samedi 11 juin 2016

L’attentat de Tel Aviv a-t-il pour but de rendre Lieberman fou furieux ?

Robert Fisk         

Les promesses d’Avigdor Lieberman de procéder à des décapitations, de déclencher une quatrième guerre sur Gaza et une troisième guerre sur le Liban - il y a eu en vérité cinq guerres sur le Liban, mais peu importe - augurent un avenir très malheureux pour Israël et ses voisins arabes.

Bien que pour les Israéliens, chaque attaque palestinienne n’a « aucun sens » comme ils se plaisent à l’imaginer, l’attentat de mercredi soir qui a tué quatre Israéliens à Tel Aviv était la plus délibérée des récentes attaques, et très certainement une tentative de provoquer le nouveau ministre, d’extrême-droite, de la Défense du pays, pour qu’il lance l’armée israélienne dans une autre aventure sanglante contre les Palestiniens.
Depuis qu’Avigdor Lieberman a été nommé à son nouveau poste par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le monde et en particulier les Palestiniens attendent de voir s’il remplira les menaces sanglantes proférées durant les élections israéliennes de 2015. L’attaque meurtrière contre des Israéliens - deux femmes et deux hommes ont tués et six autres blessés dans la zone de boutiques et de restaurants autour du complexe Sarona - met maintenant Lieberman à l’épreuve.
Les deux Palestiniens armés viendraient d’un village près de la ville d’Hébron en Cisjordanie, où les relations entre colons juifs et habitants Palestiniens sont considérées par beaucoup, Israéliens comme Arabes, avec horreur. Ils ont apparemment été manger dans l’un des restaurants de Tel Aviv, quand ils ont commencé à tirer. Ils étaient habillés en costumes et cravates. Ce n’était donc pas une attaque émotionnelle soudaine - comme ont pu l’être probablement des attaques aux coups de couteau ou en voiture-bélier à Jérusalem.
Les menaces d’Avigdor Lieberman ont été diversement notées par les Arabes et les Israéliens, bien que sa déclaration la plus scandaleuse ait été publiée dans le journal israélien Haaretz en mars de l’année dernière. S’adressant à un large public de juifs israéliens, il a parlé des citoyens arabes « déloyaux » d’Israël et dit que « ceux qui sont contre nous, il n’y a rien à faire, nous devons prendre une hache et leur couper la tête. Sinon, nous ne survivrons pas ici. »
Cette menace dans le style de celles d’Isis a tout de même troublé le normalement très complaisant département d’État américain. Si cela avait été dit par un dirigeant palestinien à propos des Israéliens, nous aurions assisté à une condamnation des Palestiniens à l’échelle mondiale.
Peu après, le Hamas a salué les tueries de Tel-Aviv et des feux d’artifice ont éclaté dans la Cisjordanie occupée par Israël. Israël a révoqué les permis de 80 000 Palestiniens pour se rendre en territoire israélien [Palestine de 1948] durant le mois de jeûne du Ramadan. C’est une tactique qui a dans le passé n’a fait qu’augmenter l’hostilité entre Israéliens et Palestiniens.
Les deux Palestiniens armés à Tel Aviv, dont un a été blessé par des gardes de sécurité israéliens, ne sont pas des citoyens arabes israéliens et ne sont donc vraisemblablement pas destinés à la décapitation prônée par Avigdor Lieberman...
Mais ses autres promesses électorales - il y a eu en vérité cinq guerres sur le Liban, mais peu importe - annoncent un avenir très malheureux pour Israël et ses voisins arabes.
La vieille gauche israélienne [le peu qu’il en reste... NdT] symbolisée par Uri Avnery, qui lui-même était un soldat dans la guerre israélienne en 1948, a convenu, avec un très haut officier de l’armée israélienne, que la montée en puissance des politiciens de droite d’Israël s’apparente pour beaucoup aux derniers mois de la République allemande de Weimar.
Avneri lui-même, qui ne va pas jusqu’à dire que les dirigeants israéliens sont des nazis, a grandi sous Weimar et les premières années de Hitler, et il utilise librement le mot « fascisme » pour qualifier la politique israélienne actuelle.

Les Palestiniens, hélas, se soucient peu de l’histoire juive. Les menaces de plus en plus féroces d’Israël et la publicité qui leur est faite, leur rendent le monde de plus en plus effrayant.


* Robert Fisk est le correspondant du journal The Independent pour le Moyen Orient. Il a écrit de nombreux livres sur cette région dont : La grande guerre pour la civilisation : L’Occident à la conquête du Moyen-Orient.

Info Palestine

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