Lundi, c’est la chasse au Baupin,
un mec pas trop sympa mais qui n’a violé personne,... et qui est lâché
car il lâché son parti, EELV. Mardi, ce sont les cinq minutes de gloire
de l’ex « ministre » Batho
qui enflamme les médias à propos du présumé coquin de Sapin, alors
qu’elle ne sait rien de l’affaire. Mais peu importe : c’est la grande
vague, puissante et féconde, de la parole qui se libère. Une page se
tourne… Plus rien ne sera comme avant… Respect et considération pour la
parole des femmes victimes des agresseurs sexuels.
Tout ceci est très choux, et j’ai presque failli être convaincu… mais hélas les jités m’ont apporté les images du 69° festival de Cannes, du Woody Allen grand penseur du cinéma, glorieux pour présenter son film Café Society,
et des journalistes muets pour lui parler d’une affaire d’agression
sexuelle qui repose sur des données matérielles bien plus étayées que
les dramatiques affaires Baupin et Sapin, et autrement plus grave : viol
sur mineure.
L’affaire est bien connue.
Dylan Farrow, fille adoptive, de Woody Allen, accuse son père de
l’avoir abusée quand elle avait sept ans. Elle a désormais le soutien de
son frère, Ronan Farrow, fils de Woody Allen et de Mia Farrow. Laquelle
Mia avait quitté Woody Allen en découvrant la relation entre Woody et
Soon-Yi, sa fille adoptive.
C’est en 2004, à 28 ans, que Dylan a publié son récit du viol. Elle expliquait la force nécessaire pour lever le silence, à savoir sa réaction à une énième nomination aux Oscar : « Cette
fois, je refuse de m'effondrer. Pendant tellement longtemps, la
reconnaissance dont jouit Woody Allen m'a réduite au silence. Je le
prenais comme un reproche personnel. Mais les survivantes d'agressions
sexuelles qui m'ont parlé – pour me soutenir, partager leur peur de
parler haut et fort d'être traitée de menteuse, de se voir dire que
leurs souvenirs sont erronés – m'ont donné des raisons de sortir de mon
silence, ne serait-ce que pour que d'autres sachent qu'elles peuvent
sortir de leur silence. »
La plainte a connu de nombreuses étapes, mais depuis 2014, elle est classée, sans jugement.
Le
frère, Ronan Farrow, aujourd’hui avocat, est longtemps resté distant,
mais désormais il demande que la parole de sa sœur soit prise en
compte : « Je crois ma sœur. Comme un frère fait confiance à sa sœur.
Mais aussi comme un journaliste et comme un avocat : ses allégations
sont crédibles. Les faits sont convaincants et bien documentés ».
Ecœuré par ce mépris de la justice et de la parole d’une victime, il a publié dans le Hollywood Reporter une lettre s'interrogeant sur l'appui constant donné par les médias.
« La
lente évolution des médias de la vieille école a aidé à créer un
univers d'impunité et de silence autour de cette histoire. Amazon a
déboursé des millions pour travailler avec Woody Allen, finançant sa
nouvelle série et son film. Les acteurs, y compris certains que j'admire
beaucoup, continuent de faire la queue pour apparaître dans ses
films. ‘N'y vois rien de personnel’, m'a dit un jour l'un d'entre eux.
Pourtant, ça blesse ma sœur à chaque fois que l'un de ses héros comme
Louis C.K. ou une star de son âge comme Miley Cyrus travaillent avec
Woody Allen. Ça devient subitement très personnel pour ma sœur et toutes
les femmes du monde entier victimes d'agressions sexuelles et qui n'ont
jamais pu obtenir la reconnaissance d'une condamnation »
« Ce soir, mon père montera les marches avec sa femme entouré de ses stars : Kristen Stewart, Blake Lively, Steve Carell, Jesse Eisenberg.
Ils peuvent faire confiance à la presse pour ne pas leur poser de
questions embarrassantes. Ce n'est ni l'endroit ni le moment. Mais ce
silence n'est pas seulement mauvais. Il est dangereux. Il dit aux
victimes que ça ne sert à rien de se manifester. (...) Il a du travail à
accomplir pour construire un monde où des femmes comme ma sœur ne
seront plus traitées comme si elle était invisible. Il est temps de
poser les questions difficiles ».
La presse, qui s’acharne sur Baupin, n’a pas eu de questions à poser à Woody Allen sur la lettre de son fils.
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