vendredi 4 octobre 2024

40 milliards de coupes budgétaires : l’offensive austéritaire de Barnier sera historique

Pierre Michel

Après son discours de politique générale, Barnier a précisé les grandes lignes de son budget : une réduction historique des dépenses publiques et une hausse minime des impôts pour les riches pour donner l’illusion que les travailleurs ne seront pas les seuls à payer la crise.

Après plusieurs semaines de dissensions au sein du gouvernement au sujet de la situation budgétaire du pays, Michel Barnier a présenté, hier, lors de son discours de politique générale, les grandes orientations du budget à venir. Alors que la France est prise en étau entre la pression des marchés financiers d’un côté et la procédure de déficit excessif enclenchée par la Commission Européenne de l’autre, l’effort austéritaires et fiscal promu par le nouveau Premier ministre est inédit dans l’histoire de la Vème République.

Une saignée austéritaire en 2025

Même au lendemain de la crise de 2008, les classes dominantes françaises n’avaient pas émis de telles propositions. Pour résorber le déficit public à 5% en 2025, le gouvernement prévoit 40 milliards de coupes budgétaires et un relèvement de la fiscalité de 20 milliards d’eurosLes 40 milliards que le gouvernement espère trouver en taillant dans les dépenses publiques frapperont en premier lieu la Sécurité sociale, dont le budget sera amputé de 15 milliards. Les retraités seront également touchés : la revalorisation des pensions, du montant de l’inflation enregistrée cette année, est retardée jusqu’au 1er juillet 2025, permettant au gouvernement de trouver 3 milliards d’euros. Barnier veut également tailler dans le budget des collectivités locales, pour dégager 5 milliards d’euros, sans que le gouvernement ait donné d’indications sur la manière dont il comptait procéder. La Cour des Comptes a publié de premières pistes ce mercredi, en proposant notamment la suppression progressive de 100 000 emplois territoriaux. Ces 23 milliards s’ajoutent aux coupes budgétaires massives décidées par le gouvernement démissionnaire : gelant les budgets des ministères, Attal prévoyait 15 milliards d’économie, à quoi Barnier ajoutera 5 milliards supplémentaires, au moyen d’une réduction des effectifs publics.

Au total, plus de 45 milliards d’économie. Une campagne austéritaires inédite sous la Vème République et sans précédent dans l’histoire récente. À titre de comparaison, le projet austéritaire du gouvernement Fillon, déjà brutal, ne prévoyait que 12 milliards d’économie en 2011. Durant tout le quinquennat de François Hollande, les réductions annuelles n’avaient jamais dépassé les 15 milliards. En clair, les conséquences seront catastrophiques pour les classes populaires entre destruction accélérée des services publiques, qui ouvre la voie à leur privatisation, paupérisation des retraités dont les pensions ont été laminées par l’inflation et précarisation de l’ensemble de la population.

Des hausses d’impôts limitées en trompe-l’œil

À cette politique budgétaire, le gouvernement prévoit d’ajouter une hausse de 20 milliards des recettes fiscales via notamment la taxation de la vente d’automobile neuve ou des billets d’avion et une imposition légèrement accrue des profits des entreprises. Avant le discours du locataire de Matignon à l’Assemblée ce lundi, certaines sources évoquaient également, selon le Figaro, la piste d’un « taux minimum » d’impôt sur le revenu pour les plus aisés. D’autres options comme une hausse de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) seraient également envisagées selon Les Echos.

Ces hausses de la fiscalité, qui compteront pour un tiers des économies annoncées, resteront dans tous les cas limitées. Elles ont surtout, comme l’explique Romaric Godin, une fonction idéologique et visent, pour l’essentiel, à donner l’illusion que le patronat et les grandes fortunes participeront eux aussi à l’effort austéritaire : « Pour le dire crûment : la stratégie de Michel Barnier est de proposer au capital un paiement modeste pour non seulement sauver l’essentiel, mais aussi voir s’ouvrir de nouvelles “opportunités” par la destruction des services publics et de l’assurance sociale. L’offre semble très attrayante et très raisonnable : payer quelques milliards pour sauver plusieurs milliards de gains […] ».

Les conseillers de Matignon le confessent eux-mêmes : « On est très très loin de demander aux grands groupes et aux particuliers les plus aisés un effort du même ordre de magnitude que celui qui a été fourni par l’Etat pour les aider ». Une façon de revendiquer malgré tout un changement de cap par rapport à la Macronie, qui a fait du refus d’augmenter les impôts des grandes entreprises et fortunes un totem, tout en en poursuivant la politique au service des grands patrons. Et une orientation qui, malgré les tensions affichées ces dernières semaines au sujet de la question fiscale à l’Elysée, dissimule un même objectif : appliquer une austérité massive au pays et sur le dos des classes populaires.

Face à une telle offensive, il faut construire le rapport de force dans la rue et par la mobilisation, en tirant les leçons de la bataille contre la réforme des retraites et des derniers moins sans la moindre illusion dans les institutions ou les recours parlementaires. Une logique à rebours de l’attitude actuelle des directions du mouvement ouvrier. Alors que les profits du patronat explosent et que les directions d’entreprises vont tirer prétexte de la crise économique et de la moindre hausse d’impôts pour justifier les baisses de salaire et les licenciements, nous devons exiger l’ouverture des livres de compte, la transparence sur les bilans des entreprises pour démasquer leurs mensonges. Qu’ils montrent combien ils ont. Nous verrons où est l’argent et que ce n’est pas aux travailleurs de payer leur crise. 

Alors que les fragilités du gouvernement ouvrent des opportunités, il y a plus que jamais urgence à se saisir sérieusement des brèches ouvertes par la situation.

Révolution Permanente 

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