lundi 30 mars 2009

« Gabriel Péri »

Paul Éluard
1944

Un homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oubli.

Car tout ce qu’il voulait
Nous le voulions aussi
Nous le voulons aujourd’hui
Que le bonheur soit la lumière
Au fond des yeux au fond du cœur
Et la justice sur la terre.

Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur le mot confiance
Amour justice et le mot liberté
Le mot enfant et le mot gentillesse
Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits
Le mot courage et le mot découvrir
Et le mot frère et le mot camarade
Et certains noms de pays de villages
Et certains noms de femmes et d’amis
Ajoutons-y Péri
Péri est mort pour ce qui nous fait vivre
Tutoyons-le sa poitrine est trouée
Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux
Tutoyons-nous son espoir est vivant.


* * *

Gabriel Péri est né en 1902, à Toulon, dans une famille d’origine Corse d’une modeste aisance.
http://www.gabrielperi.fr/Gabriel-Peri-un-esprit-libre-et

Il s’engage très tôt en politique. En 1917, il adhère aux jeunesses socialistes et en 1920, alors qu’il n’a que 18 ans, sa situation familiale l’oblige à abandonner ses études après le baccalauréat. Dès lors, outre son activité professionnelle dans une entreprise de navigation, il se consacre entièrement à l’activité politique, particulièrement par la plume : il collabore à diverses publications à Aix, à Marseille et, surtout à la revue « Clarté », fondée par Henri Barbusse et Paul Vaillant Couturier. Il ne cessera plus d’écrire, et particulièrement - c’est sa seconde grande passion - sur les questions internationales. En 1924, le jeune homme de 22 ans devient ainsi le chef du service politique étrangère du journal l’Humanité, fonction qu’il exercera jusqu’au 25 août 1939. Député d’Argenteuil en 1932 (réélu en 1936), Gabriel Péri s’imposa très vite, à l’Assemblée Nationale, comme un parlementaire parmi les plus compétents dans le domaine des relations internationales et diplomatiques.

Si, au sein du Parti communiste et à la rédaction de l’Humanité, ses rapports avec beaucoup des autres dirigeants communistes furent souvent orageux, Péri jouissait d’un prestige considérable au sein du parti, parmi les militantes et militants, aussi bien qu’à l’extérieur, en raison de ses brûlantes convictions antifascistes.

Il fut l’accusateur de l’Italie Mussolinienne lors de l’agression contre l’Éthiopie et prit la défense de la république espagnole en dénonçant avec force la politique de la non intervention.

Après la signature des accords de Munich il s’affirma comme le plus écouté des porte-parole de la résistance au diktat de Hitler.

La nouvelle du pacte germano-soviétique suscita son inquiétude. Néanmoins, convaincu de l’instabilité de la situation qui en découlait il s’attacha, à l’Assemblée Nationale, à montrer « qu’une attitude sentimentale et passionnelle à l’égard du traité ne servirait de rien, que le mieux serait d’essayer de faire du traité un point de départ dans le sens de la pacification générale ».

La « tiédeur » de Péri à l’égard du pacte, puis le cours suivi par le PCF faisant sienne à partir du 1er octobre 1940 la thèse de la « guerre impérialiste » contribuèrent à détériorer sensiblement ses rapports avec la direction communiste, tout particulièrement avec André Marty.

En revanche, il se réjouira, fin avril 1941, lorsque la politique d’union contre le nazisme qu’il appelait de ses vœux commença à prendre forme avec la création du Front National. Mais il est arrêté sur dénonciation le 18 mai de la même année, et fusillé le 15 décembre, au Mont Valérien.

Transcendé par la poésie d’Aragon [1] il devient à la libération un mythe de la résistance à l’occupant, un héros dont le nom est donné à des dizaines de rues et de places à travers la France.

C’est pour rendre hommage à l’audace, à l’esprit libre et anticonformiste, à l’intellectuel lucide et exigeant, anticipateur, que la fondation créée par le Parti communiste et présidée par Robert Hue, s’appelle Gabriel Péri.

[1] Gabriel Péri est cité dans deux poèmes d’Aragon, directement dans « La légende de Gabriel Péri », et par allusion dans « La Rose et le Réséda », où Honoré d’Estienne d’Orves est « celui qui croyait au ciel », Gabriel Péri « celui qui n’y croyait pas »

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Fondation Gabriel Péri
22 rue Brey - 75017 Paris - France / T +33 (0) 1 44 09 04 32 F +33 (0) 1 45 74 06 78

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