lundi 5 juillet 2021

Deux analyses politiques de la tragédie française… plus quelques désaccords

Pierrick Tillet

Emmanuel Todd et Didier Maïsto viennent de livrer coup sur coup deux analyses au couteau de la tragédie politique française.

Le premier dans le cadre de l’émission Libre QG d’Aude Lancelin. Le second dans un fil de discussion Twitter (“thread” en franglais américano-dépendant).

« Le peuple français est en train de sortir de l’Histoire », alerte Emmanuel Todd dont on ne soulignera jamais assez la clairvoyance quand il s’agit de décrypter l’état de notre société. 

Morceaux choisis :

« On a une classe dirigeante française qui depuis 35 ans détruit son pays, et qui d’un seul coup s’indigne : oh la la, les gens sont de mauvais citoyens !
Une sortie de l’UE, ce serait la Libération en France. Il y a des gens dont la carrière politique serait terminée… s’ils échappent au jugement !
La gifle à Macron a fait monter en moi un vrai sentiment de fierté. Dommage qu’elle fût une gifle de droite. J’aurais préféré une gifle de gauche.
 »

« Il y aura des larmes et du sang »

Didier Maïsto est dans la même perspective :

« Nous allons vivre dans quelques semaines et (au moins) jusqu’au mois de juin 2022, des moments très difficiles. Ces quatre premières années ont été un tour de chauffe. Emmanuel Macron, avec beaucoup de talent, a mis en place les éléments du “projet”…
Tout citoyen va bientôt demander à son voisin des gages et des preuves de sa “francité”, à la recherche du “chimiquement pur”…
La plupart des forces autrefois, dites vives, se mettront au service total de la macronie, avec un zèle redoublé : médias, grandes entreprises, sondeurs, administrations, syndicats, justice, franc-maçonnerie, police…
Peu résisteront, mais ceux-là seront les véritables défenseurs d’une certaine idée de la France…
La solution ne viendra plus des urnes, mais de la rue. Et Macron le sait…Les années 2020 ressemblent beaucoup aux années 1930. C’est l’heure de choisir son camp, il y aura des larmes et du sang. »

Quelques désaccords

On peut être d’accord avec ces deux analyses sans souscrire aveuglément à tous leurs points. Passons sur les péchés mignons récurrents d’Emmanuel Todd, analyste hors pair, mais zélateur un brin hors sol du modèle anglo-saxon, et beaucoup moins convaincant lorsqu’il se livre à de la prospective politique (après le « hollandisme révolutionnaire », le montebourgeoisisme ?).

Mais Didier Maïsto me paraît aussi dans l’erreur quand il compare la situation actuelle de la France à celle des années 30 (pendant lesquelles, rappelons-le intervint le Front populaire de 1936 avec sa cohorte de progrès sociaux inouïs). La situation d’aujourd’hui me semble évoquer bien plus les années 40 avec un Macron en Pétain d’opérette essayant d’enterrer la République sur les ruines de l’occupation en stigmatisant les juifs (les musulmans de l’époque).

En réalité le “projet” de Macron apparaît surtout comme une fuite en avant désespéré sur fond d’effondrement systémique irréversible du bloc occidental capitaliste et de la France en particulier. Le pays est en plein chaos, les services publiques sont en ruine, l’économie moribonde. Et les “riches qui s’enrichissent” ne créent en vérité plus aucune richesse, se contentant de détrousser ce qui reste de feu nos années glorieuses, ou d’entasser la monnaie de singe distribuée obligeamment par la BCE. Il y aura, il y a déjà, des “larmes et du sang”, une succession de lâchetés et de renoncements collectifs. Mais de “talent”, de Révolution nationale à la sauce Vichy, point. Ou sur des décombres, ce qui les réduit d’avance à néant. Au contraire, le fait d’être dans les années 40 plutôt que dans les années 30, sans être plus réjouissant pour autant, pourrait même annoncer la perspective d’une Libération plus proche. 

C’est en tout cas le parti pris que je choisis résolument (quitte à me tromper, moi aussi). Car on ne résiste pas en reconnaissant la supériorité de l’ennemi. On gagne en soulignant et en attaquant ses failles.

Le Yéti

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