Gilles Querrien
"Par mes antennes" , mes derniers jours sont comptés. Je suis piègée.
Le long du mur, le mélange déposé va me tuer.
Fini la vie moelleuse.
Tout petit, mes parents m'avaient appris comment déguster un journal, qu'importe, que je sache lire.
J'ignorais les rubriques : mode, santé, cuisine, psychologie.
Je me contentais de manger ces pages entre mes mandibules.
Un plaisir à nul autre pareil !
J''avais appris également à escalader le long des murs, à me cacher dans les fissures ou les interstices, à me faire toute petite quand la maîtresse de maison-très énervée-, armée d'une tapette, avec lampe, cherchait à me tuer.
Immobile, je retenais ma respiration.
Il m'arrivait aussi de me tremper dans l'eau ou de nager.
Toute la journée, je cherchais du sucre, du pain, du fromage, des fruits et plein de bonnes choses sur lesquelles je m'installais pour déguster.
Toutefois, je devais garder un œil attentif.
Sacrebleu, d'autres insectes, telles les fourmis par exemple, envahissaient parfois les mêmes lieux que moi.
Leur combativité m'aurait laissée peu de chance de m'en sortir vivante.
Alors qu'on éprouve de la compassion pour les fourmis, travailleuses infatigables qui viennent aussi faire leurs provisions chez les humains.
Avec les punaises de lit, mêmes victimes, nous étions pourchassées sans pitié jusqu'aux dernières.
Aucun territoire ne nous n'était autorisé.
Impossible de creuser un tunnel pour se cacher.
On nous écrasait, dans une guerre sans pitié.
Les propriétaires avaient un chat, toujours à l'affût, je devais me méfier de ses griffes.
Une araignée, dont je connaissais la cruauté, surveillait, suspendue au plafond.
Plusieurs de mes amies furent capturées dans sa toile.
D'autres finirent leur existence, collées sur des plaquettes gluantes, attirées par une odeur entêtante, impossible de résister.
Ce qui me donnait le cafard.
Bientôt je serai immobile.
Les pattes en l'air, je me tords de douleur.
Heureusement, j'ai semé un cocon dans la maison.
Il me vengera quand il produira des nymphes, celles-ci devenues adultes, à leur tour envahiront toutes les parties de la maison : frigo, four, tiroirs, sous les meubles, dans les placards.
Il sera alors très difficile de les exterminer.
Cachées bien au chaud dans les couvertures, dans les différents endroits de la cuisine, elles pourront trouver tout ce dont nous raffolons : miettes, poussière, restes de nourriture.
Dans cette guerre sans pitié, comme arme ultime, les habitants pourraient désinsectiser entièrement l'appartement.
Mais ils devront déménager en totalité.
Le voudront-ils ?
Gilles Querrien
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