Shelly Yachimovich a révèlé sa vision du monde dans une interview publiée par Ha’aretz dans son édition du week-end : une social-démocratie sans éthique, un nationalisme qui vaut celui de la droite.
La fausse gauche est sortie une nouvelle fois de son placard cette semaine, et ce coup-ci elle s’appelle Shelly Yachimovich. Dans un entretien avec Gidi Weitz dans le Ha’aretz Magazine, la candidate à la direction du Parti travailliste lève le voile sur sa vision du monde : une social-démocratie sans éthique, un nationalisme semblable à celui de la droite : une gauche dénaturée, déguisée et blanchie.
Le mauvais vieux Parti travailliste nous la sort du frigo : la justice sociale réservée aux Israéliens. Rien de tel n’existe, sauf dans un pays où les prétendus socio-démocrates ont pu instaurer une industrie de déshéritements. Et maintenant, une prétendue socio-démocrate prend leur suite.
Buvez de l’huile d’olive produite dans la colonie de Har Bracha (au Mont des Bénédictions - Mont Gerizim), Shelly, dont vous n’avez même pas commencé à comprendre la malédiction. Vous la trouverez savoureuse. Mais une huile d’olive produite à partir d’oliviers volés sur une terre exploitée ne peut toucher les lèvres d’une personne de conscience. Vous vous dites contre les boycotts ? Toute personne ayant de la morale va devoir vous boycotter, vous, à partir de maintenant. N’importe qui pour les primaires, mais pas Yachimovich.
Nous avions pensé que nous étions débarrassés de cela, le Parti travailliste avait exprimé des remords pour les colonies pour lesquelles il porte plus de responsabilité qu’aucun autre parti ; le Parti travailliste est leur père fondateur. Mais même à l’été 2011, Yachimovich n’y voit aucun crime. Les terres ont été volées, leurs propriétaires opprimés, leur nation ravagée, ils vivent sous un régime tyrannique - une des raisons est l’existence de ces colonies. Et la prétendante au trône de la gauche n’y voit aucun mal. Elle a une explication particulièrement originale : elles sont dans le consensus. À partir de maintenant, soyez conscients de cela : toutes les injustices et tous les crimes de l’histoire seront justifiés après coup, s’ils sont dans le consensus.
Pas plus que la princesse de la social-démocratie israélienne ne voit un problème éthique dans l’exploitation éhontée des travailleurs palestiniens. Elle n’a jamais ressenti le moindre intérêt pour leurs vicissitudes, leurs check-ponts, leur routine quotidienne inhumaine, ni pour les dizaines de milliers de chômeurs fabriqués par l’occupation qui se voient refuser tout travail du fait de leur appartenance nationale.
Elle n’a pas entendu parler du régime de séparation dans les territoires, elle ne se soucie que des juifs pauvres. Mais chaque soir, à une demi-heure de voiture de chez elle, des milliers de travailleurs s’entassent aux check-points comme des animaux domestiques. Des milliers d’autres dorment et sont traqués comme des animaux sauvages. Ceux-là ne méritent pas l’intérêt de la prêtresse de la justice sociale. Tout comme il n’y a aucun social-démocrate au monde qui ne soit préoccupé par les droits des immigrés dans son pays, il n’y aucun véritable Israélien de gauche qui ne combatte pas cette injustice.
Pas plus que Yachimovich ne voit le moindre rapport entre les sommes énormes qui s’engouffrent dans les colonies d’un côté, et les difficultés sociales de l’autre. La philosophe de la gauche a dit : « C’est sans rapport avec la situation ». Pourquoi ? Parce qu’une école qui est construite dans les colonies aurait été construite en Israël. Pour elle aussi, l’argent est tout, comme pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l’homme d’affaires Nochi Dankner. Mais même sans parler des énormes dépenses allouées à la protection des élèves de cette école et des budgets démesurés pour les réseaux des colons, que dites-vous de l’immoralité d’une telle construction, que diable ? Ca ne l’intéresse pas.
Avec une gauche comme cela, nous n’avons pas besoin d’une droite. Juste au moment où une manifestation sociale impressionnante se réveille ici, l’une de ses dirigeantes spirituelles nous ramène aux jours sombres du Parti travailliste, quand d’un côté ils prétendaient se soucier des travailleurs et que de l’autre ils s’impliquaient à les déshériter. Juste au moment où il semblait que les Israéliens commençaient à poser les bonnes questions, cette idée nous arrive et nous frappe entre les deux yeux. La justice de Yachimovich reste une justice nationaliste.
Son interview d’hier est importante : elle rétablit une vérité. Il y a environ 10 mois, j’ai publié un article sur elle dans ce journal, intitulé : La ministre des Affaires sociales de la Suède. À l’époque, j’avais pensé qu’elle était apte à être une ministre des Affaires sociales scandinave, mais pas (encore) une dirigeant israélienne. Et à la fin, j’écrivais - excusez mon manque de modestie : «Courez, Shelly, courez, mais au bout, gonflez votre courage et saluez tous les drapeaux».
Naïvement, j’avais cru à l’époque que le problème de Yachimovich provenait d’un opportunisme et d’un manque de courage devant le risque de se brûler, et que c’était pour cela que les luttes populaires - telles celles contre les magnats et en faveur des travailleurs - lui suffisaient. J’avais cru qu’au fond de son cœur, elle avait compris que la justice sociale n’allait pas de pair avec l’occupation, et que seule la peur la rendait silencieuse. J’étais dans l’erreur.
Ce n’était ni de l’opportunisme ni de la lâcheté, mais quelque chose de bien pire. Une vision provinciale et arriérée du monde, avec un deux poids deux mesure, une vision qui soutient que la justice sociale s’arrête à la Ligne verte. Maintenant, tous ceux qui sont pour la justice sociale doivent se débarrasser de cette ennemie de la justice. Une star est née au Parti travailliste, et elle est la star des nationalistes et des colons.
Gidéon Levy
Info Palestine
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