Antoine Manessis
Le quotidien marxiste italien “Il Manifesto” accuse le président français d’avoir renversé le résultat du vote de juillet et de pactiser avec l’extrême droite. En français et avec ironie.
Une énorme vague d'indignation devrait secouer le pays, une vague démocratique devrait déferler contre le comportement autocratique d'un président minoritaire.
Nous verrons le 7 septembre si la riposte populaire au coup d'Etat de Macron est à la hauteur de l'attaque contre la démocratie.
Résumons ce qu'est cette agression anti-démocratique : les élections législatives (juin/juillet) avaient désigné le Nouveau Front Populaire (NFP-coalition des gauches et des écolos) comme la force principale à l'Assemblée nationale. La Macronie qui avait subi une lourde défaite aux Européennes avait dissout l'AN pour "clarifier" la situation politique. En fait, Macron escomptait une victoire du néofascisme qui entraînerait une cohabitation qui permettrait au bloc bourgeois d'extrême-centre de battre le bloc bourgeois néofasciste en 2027 (ou en tous les cas lors de la prochaine présidentielle). En refaisant le "coup du barrage" comme en 2017 et plus encore en 2022.
Mais patatras, ce beau plan a été balayé par les citoyen-ne-s qui ont eu un sursaut antifasciste, plaçant le NFP en tête et préférant même voter pour des macronistes pour stopper le RN.
Face à cette situation la tradition républicaine, la logique démocratique et la logique tout court exigeaient que le président de la République offre au NFP, la force principale de la nouvelle AN, la possibilité de constituer un gouvernement. Le NFP avait désigné Alice Castets pour devenir Première ministre. Soit elle parvenait à constituer un gouvernement qui ne soit pas immédiatement censuré, soit elle n'y parvenait pas. Dans ce cas, Macron avait d'autres possibilités respectueuses du suffrage universel.
Or Macron a tergiversé pendant deux mois pour finalement désigner un homme de droite, Michel Barnier, membre du parti LR qui est arrivé en 4e position à l'AN après les dernières législatives. Il avait envisagé Bernard Cazeneuve (droite social-néolibérale ex-PS) et Xavier Bertrand (LR, ex-LR puis LR) mais ces deux candidatures ont été torpillé par les néofascistes du RN qui se sont posés en faiseurs de roi du fait de la complicité objective établie entre Macron et Le Pen. Macron cherchant soit à casser le NFP (avec Cazeneuve), soit à s'appuyer sur la droite (Bertrand), Marine Le Pen voulant quant à elle apparaître comme jouant le jeu des institutions mais en situation de ne tolérer (qu'un temps) qu'un candidat lepeno-compatible.
En fait, compte-tenu du fait que toutes les composantes du NFP ont annoncé vouloir censurer le gouvernement Macron-Barnier anti-démocratique, ce qui est la moindre des choses, le RN tiendra dans ses mains le sort de Barnier. Le RN va ainsi se dédiaboliser un peu davantage et prendre l'initiative, sur le sujet qu'il choisira, pour renverser le gouvernement.
Le Guardian, le grand quotidien britannique, résume ainsi le geste du président de la République: "Macron a mis son destin, et celui de la France, entre les mains de Marine Le Pen", en choisissant Michel Barnier comme premier ministre.
Bref, les balivernes de Macron sur la stabilité recherchée ne tiennent pas devant les faits. Macron peut en fait soit attendre un an pour dissoudre l'AN, soit démissionner et dans ce cas, il peut même se représenter. Il se fiche de la stabilité c'est même lui qui a provoqué la grande instabilité dans laquelle nous sommes avec sa dissolution qui n'avait qu'un but: permettre au RN de gouverner pour permettre à Macron de se représenter (après une démission ou une nouvelle dissolution).
Quant aux commentaires fielleux et omniprésents sur les médias capitalisto-étatiques qui consistent à reprocher au NFP le vol des élections par Macron, ils ne tiennent pas la route. Pour éviter Barnier le NFP aurait du soutenir Cazeneuve ! Eviter un Premier ministre de droite avec un Premier ministre de droite. On se fout de qui ? Cazeneuve n'est pas plus à gauche que Barnier.
Cazeneuve a passé son temps à insulter la composante principale du NFP. Et à soutenir aux législatives, comme à Grenoble où il soutenait Olivier Véran, les candidats macronistes contre ceux du NFP. Le NFP a un programme progressiste que Cazeneuve voit comme un projet islamo-gauchiste.
La gauche aurait laissé passé une occasion de gouverner ? Mais rien n'est plus stupide et mensonger. La pseudo-gauche de Cazeneuve a gouverné quand le président était François Hollande et que Cazeneuve était son ministre de l'intérieur puis son Premier ministre. On a vu le résultat: Hollande infoutu de se représenter, Macron qui est élu et le RN encore plus fort. Et une politique sociale, économique et internationale que ne récuserait aucune force bourgeoise de droite et pro-buisness, une politique néolibérale, anti-populaire et même violente à l'égard des défenseurs de l'environnement, on se souvient toutes et tous du jeune Rémi Fraisse assassiné.
Pour rire. Nolwenn Chouffot, première nomination au sein du cabinet de Michel Barnier. Nolwenn Chouffot est nommée chargée de mission auprès du Premier ministre nous annonce le JO de ce jour. Or Nolwenn Chouffot était déjà chargée de mission à Matignon auprès de Gabriel Attal, comme auparavant auprès d’Edouard Philippe, puis de Jean Castex et d’Elisabeth Borne. Elle avait déjà occupé ce poste sous la présidence de François Hollande, auprès de Manuel Valls puis de...Bernard Cazeneuve. C'est ça la gauche ? Allons un peu de sérieux. C'est la même politique qui fut et est appliquée par Sarkozy, Hollande, Macron, celle qui défend les intérêts du grand capital contre ceux des classes populaires et moyennes.
Et nous devons la combattre.
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