mercredi 18 septembre 2024

3 questions à Bruno Drewski sur le nouveau Premier ministre en France

Robin Delobel

Jeudi 5 septembre Michel Barnier était nommé premier ministre par Emmanuel Macron. Un renouveau avec un homme politique qui a commencé sa carrière en 1973? Comment interpréter cette décision? Quelle recomposition politique signifie cette nomination? Bruno Drewski nous répond.

Quel message Emmanuel Macron voulait-il faire passer en nommant Michel Barnier comme premier ministre?

Bruno Drweski: Je ne sais pas s’ il voulait faire passer un message ou plutôt qu’il voulait établir un modus operandi avec le Rassemblement National. Si on regarde la campagne électorale de Barnier pour les élections de 2022, il avait fait des ouvertures en direction des idées d’extrême droite. La réaction du RN à sa nomination est assez favorable, on se dirige vers une grande coalition où le RN n’est pas au gouvernement mais ne bloquera pas, un gouvernement d’extrême centre macroniste donc. Je pense qu’il voulait continuer à gouverner avec une politique de droite et il a besoin de l’appui du RN pour la faire passer car il ne veut surtout pas que les partis du NFP, en particulier LFI, ne participent au pouvoir. On va avoir une grande coaltition informelle avec un régime qui se veut centriste mais se dirige vers l’extrême droite, sans le dire. Et un RN qui va sans doute recevoir beaucoup d’avantages connexes, ce qui risque d’être hasardeux car on ne sait pas ce que va penser son électorat au bout d’un certain temps. Le gros de l’électorat du RN c’est avant tout formé de mécontents. Les sondages doivent être pris avec des pincettes mais il y a tout de même presque 70% des Français qui estiment qu’on n’a pas tenu compte de leur vote.

En tous les cas, suite aux élections législatives de juillet, il y a au moins un message qui est clair, c’est que la plupart des électeurs ne veulent plus de Macron au pouvoir. Il a montré qu’il n’avait absolument pas l’intention de respecter le vote. On sait que c’était une majorité impossible vu qu’aucun groupe n’a la majorité absolue au parlement. Macron a essayé de scinder le NFP en récupérant les socialistes mais soit ça n’a pas marché soit ce n’était pas son intention. Il a viré clairement plus à droite qu’on aurait pu le penser. Je suis assez étonné du comportement d’Olivier Faure, qui a tenu bon la ligne NFP. Sans doute qu’au PS les décideurs se rendent compte qu’ils ont un électorat et qu’ils doivent l’écouter.

On assiste donc à un partenariat entre droite et extrême-droite qui devient de plus en plus officiel ?

Je pense qu’on assiste à une melonisation de la France. Est-ce que ça marchera, ça c’est autre chose. L’électorat de Meloni et celui du RN n’est pas le même. L’électorat du RN repose sur les couches populaires alors que pour Meloni, il s’agit plutôt des couches moyennes. Nos dirigeants n’ont pas forcément fait cette analyse et je pense qu’il risque d’y avoir une déception de l’électorat RN. Ce gouvernement ne va sûrement pas durer longtemps et je pense que l’on se dirige vers des tensions majeures. D’autant plus que l’Union européenne veut accélérer les dites “réformes” et un gouvernement instable ne peut pas se permettre d’accélérer des réformes impopulaires. Il va y avoir des tensions sociales et j’imagine que du côté du RN ça va tanguer dans tous les sens, entre les réalistes et les carriéristes. 

Michel Barnier est présenté sous un jour favorable dans les médias, comme un gaulliste social alors que si on regarde sa campagne électorale de 2022, il avait radicalisé son programme vers la droite surtout par rapport à l’immigration. Il n’y a plus une grande différence entre ce qu’il prônait et ce que prônait le RN. Il a largué les amarres du gaullisme social il y a fort longtemps. Pourquoi on le présente comme ça? Parce qu’il faut faire passer la pilule! Et ça montre bien que les médias sont conscients du fait que le peuple décroche. 

Le vote de juillet est nié par Macron en dehors des règles, que peut faire la gauche ?

Le PS m’a étonné par sa réaction ; ils ne se sont pas précipités au gouvernement, sans doute qu’ils sentent la colère monter et qu’il vaut mieux faire une cure d’opposition. Je pense qu’on doit s’attendre à des mobilisations sociales. Le mécontentement lié à la situation économique et sociale peut se manifester en dehors des partis politiques. Dans les syndicats, la base exige d’aller plus loin que les directions confédérales, ça peut ouvrir un front. Macron a sûrement peur de cette colère, ça doit être pour ça qu’il a amadoué le RN en pensant qu’ils pouvaient calmer le mécontentement. Si le RN a eu un bon score, je pense que cela s’explique parce qu’il apparaissait comme le parti des mécontents et non parce qu’il est un parti conservateur pro capitaliste,… Le RN ne garantit pas la stabilité du gouvernement. 

L’état du mécontentement est très fort. Les oiseaux de mauvaise augure disent qu’on est engagé dans un processus de fascisation qui n’est pas limité à la France. Mais j’espère que le réveil social va contrebalancer ces prévisions négatives.

investig'action

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