lundi 7 octobre 2024

Offensive contre les arrêts de travail : les travailleurs malades dans le viseur de Barnier

Cathu Isnard

Après avoir annoncé 15 milliards d’euros de coupes sur la Sécurité Sociale, le gouvernement Barnier précise ses cibles : l’indemnisation des arrêts maladie. L'exécutif projette ainsi de diminuer les indemnités journalières versées par l’Assurance Maladie.

Le gouvernement de Michel Barnier est en train de préparer une offensive austéritaire d’une ampleur sans précédent, avec l’objectif de réduire les dépenses publiques de 40 milliards d’euros. Et une nouvelle fois, ce sont les travailleurs qui en feront les frais. En effet, l’exécutif projette de diminuer les indemnités journalières versées par l’Assurance Maladie lors des arrêts de travail sous couvert de vouloir « soulager les finances de la Sécurité sociale ».

Le scénario envisagé est clair : abaisser le plafond d’indemnisation des arrêts maladie de 1,8 SMIC à 1,4 SMIC. Concrètement, cela signifie que les salariés dont le salaire dépasse 1,4 SMIC, soit environ 2 500 euros bruts par mois, verraient leurs indemnités journalières plafonnées à un niveau inférieur à ce qu’elles sont aujourd’hui. Actuellement, ces indemnités correspondent à 50 % du salaire journalier dans la limite d’un plafond de 1,8 SMIC, ce qui représente environ 52 euros par jour pour les salariés gagnant plus de 3 180 euros bruts par mois. En abaissant ce plafond à 1,4 SMIC, le montant maximum des indemnités journalières serait réduit à environ 40 euros par jour. En plafonnant les indemnisations journalières à un niveau plus bas, les travailleurs verront leur pouvoir d’achat réduit au moment même où ils sont déjà fragilisés par la maladie. Pour les plus précaires, cela vise à les forcer à continuer à travailler dans des conditions fortement dégradées.

Alors que les dernières années ont montré à quel point la santé était une question de « coût » comme l’illustrent tous les jours un hôpital public saccagé, ou encore l’épidémie du Covid le projet de baisse des indemnités visant à appauvrir les travailleurs montre que le gouvernement ne compte pas s’arrêter là, avec de potentielles conséquences particulièrement graves d’un point de vue sanitaire. Si le gouvernement espère économiser ainsi quelque 600 millions d’euros, ce sera sur le dos des travailleurs et de leur santé.
Comme le souligne Les Échos, cette réforme transférerait une part croissante des coûts des arrêts maladie sur les employeurs et, par ricochet, sur les assureurs privés. Ce mécanisme crée ainsi un système à deux vitesses où seuls les travailleurs bénéficiant de conventions collectives avantageuses ou de contrats d’assurance complémentaire pourront conserver un revenu décent en cas de maladie. Les autres, c’est-à-dire les plus précaires, seront laissés pour compte. Les ouvriers et la jeunesse, 8 fois plus touchés par des accidents du travail reconnus, vont faire en premier lieu les frais de cette casse sociale. Dans le même temps, cette contre-réforme budgétaire masque les véritables causes de la hausse des arrêts maladie, comme l’aggravation des conditions de travail ou la détérioration de la santé mentale.

Cependant, les 600 millions obtenus par cette réforme sont loin d’être suffisants face à l’ampleur des objectifs que s’est fixé le gouvernement en termes d’austérité. Si elle démontre une fois de plus que la santé des travailleurs n’est qu’une variable d’ajustement dans un plan économique dicté par la logique comptable, elle est très largement insuffisante aux yeux du gouvernement et de la classe dirigeante. Aussi, les débats sur les autres mécanismes et leviers pour aller récupérer les milliards d’euros restants sont vifs pour le gouvernement. Les Echos rapportent ainsi que l’allongement des jours de carence est discuté au sein de l’exécutif, bien que rien n’ait encore été officialisé. Vieux serpent de mer, la question du délai de carence est un point épineux sur lequel le gouvernement semble encore hésiter, davantage par peur d’un mouvement social que par souci pour les travailleurs. Selon la Cour des comptes, prolonger cette période à sept jours pourrait permettre de réaliser jusqu’à 950 millions d’euros d’économies par an, de quoi séduire le gouvernement. Pourtant, une partie de la classe dirigeante et politique semble craindre les effets d’une telle annonce sur les classes populaires, comme le note Solenn Poullennec dans le très droitier Les Echos : « Ce type de mesure serait toutefois plus difficile à faire accepter. »

Alors que la bourgeoisie cherche à faire payer la crise de la dette aux travailleurs, elle prépare une cure austéritaire de choc contre notre santé. Mais le gouvernement reste extrêmement fragile, et tergiverse encore sur les mesures exactes à implémenter, de peur de voir ressurgir le spectre d’une mobilisation de la classe ouvrière et des classes populaires, et cherche donc comment « faire passer la pilule ».

Face à cette offensive, il faut construire dès maintenant le rapport de force dans la rue et par la mobilisation.

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