vendredi 6 septembre 2024

De quel processus politique Édouard Philippe est-il le symptôme ?

Antoine Manessis

Edouard Philippe, chef du parti Horizons, la droite chiraco-juppéiste ralliée un temps à la Macronie, vient de se déclarer candidat à la présidence de la République.

"Ce que je proposerai sera massif"...On ne sait pas si c'est une promesse ou une menace. On croit deviner, d'autant qu'il dit avoir repéré quatre "dangers redoutables : celui du péril démocratique, celui du péril budgétaire, celui de l’immobilisme provoqué par le fait qu’on consulte, on conjecture, on s’oublie dans la crise politique, sans oublier le sujet majeur de l’ordre public et de la sécurité"Lui aussi veut rassembler de la social-démocratie à la droite.

Bref, sur le fond le macronisme sans Macron. Même si un Scud ou deux sont lancés en direction du locataire de l'Elysée, c'est la même politique au service des plus riches et sur le dos des autres, classes populaires et moyennes. La politique d'Emmanuel Macron, de Bruno Le Maire, de Gérald Darmanin. Et avant eux de François Hollande, Emmanuel Macron (déjà) et Bernard Cazeneuve, et encore avant de Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde et Claude Guéant. Le MEDEF au pouvoir.

Certes, les différentes factions des droites se sont toujours affrontées pour savoir laquelle sera "aux affaires". Certes, encore il y a des nuances entre elles. Mais fondamentalement c'est toujours la même politique, celle du capital dont ils sont tous les "fondés de pouvoir" pour reprendre l'expression de Marx. Rien de nouveau.

Ce qui est nouveau c'est qu'une partie de la droite considère que la Macronie c'est fini et que la situation parlementaire est telle que très vite les élections présidentielles seront à l'ordre du jour. Que jouer au petit jeu des consultations amusera sans doute les commentateurs mais que les choses sérieuses devraient arriver plus vite que prévu.

Il est vrai que Macron peut gagner du temps en essayant de faire croire que la paralysie voire le chaos guettent, et que pour "clarifier la situation" (il aime ça, sans grand succès) il démissionne pour sauver le pays et peut ainsi se représenter à la présidentielle, ce qu'il ne pourrait pas faire s'il attendait les échéances normales. Espérant reproduire le miracle de 2022.

Pour casser cette manœuvre, la droite Edouardienne anticipe. Ce qui a eu le don d'énerver la Macronie : "Ce timing est assez surprenant, je ne me l’explique pas vraiment", dit un député macroniste. De son côté, le sénateur macroniste François Patriat juge le moment "pas opportun". Mais en fait Edouard Philippe ne fait que s'adapter au "timing" macroniste.

À gauche d'ailleurs, comment ne pas voir que l'ombre de la présidentielle plane sur toutes les composantes du NFP même si l'on est dans le "y penser toujours, n'en parler jamais"... 

Quant aux néofascistes du RN, leur raidissement face à un éventuel gouvernement de droite, concernant la censure immédiate ou pas, montre qu'ils s'attendent aussi à une présidentielle anticipée et que dans ce cas leur posture d'opposants doit être nette et crédible.

Macron essaye jusqu'au bout d'affaiblir la gauche et la droite en jouant la carte de la division. Mais il semble que le président précaire n'a pas conscience du rejet que sa politique et sa personne par une large majorité de Français-es.

Soyons-en sûr, d'autres vocations présidentielles vont apparaître. Et à ce moment là, ce qui va être essentiel pour assurer la présence d'un candidat au 2e tour ce sera la solidité et la masse critique de sa base. À cet égard, Jean-Luc Mélenchon, qui était déjà avant 2022, l'objet de toutes les tentatives de marginalisation et de criminalisation ( de tous les côtés), est certainement le mieux placé pour porter les couleurs de la gauche malgré sa prétendue impopularité sondagière. Nous pensons au contraire que la solidité de sa base de masse ne peut sortir que élargie et renforcée des derniers événements nationaux et internationaux.

Sans compter que les élections ne sont ni l'alpha ni l'oméga de la politique. Elles sont toujours le reflet de mouvements sociaux et idéologiques plus profonds et plus fondamentaux. Elles sont incontournables mais ne sont pas suspendues dans les airs. Elles plongent leurs racines dans les luttes des classes sous mille et un formes. Et la gauche doit savoir qu'elle a un potentiel qui lui permet d'envisager la suite des événements avec sérénité. Certes c'est un potentiel mais que certaines situations peuvent cristalliser autour de la candidature de la gauche de transformation surtout face à une alternative néofasciste. Pour saisir ces potentialités une calculette indiquant un rapport des forces à un moment X ne suffit pas. Une fois encore, c'est dans la dynamique, le mouvement que se trouve la perspective émancipatrice.

Cette dynamique a déjà commencé et chaque pas compte. Le 7 septembre en fera parti. La mobilisation contre le génocide des Palestiniens aussi. Les grèves à venir pour les salaires et contre l'austérité aussi. Les luttes féministes "la moitié du ciel" aussi. Le combat pour l'environnement et donc pour la vie est aussi de façon centrale partie prenante de cette dynamique. 

Finalement c'est la peuple, à partir de ce qu'il vit et de ce qu'on lui offre comme alternative, qui décide.

Antoine Manessis

Aucun commentaire: