mardi 19 août 2014

Irak : Humanitarisme armé 2.0

Eric Margolis    
 
C’est notre nouvelle version de l’ancien impérialisme occidental du 19ème siècle, maintenant féminisée par les conseillères du président Barack Obama, repeint en rose et accompagné au piano par le genre de musique douce que vous entendez dans les publicités pour les produits destinés aux .

La semaine dernière, l’administration Obama s’est focalisée sur le sort des Yézidis d’Irak qui ont été persécutés par ces affreux membres d’ISIS (EI) – juste au moment le plus propice pour détourner l’attention des massacres à Gaza.
Comme c’est pratique. Les trois réseaux TV américains et la BBC de plus en plus enchaînée ont reçu l’ordre de laisser tomber les reportages sur Gaza et de recentrer leurs équipes et leurs caméras sur les souffrances des Yézidis et, tout d’un coup, sur la fuite des d’Irak.
Ce fut une manœuvre magnifique de la part des médias. Le monde, furieux contre les d’avoir permis à d’avoir sauvagement attaqué la bande de Gaza et d’avoir assassiné près de 2.000 , porta son attention sur les Yézidis, qui étaient jusque-là inconnus, et sur les chrétiens irakiens. Personne aux États-Unis n’avait jamais entendu parler de Yézidis, mais c’est pas grave. Oncle Sam arrive à la rescousse.
Personne n’a mentionné le fait que les chrétiens d’Irak vivaient en sécurité et n’avaient aucun problème sous la présidence de Saddam Hussein – ils étaient même privilégiés – jusqu’à ce que le président George Bush ait envahi et détruit l’Irak. Nous pouvons nous attendre à voir les chrétiens de Syrie subir le même sort si la protection du régime Assad est arrachée par les soulèvements organisés par les États-Unis. Nous allons ensuite verser des larmes de crocodile pour les chrétiens de Syrie.
Les États-Unis et l’Europe se mettent brusquement à applaudir à tout va la « mission de sauvetage » franco-anglo-américaine. Fait intéressant, ces vieux colonialistes, les français et les britanniques, ont été si prompts à s’impliquer en Irak, riche en pétrole : les Britanniques y ont envoyé quelques Tueurs de sa Majesté, les fameux Special Air Service, ou SAS. La France et la Grande-Bretagne envoient des armes à la milice kurde connue sous le nom « Pesh Merga ». L’Australie, actuellement gouvernée par une droite dure, pourrait leur emboîter le pas.
Vers 1900, l’Empire britannique, la France et la Russie avaient tous affirmé le droit d’intervenir dans le Levant pour soi-disant protéger leurs chrétiens. Une excuse bien commode.
L’Amérique a eu un frisson de bonheur de voir de l’eau et des vivres larguées par l’US Air Force aux réfugiés Yézidis. Même cet écrivain cynique se réjouissait de voir la puissance militaire des États-Unis aider les opprimés.
Mais que dire des 1,8 million de Palestiniens opprimés à Gaza, privés par Israël et l’Egypte de nourriture, d’eau, des fournitures médicales et d’électricité ? Qu’en est-il des millions de réfugiés en Syrie créés par les tentatives occidentales de renverser la dynastie Assad pour avoir soutenu l’Iran ? Et les millions de réfugiés intérieurs suite aux guerres en Afghanistan et en Irak ?
Eh bien, Washington a tout simplement annoncé un arrêt temporaire de réapprovisionnement d’Israël avec le mortel air-sol fabriqué aux États-Unis, le Hellfire, qui a déjà été utilisé une fois mais en grande quantité soufflant un grand nombre de Palestiniens dans la bande de Gaza. Comme la fausse suspension de livraison d’armes par les Etats-Unis au régime brutal de l’Egypte, celle-ci sera bientôt levée lorsque l’attention du public sera tournée ailleurs.
Il y a 5,5 millions de réfugiés palestiniens. Que représente une poignée de Yézidis par rapport à cet océan de sans-abri ? Le nombre et le sort de ces réfugiés Yazidis ont été largement exagérés par les puissances occidentales pour justifier leur ré-intervention en Irak.
Des reportages sordides sur la cruauté d’ISIS pourraient bien être vrais, mais ce vieux cynique soupçonne qu’elle est utilisée et exagérée pour justifier une intervention. Après tout, nous avons vu des semblables au sujet du régime de Saddam et au sujet de la « menace pour le monde » d’Al-Qaïda.
