vendredi 11 octobre 2024

Tsahal ordonne l’évacuation du nord de Gaza : vers l’exécution du plan « Famine et Extermination » ?

Daniel Matisa

Depuis dimanche, Israël somme les habitants du nord de la bande de Gaza, déjà dépeuplé et dévasté, d’évacuer la zone. Après l’arrivée de renforts dans l’enclave, les nouvelles manœuvres font craindre qu’Israël ne mette à exécution un plan de nettoyage ethnique, documenté par le média +972.

Tsahal se redéploie à Gaza

Dans la nuit de samedi à dimanche, les forces israéliennes ont lancé une opération massive au nord de la bande de Gaza. Alors que Tsahal avait retiré une partie de ses forces pour les concentrer à la frontière libanaise, le haut commandement a redéployé plusieurs unités dont la 162ème division blindée, surnommée la « formation d’acier », qui avait été à la tête des colonnes israéliennes lors de l’invasion du Liban en 2006.

En parallèle, Tsahal a émis de très nombreux « ordres d’évacuations », enjoignant aux Palestiniens concentrés au nord de l’enclave de quitter leurs refuges de fortune dans une zone qui comprend une partie de Gaza City, Beit Hanoun et Beit Lahia. Comme le laisse craindre les appels de détresse de la part du directeur de l’hôpital Kamal Radwan, l’armée menace d’envahir les trois hôpitaux de la zone. Les réfugiés sont appelés à se rendre en deçà de l’autoroute 749 (le tristement célèbre corridor Natzarim) qui coupe l’enclave d’est en ouest au sud de Gaza-City. Fortifiée en février dernier par l’armée israélienne, le corridor empêchait les populations exilées au sud de l’enclave de remonter vers le nord. Il n’est ainsi pas certain que les Palestiniens déplacés de force par ces nouvelles évacuations puissent retourner dans leurs foyers.

Fort de ses nouveaux renforts, l’armée israélienne a lancé une vaste opération militaire dans le camp Jabaliya qu’elle a encerclé avant de le bombarder pendant plusieurs heures, indiquant que les forces du Hamas étaient en train de s’y regrouper en vue d’une attaque. Tsahal avait déjà brutalement frappé le même camp il y a tout juste un an, quelques jours après le début de son offensive sur Gaza, alors que de nombreux Palestiniens, fuyant Gaza City encerclée, s’y étaient réfugiés. Une mère de famille réfugiée à Jabaliya, contactée par Le Monde ce matin, explique qu’il est de toute manière impossible de partir du camp. Elle ajoute également : « De toute façon, qu’on quitte le camp pour aller vers le sud ou qu’on reste ici, le résultat est le même : ils nous tirent dessus dans tous les cas ».

« Famine et extermination » : un plan militaire pour réoccuper le nord de Gaza

Le redéploiement massif des forces israéliennes au nord laisse craindre le pire pour les 400 000 Palestiniens qui y demeuraient encore. Une offensive qui pourrait être le commencement d’un plan opérationnel élaboré par plusieurs généraux réservistes, documenté par +972 mi-septembre, dont l’un de ses défenseurs, le professeur Uzi Rabi à l’université de Tel-Aviv, a ouvertement évoqué les objectifs : « famine et extermination ». Écrit à l’initiative du Général réserviste Giora Eiland et de plusieurs commandants réservistes, le plan considère que la stratégie actuelle du gouvernement Netyanahou est inefficace et propose de faire de la zone au nord du corridor de Netzarim une « zone militaire exclusive dans laquelle l’entièreté de la population […] serait sommée de partir » avant d’imposer, une semaine après ces ordres d’évacuation, un « siège militaire total sur la zone ». Faire du nord de l’enclave une « zone militaire exclusive », impliquerait d’éliminer tous les Palestiniens qui auraient refusé de partir, soit par la famine soit par l’élimination directe.

Si le Premier Ministre israélien ne revendique pas ouvertement cette stratégie pour le moment, les évènements des derniers jours présentent certaines similitudes avec les dispositions du plan « Eiland ». Depuis plusieurs mois, les classes dirigeantes israéliennes demeurent divisées au sujet de l’avenir de Gaza. Tandis que le commandement militaire, inquiet du coût de la guerre, milite pour l’établissement d’une gouvernance technique, confiée à des Palestiniens non-affiliés, l’extrême-droite défend la recolonisation intégrale de l’enclave. Entre ces deux positions, Benjamin Netanyahou militait pour une colonisation collective de l’enclave, transformée en zone de libre-échange, sous l’égide d’une coalition israélo-arabe emmenée par les Etats-Unis. Critique de la stratégie de Benjamin Netanyahou, le plan « Eiland » pourrait rallier l’opinion de l’état-major, inquiet de la projection des forces militaires sur trois fronts, depuis le début de l’invasion du Liban, tout en satisfaisant les orientations maximalistes de l’extrême-droite. 

L’application d’un tel plan marquerait un tournant dans les opérations génocidaires de Tsahal à Gaza et impliquerait l’élimination systématique de tous les occupants du nord qui refuseraient de quitter leurs terres.

Révolution Permanente 

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