Alexis Taïeb
Le gouvernement a communiqué un document préparatoire pour le budget 2025. L’orientation qui s’y dessine est claire : hausse par milliards pour l’armée, la défense, la sécurité… et coupes budgétaires pour les services publics.
Jeudi, face à l’insistance des députés de la commission des finances, le Premier ministre a envoyé aux parlementaires un « projet de rapport » sur les dépenses prévisionnels des ministères, établie sur la base des lettres plafonds signées le 20 août par Gabriel Attal. Ce document, qui est une « base technique pour préparer le budget » explique Matignon, ne présage pas des « modifications et ajustements qui pourront être proposés ». Il n’en reste pas moins qu’il en dit déjà long sur l’orientation du budget à venir.
Comme l’avait précédemment indiqué le gouvernement démissionnaire, le budget global de l’Etat sera inchangé par rapport à 2024, à savoir 492 milliards d’euros, ce qui représente déjà une baisse de 10 milliards étant donné l’inflation. Mais si baisse du budget global il y a, la priorité est également clairement donnée au domaine régalien dont le budget va augmenter drastiquement. En effet, les missions de « Sécurités » et « Défense » vont augmenter respectivement de 5 % et 7 %. C’est au total 3 milliards d’euros de hausse budgétaire qui sont prévus pour l’armée et la défense, portant le budget régalien à 50,5 milliards.
Comme expliqué dans le rapport, le gouvernement cherche à augmenter sa puissance militaire dans un contexte d’intensification de la concurrence entre grandes puissances : « Le réarmement et le développement de l’investissement militaire s’inscrivent dans la situation internationale et les différentes menaces auxquelles le pays doit faire face. […] Cet investissement supplémentaire assurerait les dépenses d’investissement et les commandes de matériels nécessaires à la modernisation de nos armées ». Autant d’argent qui ne servira pas à améliorer nos conditions de vie, mais plutôt à préparer de futures guerres ou renforcer la présence militaire de la France à travers le monde.
Sur le terrain intérieur, la part du budget allouée à la « sécurité » (police et gendarmerie) augmentera de 3%, pour un montant total de 17,2 milliards d’euros. La Justice n’est elle aussi pas en reste même si l’augmentation du budget reste limitée à 1% ce qui est moins que l’inflation. Pour autant, la priorité semble donnée au système carcéral puisqu’il s’agit de poursuivre les « investissements pour la construction de centres pénitentiaires mais aussi le financement de centre éducatifs fermés », qui sont peu ou prou des prisons pour mineurs. Autrement dit, augmenter les capacités répressives de l’Etat. Pour ce qui est des moyens dédiés à la justice à proprement parler, c’est une petite cure d’austérité qui s’annonce derrière la « modernisation » de la Justice.
Forcément, ces augmentations pour le régalien impliquent des sacrifices ailleurs. Ici, pas de surprise, mais de nouvelles attaques contre les services publics sont prévues pour soi-disant trouver l’équilibre. Déjà annoncé il y a quelques semaines, le budget du ministère du Travail et de l’emploi sera privé de deux milliards d’euros. Si la communication des médias a mis l’accent sur la diminution des aides de l’Etat au patronat pour financer les apprentis, on voit mal comment, en plus de France Compétences, France Travail ne serait pas également visé. De même, la piste de la suppression de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) que relate un article de Michel Abhervé sur son blog Alternatives Economiques à propos des lettres plafonds de Gabriel Attal reste d’actualité.
Alors que la situation dans les hôpitaux est toujours catastrophique, comme l’ont montré les nombreuses grèves dans le secteur ces derniers mois, le gouvernement ne prévoit pas d’augmenter le budget de la santé. Bien au contraire, il le diminue d’un million d’euros destiné à la sécurité sociale. Ce qui est plutôt ironique, étant donné que le gouvernement continue sa chasse aux arrêts-maladies abusifs en s’appuyant sur les déficits de l’assurance-maladie.
Pour l’éducation nationale, le budget consacré serait de 64,5 milliards d’euros, soit une « augmentation » d’à peine 100 000 euros. Une augmentation qui n’en est donc pas une, étant donné que l’inflation pour 2025 est estimée à 2%. Le manque de moyen criant dénoncé par les personnels de l’éducation nationale n’est une nouvelle fois pas une préoccupation gouvernementale, qui préfère investir des millions d’euros dans le Service Nationale Universel.
Certaines dépenses du ministère de l’Ecologie seront également tailladées, comme les aides à l’acquisition de véhicule propres, la « Prime Renov » ou le fonds vert, censé financer les dépenses des collectivités territoriales pour la rénovation énergétique. Le budget de l’aide publique au développement, l’argent envoyé pour « aider » les pays pauvres, diminuerait également de 1 milliard d’euros.
Du côté du ministère de l’Agriculture, pas d’augmentation du budget pour aider les agriculteurs les plus pauvres, mais plutôt une baisse du budget de 300 millions d’euros. Idem pour l’Enseignement supérieur et la recherche, où la politique de casse et de pénurie organisée se poursuit. Le budget de l’ESR diminuera ainsi de 400 millions.
Pour justifier ces nouvelles attaques contre les classes populaires, le gouvernement instrumentalise encore la crise économique et financière dans laquelle la France est plongée depuis plusieurs années et qui ne va qu’en empirant. À noter justement que ces annonces ne sont que provisoires, et que des coupes budgétaires encore plus importantes peuvent advenir.
C’est ce que préconise par exemple le dernier rapport de la direction générale du Trésor, qui recommandait une économie de 30 milliards d’euros sur le budget global. Et encore faut-il que le budget passe par le Parlement, ce qui pourrait être l’occasion d’un durcissement de certaines attaques, au regard de la composition majoritairement réactionnaire de l’hémicycle.
« Il s’agit d’un budget établi par un Premier ministre démissionnaire, transmis à des ministres démissionnaires et qui sera soutenu par un autre Premier ministre qui, pour l’instant, n’a pas de gouvernement. Autant dire que cette lettre doit être considérée comme assez formelle. » expliquait en ce sens Marc Fesneau, le ministre démissionnaire à l’Agriculture, au journal l’Opinion. Autrement dit, les attaques à venir pourraient être encore plus violentes que prévues. C’est ce que pourrait laisser présager la sortie de Michel Barnier mercredi, qui déclarait « très grave » la situation budgétaire.
À n’en pas douter, si le futur budget s’inscrit dans une longue série d’offensives contre les services publics, 2025 marquera cependant un saut majeur dans l’austérité. Loin donc de maintenir un budget à l’équilibre comme il cherche à le faire croire, le gouvernement se prépare à une offensive brutale contre le monde du travail et la jeunesse. Pendant qu’il augmente les budgets de l’armée et de la sécurité pour maintenir son ordre, il diminue ceux des services publics et de la santé.
Face à un gouvernement Macron-Barnier qui veut une nouvelle fois nous faire payer leur crise, le mouvement ouvrier doit préparer une riposte à la hauteur de l’offensive.
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