Gilles Querrien
Le succès a un prix, je m'en rends compte aujourdhui.
Impossible de passer inaperçu sans que je sois assailli par des groupies, je l'ai bien cherché.
Qui aurait dit il y a quelques années que je serais en haut de l'affiche, célébré de partout ?
Les médias me recherchent pour faire de l'audience, il est vrai que parfois je leur donne un coup de main, pour leur fournir ces précieuses informations
Je suis très présent sur internet, l''important c'est de faire le buzz !
Mais tout n'a pas été facile.
Mes parents ont rechigné quand je leur ai fait part de ma volonté de devenir artiste.
D'un milieu modeste, rien ne me prédisposait à cette carrière.
Les premiers temps ont été difficiles.
Mais la chance a frappé à ma porte et je lui ai ouvert.
Depuis des années, je répétais devant une glace, les hits de mes chanteurs favoris ; dans le meilleur des cas, cela se résumait à répéter dans un garage avec quelques amis.
De passage dans une boîte de nuit, un chanteur devait se produire.
Bloqué chez lui avec une forte angine, il n'avait pas pu venir.
Au pied levé, je m'étais proposé de le remplacer ; à ma grande surprise, on m' a accepté. Propulsé sur la scène pour la première fois avec une guitare que je gratouillais de temps en temps.
Étonnamment, ce jour-là, j'ai connu un premier succès, qui ne s'est jamais démenti depuis.
Le plus surprenant, c'est que je n'ai jamais dû faire le premier pas, tout s'est passé sans avoir à intervenir : la recherche de mon impresario, le calendrier de mes mes tournées et même le choix d'un compositeur.
Ils sont tous venus à moi.
De même pour mes rencontres amoureuses, je les attirais. J'avais juste à choisir, je les abandonnais sans aucun remord.
Et tout s'est enchaîné ; peu après, j'ai été connu dans le monde entier.
Adulé à chacune de mes apparitions.
La célébrité m'a permis de mener une vie royale : je voyageais en première classe, j'allais dans les meilleurs hôtels, je dînais dans les meilleurs restaurants avec des personnalités trièes sur le volet.
Comme sous l'ancien régime, j'ai bénéficié de passe-droits de toutes sorte : que ce ce soit pour dissimuler mes biens dans des paradis fiscaux, sans que les services des impôts ne trouvent rien à redire, ou encore quand j'ai fait démolir le château que j'occupais, alors qu'il était classé par l'association de sauvegarde du patrimoine français, mais qu'importe ?
Ce qui n'a pas empêché que je sois décoré de la Légion d'honneur.
Les hommes politiques et les dictateurs me mangent dans la main, mon magnétisme est un gage de succès.
Comme je le dis souvent en plaisantant,
Je ne suis pas encore Dieu, car je cours moins vite !
Je suis même devenu un homme sandwich : je commercialise toutes sortes de produits à mon nom, et ça marche.
J'aurai pu utiliser ma notoriété pour soutenir des causes humanitaires, sans aucune difficulté, mais il aurait fallu que je m'implique.
Qu'avait à gagner ma belle gueule ?
Les femmes me regardent comme un étalon pour une saillie, et pourquoi pas pour leur donner de jolis poulains ou pouliches ? Mais je m'égare.
Voudra t'on, après ma mort, donner mon nom à une rue, pourquoi pas à une planète ?
Mais la réalité est toute autre.
Ce n'est pas de moi qu'il s'agit.
Personne ne me connait, je suis transparent, à l'exeption de ma concierge, et de quelques connaissances.
Je n'ai pas d'ami.
Comme la plupart des français, c'est le modèle à qui je m'identifiais, qui vient de mourir. Que vais-je devenir ?
Gilles Querrien
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