Ce genre de choses, très prisées par les Britanniques, remonte aux fausses histoires de 1914 où des soldats allemands embrochaient des bébés belges sur leurs baïonnettes. Vous rappelez-vous les bobards au sujet des bébés koweïtiens jetés hors de leurs incubateurs par des Irakiens d’une bestialité sans nom ?
Maintenant, les plus grands sots du Parti républicain des États-Unis comme John McCain, Lindsey Graham et le représentant de ma ville natale Peter King, clament que le territoire américain est menacé par l’ISIS, alors qu’ils essaient de provoquer une véritable guerre avec la Russie en Ukraine.
Juste pour montrer à quel point la politique américaine au Moyen-Orient est devenue bizarre : des avions de guerre américains sont en train de larguer de l’aide aux Yézidis d’Irak (considérés comme adorateurs du diable par beaucoup d’irakiens), alors qu’ils bombardent la tribu Zaidi, dans le nord du Yémen, qui luttent contre la junte militaire installée par les américains à Sa’ana. Yézidis, Zaidis, tout cela est très confus, comme ces satanés Slovaques et Slovènes.
Pendant ce temps, la Maison Blanche a évincé sa marionnette chiite à Bagdad, Nouri al-Maliki, en faveur d’un nouveau satrape encore plus obéissant. Maliki a été assez stupide pour croire réellement qu’il était le premier ministre de l’Irak et a refusé d’autoriser les troupes américaines à y rester indéfiniment.
Grosse erreur, Nuri. Mais ne versez aucune larme pour lui : ses vicieux escadrons de la mort ont assassinés et torturés un grand nombre de sunnites. Un de leurs outils d’interrogation préférés était une perceuse électrique appliqué à la rotule. Les généraux américains en Irak ont utilisés les escadrons de la mort chiites (calqués sur ceux d’El Salvador, une guerre que j’ai couverte) pour écraser la sunnite. Maintenant, c’est au tour des sunnites.
Le prochain chef de l’Irak est un autre politicien protégé par la CIA dont on attend qu’il fasse de l’Irak un pays sécurisé pour les compagnies pétrolières occidentales. Nous voyons le même processus en Afghanistan, où le centre de casting de la CIA a produit deux «candidats» à la présidence.
Quant aux Kurdes, de facto autonomes, ils ont été un protectorat occidental depuis 2003 et seraient totalement indépendants aujourd’hui s’il n’y avait pas eu la crainte d’une réaction violente de la part des Turcs très irritables. Israël fournit les Kurdes en armes depuis 1970.
Fait intéressant, les Kurdes sont maintenant exportateurs de pétrole directement à Israël avec le pipeline et le pétrolier turcs, alors que le régime de Bagdad, tenu à l’écart, fulmine. Il a longtemps été question d’une base aérienne israélienne dans le .
« Juste au moment où je pensais que j’en étais sorti, ils m’y ramènent de force », c’était l’argument plaintif qu’utilisait Michael Corleone dans «Le Parrain». Obama pourrait aujourd’hui se l’approprier. Il ne revient en Irak que pour des raisons purement humanitaires ; c’est l’ qui est vendue aux femmes électrices (principalement démocrates). Et parce que les Sarrasins d’ISIS vont bientôt envahir le Bible Belt à moins qu’Obama n’agisse.
Peu importe que les États-Unis aient armé et entraîné ISIS en Jordanie pour renverser le régime de la Syrie. Maintenant, ils sont devenus des voyous et doivent être arrêtés par une nouvelle croisade humanitaire.

Ainsi donc, retour des troupes américaines dans l’enfer de l’Irak, un acte qui défie la logique à la fois militaire et politique. Mais les élections américaines se profilent à l’horizon et Hillary Clinton est déjà en train de tirer à boulets rouges sur Obama pour avoir quitté l’Irak trop tôt. Hillary vient de s’aligner totalement sur les positions du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et affirme que les troupes américaines auraient dû rester en Irak ….elle qui est mariée à un réfractaire notoire en temps de guerre. Les républicains battent le même tambour.

Traduction Avic – Réseau International

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