samedi 7 septembre 2024

Sortie de route

Gilles Querrien

Tout autour d'un autobus, de nombreux passagers montent, mais qui  va les conduire ? 
L'air rieur, un homme attend, le maitre des horloges, rien ne presse. 
Il a lancé une offre d'emploi et éxamine les CV. 
Les candidats seront tous reçus pour vérifier leurs aptitudes. 
Ses exigences sont nombreuses : le conducteur ou la conductrice devront avoir déjà une expérience des affaires de l'état,  avec une conduite en souplesse, en  respectant le code de la route, bien à droite. 
Pendant ce temps, les passagers s'impatientent, quand l'autobus va-t-il démarrer ? 
Mais qu'importe, après  l'issue  des résultats, pour le choix du conducteur, le président n'en démord pas, il refuse toujours de laisser les clés au groupe politique qui est arrivé le premier à l'élection législative, suite à la dissolution qu'il a  lui-même déclenchée, avec un accord électoral de circonstance. 
Il justifie  ce choix, en précisant que la candidate proposée,  conduit trop vite, pas assez à droite. 
De plus, elle ignore les subtilités de la conduite de l'État, et forcément entraînerait le véhicule dans le fossé. 
De plus pour elle,  son action serait désastreuse pour le bon fonctionnement de l'état. 
Il est impossible de racheter un autre véhicule qui coûte  déjà les yeux de la tête  pout rembourser son crédit. 
Un conducteur confirmé s'impose ! 
Ces considérations semblent inadmissibles pour l'intéressée qui a accumulé des miliers de kilomètres sans aucun accident.
Bien sûr, elle emprunterait un parcours loin des sentiers battus, principalement en choisissant une trajectoire tournée vers le social. 
Mais ce choix n'est pas retenu. 
Le conducteur devra trouver une nouvelle équipe pour l' accompagner.   
Un technicien chargé de la mécanique générale, pour solutionner  les pannes en tout genre : le bon fonctionnement du moteur, changer les  pneus usés, etc... 
Le maitre  du temps met la pression. 
Il n'est pas question que le véhicule tombe en panne suite à de nombreuses réclamations qui pourraient remettre en cause le rôle du conducteur. 
Un  second technicien  surveillera l'état de la carrosserie ; une tâche délicate qui  présentera une image impeccable, au yeux de tous. 
Dernièrement, la carrosserie a été sérieusement cabossée. 
Il devra relayer largement  la parole présidentielle. 
On  établira la feuille de route en lien avec le maitre des horloges.
Il y a bien un GPS dans l' autobus, est-ce bien suffisant ? 
Tous les voyants sont actuellement au rouge ! 
Pas question d'emprunter des chemins sinueux, de s'embourber, de rouler sur des nids de poules. 
Le président déteste ce genre d'accident. 
Il n'est pas question de changer de véhicule, il a fait ses preuves par le passé. 
Un contrôle sévère s'exercera au niveau de la consommation. 
Y aurait-il assez de carburant pour faire demarrer le véhicule, et le conduire sur une  longue distance ? 
Impossible de tomber en  panne sèche. 
Faudra-t-il aussi transformer à court terme ce véhicule par un moteur électrique, moins polluant ?
C'est d'actualité mais cela déclenche  une forte résistance. 
Si cela coûte beaucoup moins cher, cela nécessite aussi beaucoup d'investissements. 
L'état des amortisseurs défectueux ne répond plus au normes européennes.  Il est urgent de les changer. 
Un technicien de compromis doit être rapidement trouvé. 
Il faut bien sûr s'occuper des passagers : est ce en majorité des femmes ou des hommes, habitent-t-ils en ville ou à la campagne sont-ils actifs, en recherche d'emploi ou à la retraite, sont-ils ou pas  de nationalité française, que faire pour ceux qui essaie de passer sans contrôle ? 
Il n'est pas question non plus de se mettre à dos leurs employeurs. 
Quel programme est  il prévu pour accompagner les enfants à l'école? 
Est-il envisagé de prendre des personnes qui feront du stop, et ceux qui voudront monter simplement en  traversant la rue ? 
Si l'autobus doit franchir des frontières, il sera nécessaire d'avoir un bon négociateur. 
Les passagers commençent  à s'impatienter, déjà deux mois qu'ils attendent. 
Parmi les futurs candidats, on s'interroge. 
Quel sera celui qui remplira toutes les conditions requises ? 
Une trousse de secours est-elle prévue  en cas d'accident, ou pour ceux qui auront le mal des transports ? 
Certes, des coupes sévères ont déduit sa quantité et la possibilité d'avoir les soins et le personnel nécessaire. 
Il faut serrer les boulons, tout coûte si cher ! 
Les voyageurs s'impatientent, quel sera la future destination, comment, avec qui ? 
Quel sera le tarif, qui va payer ? 
Quel sera le poids des bagages autorisés sans être taxés ? 
Pour distraire les passagers dans le car, il y a un grand écran, avec de la musique. 
Ce rôle n'est pas négligeable, puisque une spécialiste doit intervenir à tout moment pour modifier le programme, sans avoir beaucoup de comptes à rendre. 
Mais celui qui résoudra les litiges est une perle rare et précieuse. 
Les vitres ne sont pas très propres, qu'importe, inutile de trop voir le paysage !! 
Qui va s'occuper des casse-croûte pendant le trajet ? 
Comme chacun sait que  cela va  provoquer beaucoup de discussions, sera-t-on obligé de manger bio ou au contraire  de choisir des produits bon marché qui contiennent beaucoup de pesticides ? 
Quel sera le tarif appliqué ? 
Tout le monde sera-t-il servi ? Et ceux qui n'ont pas les moyens ? 
Faudra-t-il s'arrêter pour se reposer, à partir de quel âge ? 
Il ne faut pas oublier les boissons, de préférence produites sur le sol national. 
Le conducteur devra être sobre au moment de choisir son équipe,  et aura-t-il vraiment le pouvoir de décider ? 
Les précédents  conducteurs ont été remercié sans avoir bien  compris les raisons de leur licenciement. 
Brusquement, sur le quai tout s'agite, les caméras du monde entier filme l'événement. 
On a trouvé l'oiseau rare, qui n'est pas  le  perdreau de l'année. 
Ce sera lui le nouveau conducteur. 
 Il a bourlingué dans d'autres compagnies de cars, il connaît par cœur les manœuvres, il a été lui même technicien à plusieurs reprises  pour réparer les pannes. 
Il  connait les méandres des chemins tortueux, glissants, il sait comment se faufiler et surtout  être très conciliant avec le maître des horloges.
Il ne ferra pas de vague. 
Sera-t-il accepté par tous les voyageurs ? 
Certains l'espèrent, d'autres le redoutent, si c'est lui qui conduit. 
À tout moment, le président pourra  modifier le parcours. Il est prévenu, son rôle sera secondaire.  
Une grande fanfare célèbre l'événement. 
Le maître du temps remet officiellement les clés.
Attention à la sortie  de route ! 

Gilles Querrien

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