jeudi 9 juin 2016

"Un jour de deuil appelé Jour de Jerusalem"

Gidéon Levy         

"Un jour, le jour de Jérusalem deviendra un jour de deuil national. Les drapeaux seront en berne", a le courage d’écrire le journaliste israélien qui décrit comme une honte cette journée de célébration israélienne, sous escorte soldatesque, et en forme de provocation, à la gloire de l’annexion de Jérusalem, qui s’est déroulée dimanche, alors que les Palestiniens de la Vieille Ville se préparaient au ramadan.

"Un jour, le jour de Jérusalem deviendra un jour de deuil national. Les drapeaux seront en berne.
Les sirènes hurleront et les Israéliens se recueilleront en mémoire de leur rêve évanoui. Le 28 du mois d’Iyar marquera le jour de deuil d’ Israël, coincé entre le jour de commémoration des soldats disparus et Tishna qui est un jour rendant hommage à l’évanouissement du rêve et qui tombe avant le jour mémorial de la destruction du temple.
Le jour de Jérusalem marquera la fin de leur 19 courtes années d’innocence et le début de la malveillance institutionnelle et systématique. Ils n’arriveront pas à comprendre ni comment, des années durant, ils osaient célébrer le jour de l’occupation comme une fête nationale établie par la loi, ni comment ils pouvaient voir en Jérusalem, la ville symbolisant la tyrannie et le racisme de leur État, comme l’objet de leurs désirs.. Quand cela arrivera, si cela arrive un jour, nous saurons que la société sera guérie de son mal fatal.
Aujourd’hui, seule une infime partie des Israéliens célèbrent le jour de Jérusalem. Cela ne représente rien pour la plupart d’entre eux qu’ils soient laïcs, orthodoxes ou arabes. Cette fête nationale fut et demeure une fête de chauvins religieux, célébrée par une minorité de brutes, à leur façon si singulière. Ils commémorent la plus grande joie de Jérusalem en se réjouissant du malheur des autres, en déambulant avec des drapeaux, avec la grande satisfaction de danser sur la dignité de l’autre Nation à laquelle Jérusalem appartient également.
Une pauvre ville, sale et négligée, que les Juifs laïcs quittent aussi vite que possible, à laquelle les Palestiniens s’accrochent avec toute leur maigre force et que les Juifs religieux, chauvins et extrémistes occupent depuis longtemps. Jérusalem est la ville qui envoie les métastases de l’occupant dans chaque quartier palestinien, dans l’unique but d’y faire régner la misère, de piller, d’oppresser et d’évincer. Et tout cela est fait sous les auspices des autorités, y compris le pouvoir judiciaire qui est censé être le plus éclairé.
Il s’agit d’une ville manifestement binationale qui aurait pu être un paradigme de coexistence dans un État démocratique, une sorte de vecteur pour rétablir une justice relative. À la place, Jérusalem est devenu l’essence du pillage, de l’agression, des violences et de l’arrogance d’Israël.
J’adorais Jérusalem quand j’étais jeune. Même durant la courte période de rétablissement après l’orgie de violence de 1967, qui nous affecta tous, nous étions toujours captivés par son étonnante beauté. À cette époque, nous croyions encore les mensonges qu’on nous racontait, que la ville était libérée et unie et que le Viennois libéral Teddy Kollek était un conquérant éclairé.
Bientôt Jérusalem allait voir sa beauté mutilée au-delà de la reconnaissance, rien ne demeura, et l’inévitable cruauté commença. Seuls les aveugles et les ignorants peuvent encore apprécier ce triste spectacle aujourd’hui. Qui peut prendre du plaisir à visiter une ville dont chaque pierre crie à l’occupation ?
Avec l’équipe de football la plus raciste de la ligue, et le maire le plus chauvin du gouvernement local, ce n’est pas le fruit du hasard si Jérusalem est devenue le symbole de l’occupation, et la preuve la plus convaincante de la ségrégation. Plus d’un tiers des habitants de Jérusalem, soit 37 %, sont des Palestiniens qui devraient avoir les mêmes droits mais qui sont assujettis de toutes les façons possibles. Ce n’est pas une simple coïncidence si c’est ici que le soulèvement désespéré des solitaires est né, la troisième intifada.
Cela aurait pu être différent. Si Israël reconnaissait les Palestiniens comme les égaux des Juifs et si les Palestiniens avaient les mêmes droits que les Juifs, aujourd’hui Jérusalem et Israël seraient différents.
Mais Israël n’a jamais résisté à la tentation. Il y a 49 ans, jour pour jour, Israël conquit une partie de la ville, et depuis ce jour, a tout fait pour la ruiner moralement.

Voilà ce que nous pleurerons, un jour viendra, durant le jour de Jérusalem."

Source : haaretz.com

Traduit par Khadija B. pour CAPJPO-EuroPalestine 

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