dimanche 22 septembre 2024

La Commission européenne et l'union des droites

Antoine Manessis

La Commission européenne adopte la couleur brune pour la saison automne-hiver.

Sa composition comme ses thématiques sont de plus en plus influencées par l'extrême-droite. Ce qui correspond d'ailleurs à l'évolution politique des pays membres où les partis néofascistes prennent de plus en plus de place. Inutile d'en faire la liste, le constat est le même à peu près partout.

Pour les classes possédantes/dirigeantes face au délitement du consentement populaire, et donc de la réduction de la base de masse des partis bourgeois traditionnels, il s'agit de trouver une solution. L'Etat, disait Gramsci, c'est "une hégémonie cuirassée de coercition". Ce couple à l'équilibre toujours fluctuant varie selon les circonstances historiques, politiques, idéologiques. L'hégémonie étant donc aujourd'hui fragilisée la coercition voit sa place grandir. Comme dans les années 1930. À la différence que la "menace" révolutionnaire a perdu toute expression alternative étatique (l'URSS et son "camp" ainsi que la Chine socialiste n'existent plus) et toute expression politiquement organisée à l'échelle internationale. Non pas que des forces émancipatrices n'existent pas, mais elles sont relativement faibles ou marginalisées. 

La bourgeoisie fait en sorte que l'alternance ne soit pas une alternative, qu'elle morde sur une fraction des classes moyennes et populaires, qu'elle serve ses intérêts au-delà de postures, qu'elle réprime idéologiquement, institutionnellement et policièrement l'alternative de gauche. C'est ainsi que le néofascisme du XXIe siècle fait une entrée fracassante dans le monde.

Le ressentiment des classes  populaires est orienté, par les médias et les droites, vers des boucs-émissaires, les étrangers en particulier les Arabes et les Africains mais aussi les Asiatiques voire des Européens (les Roms ou "le plombier polonais"). Cela se construit sur le soubassement d'un racisme systémique héritage de l'impérialisme, du colonialisme, de l'esclavage. Les fascismes sont historiquement contre-révolutionnaires et racistes. Et ils sont toujours le bras armé du capital. Cette ruse du capital visant à diviser les classes populaires est aussi ancienne que le capitalisme lui-même. On se souvient que Marx et Engels dénonçaient le racisme des travailleurs anglais vis à vis des Irlandais.

La Commission européenne et sa présidente sont l'expression au niveau de l'UE de cette stratégie, de plus en plus commune, du capital qui passe par l'union  des droites. Promue par des élément néofascistes qui ont fait le pont entre la droite et l'extrême-droite tels Patrick Buisson ou Eric  Zemmour, cette ligne s'impose dans quasiment tous les pays et au niveau du centre de coordination de ces politiques néolibérales qu'est la Commission européenne. Que von der Leyen (CDU droite) soit Allemande et que le chancelier allemand Olaf Scholz (SPD) adoptent cette stratégie, même si c'est de façon différente, n'est pas sans signification d'un tournant stratégique essentiel dans la première puissance en Europe.  

À ce propos signalons qu'il y a deux façons, au moins, de mettre en oeuvre cette politique : soit l'alliance plus ou moins ouverte entre la droite et les néofascistes (Hollande, Italie, Hongrie, Commission européenne...et désormais France), soit en faisant la politique de l'extrême-droite en prétendant que c'est le seul moyen de l'empêcher d'accéder au pouvoir (Danemark, Allemagne...). Dans les deux cas, le capital impose des politiques autoritaires, racistes et néolibérales.

Signalons, face à ce sombre tableau, que des pôles de résistance existent comme en Espagne où le PSOE (parti socialiste ouvrier d'Espagne) et la gauche de gauche avec, et c'est politiquement central, les indépendantistes de gauche Basques ou Catalans parviennent à tenir en lisière du pouvoir la droite alliée aux néofascistes ou la France où les forces de gauche, animées par la France Insoumise, font "Front populaire" contre l'union des droites incarnée par le gouvernement Barnier-Macron-Le Pen-Wauquiez. Citons aussi dans les éléments encourageants la progression remarquable du PTB (parti du travail belge) en Belgique, qui a su innover sans se renier, et la forte dynamique du Sinn Fein en Irlande (Nord et Sud). 

On l'a vu lors des dernières élections en France le potentiel antifasciste reste fort. À la gauche politique et syndicale de le rassembler, de le cristalliser et d'en faire un barrage puissant. 

Une fois encore cela ne se fera pas dans la confusion ou dans "l'oubli tactique" de l'anti-racisme. Cela se fera dans la clarté, la radicalité et "en même temps" le refus de l'esprit de secte.

Antoine Manessis 

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