse maintenir les fondements d'Israël en tant qu'État juif suprémaciste et d'apartheid - tout en le qualifiant d'"État juif et démocratique" - ne visent pas à remédier à la situation coloniale palestinienne, mais plutôt à prolonger indéfiniment le statu quo, alors que la colonisation israélienne se poursuit sans entrave.
La tentative coloniale, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, de nommer des collaborateurs palestiniens à la tête du peuple palestinien, sur ordre de l'impérialisme occidental et du colonialisme juif, n'a connu qu'un succès temporaire et partiel, mais elle a toujours échoué à légitimer définitivement Israël.

Seuls les crédules croient que la poursuite de cette stratégie permettra de prévenir la révolte anticoloniale palestinienne massive à venir, dont les objectifs ont maintenant été déclarés au monde entier : le démantèlement complet de la suprématie juive et du régime d'apartheid israélien de la rivière à la mer.

Source : Middle East Eye

Traduction : MR pour ISM

ISM France

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