UJFP
Des milliers d’Israéliens se sont rassemblés dimanche à Tel Aviv pour célébrer le départ de celui qui a régné pendant douze ans sans partage...
...dans ce qui s’apparentait davantage à un show d’autocongratulation – « Bibi, rentre chez toi ! On t’a viré ! », pouvait-on entendre sur la Place Yitzhak Rabin – qu’à la célébration d’un tournant politique.
Ce sont la fin programmée des mensonges, de l’autoritarisme et de l’impunité judiciaire de Benjamin Netanyahou qui ont fait l’objet des acclamations d’une partie de l’opinion publique israélienne, certainement pas celle de la colonisation et de l’apartheid à l’œuvre des deux côtés de la « ligne verte », qui resteront les priorités de son successeur issu des rangs de l’extrême-droite la plus dure, Naftali Bennett.
« Il faut que tout change pour que rien ne change ». Cette formule du Guépard de di Lampedusa semble particulièrement appropriée pour caractériser les mutations de surface qui affectent aujourd’hui le champ politique israélien. L’évincement du pouvoir de l’indéboulonnable Netanyahou par la coalition partisane la plus hétéroclite que le pays ait jamais connue est présenté comme un bouleversement profond. La preuve, le parti islamiste palestinien Raam ainsi que les deux forces aujourd’hui réduites à peau de chagrin de la gauche sioniste (le parti travailliste et le Meretz), en font partie !
Et pourtant, rien n’est moins sûr. La formation Kahol-Lavan, présentée aussi bien par les partisans de Netanyahu que par les grands médias occidentaux comme un parti de centre-gauche, aura bien du mal à être à la hauteur de cette réputation politique largement galvaudée. Son leader, Yaïr Lapid, a en effet accepté de ne prétendre au poste de Premier ministre qu’en deuxième partie de mandat, offrant ainsi les clefs du pays sur un plateau d’argent à Naftali Bennett, ténor de la droite (Yamina) radicale. Ce geste, alors même que Yamina n’a fait rentrer que six députés à la Knesset, en dit long sur le rapport de force dans lequel s’inscrit ce nouveau gouvernement ! Connu pour ses fonctions de dirigeant du Conseil de Yesha, lobby des colonies auprès du gouvernement, et le peu de cas qu’il fait à l’intégrité physique et morale des Palestiniens – n’avait-il pas déclaré en 2013 « j’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie et je n’ai aucun problème avec ça » ?–, Bennett est en position favorable pour aiguiller Israël vers un approfondissement de l’apartheid et la poursuite de la colonisation, en Cisjordanie comme à Jérusalem.
Mais que vient donc faire la gauche dans cette galère, pourrait-on penser ! Pour le comprendre, il suffit de ne pas avoir la mémoire courte. Le dernier Premier ministre issu des rangs de la gauche sioniste, Ehud Barak, se plaisait à comparer Israël à une « villa dans la jungle », ou pour le dire autrement, à une oasis de civilisation occidentale dans la jungle sauvage arabe hostile. Ce tropisme colonial, il faudrait être naïf pour ne pas voir à quel point il se marie à merveille avec la force brute du mouvement nationaliste radical incarné par Bennett. Ce dernier, après tout, s’appuie lui aussi sur un sentiment de supériorité culturelle raciste pour justifier la dépossession permanente des Palestiniens. En 2010, alors que le militant du mouvement national palestinien en Israël Ta’al et député Ahmad Tibi le qualifiait sur un plateau de télévision de « colonialiste » et d’ « usurpateur », Bennett n’hésita pas à rétorquer que « vous [les Arabes] grimpiez encore aux arbres quand un État juif existait déjà ».
Pour autant, si les projets politiques de la gauche sioniste et de l’extrême-droite ont indéniablement des proximités idéologiques, la portée de ceux-ci diffèrent. Contrairement à la formation politique de Bennett, le mouvement travailliste n’ambitionne pas, lui, de coloniser l’intégralité de la Palestine historique. Sa position a toujours été d’assurer que la ségrégation se perpétue du Jourdain à la mer sous la forme de la solution à deux États – nous, chez nous, et les Arabes, de l’autre côté de la ligne verte, hors de notre vue ! La stratégie du « tout sauf Netanyahou », ainsi que la promesse d’obtenir quelques portefeuilles ministériels de pacotille, les aurait-elle aveuglés au point de pas réaliser qu’ils faisaient la courte échelle au fascisme et au suprématisme juif, ou bien leur état de délabrement idéologique est si avancé que cela leur est aujourd’hui égal ? Il est trop tôt pour le dire.
Quoi qu’il en soit, cette nouvelle coalition gouvernementale ne tient qu’à un fil, et il n’est pas à exclure que de nouvelles élections soient prochainement convoquées. Le suprématisme juif, considérablement conforté sous le gouvernement précédent avec notamment l’adoption en 2018 de la « Loi-État nation du peuple juif », est plus que jamais au sommet de l’agenda politique israélien, avec Bennett comme Premier ministre, et l’égérie du fascisme et de la haine anti-arabe Ayelet Shaked à l’Intérieur. La fascisation progresse, et la gauche sioniste, mais aussi une fraction islamiste des Palestiniens d’Israël incarnée par Raam, seront-ils en mesure de prendre leur responsabilité lorsque la répression des Palestiniens s’intensifiera, aussi bien dans les mal nommées « villes mixtes » que dans les territoires occupés ou à Gaza ? Le soulèvement populaire palestinien a laissé des traces, et les forces fascistes israéliennes ne sauraient rester sur une défaite sans lancer des représailles…
À ce stade, nous n’avons qu’une seule certitude : dans la mesure où rien ne changera pour le meilleur dans cette configuration politique, et que le pire peut toujours advenir, nous devons intensifier nos efforts au sein du mouvement de solidarité avec la Palestine.
L’UJFP appelle à soutenir avec encore davantage de vigueur la campagne BDS tant que les mêmes droits pour tous ne seront pas garantis du fleuve à la mer !
La Commission communication externe de l’UJFP, pour la Coordination nationale, le 17 juin 2021
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