dimanche 28 août 2011

Pour la Fête de l’Humanité, suivre le drapeau israélien

Omar Alsoumi

L’affiche de la Fête de l’Humanité 2011, éditée et placardée à des centaines de milliers d’exemplaires, cache un drapeau israélien au cœur d’une iconographie apparemment censée rendre hommage aux révolutions arabes.

J’étais heureux de découvrir dans mon quartier la semaine dernière les affiches de l’édition 2011 de la Fête de l’Humanité. Voilà près de 10 ans que je suis fidèle à ce grand rendez-vous militant, lieu d’échanges, de réflexions et de rencontres. Mon attention a été retenue par cette grande affiche représentant une belle jeune femme basanée au poing levé sur fond rouge.

Ses yeux soulignés de khôl, son tatouage au henné et sa chevelure noire ondulée ne laissent aucun doute : il s’agit du portrait d’une Arabe, allégorie sans doute des luttes victorieuses de la jeunesse contre l’oppression, pour la dignité et la justice. Heureux de voir les camarades communistes rendre cet hommage mérité, je m’approche et découvre que les mèches colorées qui s’entrelacent avec ses cheveux sont en fait des guirlandes de drapeaux. Je m’attendais à découvrir d’abord les drapeaux de la Tunisie et de l’Égypte, pays dont les révolutions ont inspiré les suivants : Libye, Syrie, Bahrein, Yémen, etc… Cela me semblait la suite logique de cette iconographie, une dédicace à la mémoire de ces martyrs de la liberté et à leurs familles endeuillées.

Déformation militante ? C’est possible. Mes yeux ont été presque crevés par le drapeau israélien que je découvre dans les cheveux de cette beauté orientale. Ce drapeau, j’ai surtout l’habitude de le voir sur les tourelles des tanks qui assiègent et bombardent Gaza, sur les miradors de ces barrages militaires qui privent mes frères et sœurs de liberté de mouvement, sur les grillages de ces colonies qui rongent la terre de Palestine, et notamment Jérusalem, Al Qods. Comble de l’hypocrisie, le drapeau israélien est juxtaposé au drapeau palestinien, comme pour ces projets financés par le Centre Shimon Pérès pour la Paix, où les Palestiniens, pour exister et avoir le droit à la parole sont systématiquement affublés d’un compagnon-tuteur israélien.

Je me rappelle immédiatement cette affiche de la fédération 93 du PCF, diffusée au lendemain des massacres de Gaza et des manifestations historiques qui avaient traversé la France. Le slogan « un État Palestinien ! » y figurait sous les drapeaux palestinien et israélien, accolés. Dans les deux cas, le choix des images exprime l’analyse et le message politique du parti à un moment historique précis : quand les Arabes se lèvent en masse pour combattre l’oppression, le PCF nous rappelle qu’il faut se soucier du destin de l’État colonial sioniste. Il nous impose la normalisation de cette présence israélienne au cœur de notre révolte. Un mirador surplombe notre lutte.

Ce sont là les pensées qui m’ont immédiatement traversé. J’ai partagé mon sentiment de rejet et de dégoût avec l’ami qui m’accompagnait et lui ai dit : « cette année, je n’irais pas à la Fête de l’Humanité ». Je refuse de participer à un événement dont l’affiche, qui est l’image-symbole de ce rendez-vous aux 500 000 visiteurs, arbore le drapeau des crimes sionistes.

En regardant encore et encore cette affiche, je me rends compte combien son propos est inacceptable. D’abord, il n’est pas anodin que le symbole choisi pour les révolutions arabes soit une femme. Alors même que l’immense majorité des martyrs tombés pour la liberté sont des hommes, le choix d’une figure féminine reflète cette triste permanence du regard orientaliste : l’Arabe fait peur, à moins d’être une femme maquillée, tatouée, cheveux au vent. En choisissant de parer les cheveux de cette belle arabe d’une guirlande de drapeaux des cinq continents, les graphistes ont internationalisé, en fait désarabisé, les révolutions arabes, comme s’il était honteux de mettre tous les drapeaux des pays arabes en lutte. Hortefeux l’a rendu populaire, on connaît le dicton : « Quand il y’en a un peu, ça va, c’est quand il y’en a beaucoup que… ».

Moi qui pensais que les révolutions arabes avaient changé radicalement le regard porté sur nous, je suis triste de me rendre compte que, sans creuser beaucoup, on débusque encore cet imaginaire paternaliste qui opère jusque dans les rangs de ceux qui se prétendent nos meilleurs amis. Si, par faiblesse sans doute, je suis prêt à tolérer les manifestations ambigües de cet inconscient, il y a un principe inamovible : c’est moi ou le drapeau israélien. Soit j’obtiens des explications de la part des responsables de la Fête de l’Humanité sur le sens politique de ce drapeau israélien, soit j’inciterai tous mes frères et sœurs, Palestiniens, Arabes et anti-colonialistes à ne pas participer cette année à la Fête de l’Humanité.

Oumma

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