En visite à Jérusalem la semaine dernière, le Délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra) a lié de manière scandaleuse le soutien unilatéral à Israël contre les Palestiniens et la lutte contre l’antisémitisme en France. Sans le moindre rapport avec ses fonctions officielles.
Gilles Clavreul, à nouveau…
On va dire que je m’acharne ?
Non. C'est lui qui chaque semaine,
enfonce un peu plus le clou. La mission
républicaine dont il est en charge
semble désormais ne devoir plus
s’inscrire, à ses yeux, que dans une
véritable monomanie pro-israélienne.
Dans mon précédent billet, je
m’étonnais de ce que, dans une réunion
internationale - à l’OSCE - Gilles
Clavreul qui représentait la France ait
voté et fait voter pour que la
« critique systématique et démesurée
d’Israël » soit considérée comme une
forme… d’antisémitisme !
Et donc, ça continue.
Nouvel épisode, la semaine
dernière, Gilles Clavreul, ès qualité de
préfet de la république chargé de la
lutte contre le racisme et
l’antisémitisme, effectuait un voyage
officiel en Israël, « et dans les
territoires palestiniens ».
Histoire, sans doute, de faire bonne
mesure, en ne donnant pas prise au
soupçon du deux-poids-deux mesures
qui parfois, à tort ou à raison, pèse
sur les pouvoirs publics français dès
qu'il s’agit des juifs, des musulmans,
des arabes, d’Israël etc.
Mais quel était précisément
l’objet de ce voyage ? On peut
s’interroger car une incroyable
confusion a semblé régner autour des
thèmes qui y furent abordés.
S’agissait-il de la lutte contre le
racisme et l’antisémitisme en France
qui - est-il besoin de le rappeler
- délimite le champ de compétence du
Dilcra ? Mais qu'est-ce que les
Israéliens ont à voir avec ça ? Ou du
conflit israélo-palestinien ? Auquel cas
on se demande à quel titre Gilles
Clavreul viendrait empiéter sur le
terrain du Quai d’Orsay. En fait…
c'était les deux à la fois ! Un
méli-mélo tarabiscoté qui en dit long
sur la folie instrumentalisatrice qui
semble désormais régner à la tête de
l’Etat pour tout ce qui touche à ces
sujets brûlants.
Un premier voyage avait déjà eu
lieu l’année dernière. Ainsi que l’a
raconté Gilles Clavreul, dans une
interview publiée ce lundi sur le site
Times of Israël, [1]
une rencontre avec les représentants du
ministère israélien des Affaires
étrangères avait été l’occasion d’un
échange fructueux à l’occasion duquel
ces derniers « avaient partagé leurs
inquiétudes » avec les Français, et
« présenté les outils » pour y
répondre. Les outils ? « Surveillance
d’Internet, enseignement de la Shoah,
réponse aux contre-discours ». Ainsi
donc, la France s’en remet aux experts
gouvernementaux israéliens pour lui
fournir les « outils » destinés à
lutter, chez elle, contre le
racisme et l’antisémitisme ! Quand on
sait la manière dont les Israéliens
surveillent Internet (touristes
étrangers refoulés à l’aéroport de
Tel-Aviv et interdits de séjour pour de
banals commentaires publiés sur Facebook),
instrumentalisent la mémoire de la Shoah
pour justifier l’oppression qu'ils
imposent aux Palestiniens, et
fournissent à leur relais médiatiques en
France les éléments de
« contre-discours » destinés à rendre
inaudible toute critique susceptible de
leur déplaire, il y a tout de même de
quoi être abasourdi ! Et légèrement
inquiet. Car Gilles Clavreul,
visiblement, entend poursuivre, cette
année, le même travail avec les
Israéliens : « Nous partageons une
analyse commune des sources de
l’antisémitisme, et de ses formes
nouvelles », précise-t-il…
Et les Palestiniens ? Oui,
Gilles Clavreul les a… rencontrés.
Formidable ! Et après ? Qu’en est-il
sorti ? Une analyse commune ? Un plan
d’action commun ? Ne rêvons pas…
Interviewé à Jérusalem par Paul Amar
sur la chaîne israélienne francophone
i24, [2] le préfet
Dilcra s’est contenté du service
minimum : « La
souffrance, les difficultés
quotidiennes, les tracasseries, les
peurs et les angoisses pour l’avenir qui
s’expriment du côté palestinien, moi, je
les entends tout à fait… ».
Et c'est tout ? Oui, c'est tout.
Quant aux causes et aux responsabilités
qui sont à l’origine de cette
« souffrance », il n’a pas pipé mot.
L’occupation ? La colonisation ? Les
morts ? Les emprisonnements ? Les
destructions ? Les interdictions de
circuler ? Le développement économique
étouffé ? Que nenni… Sans doute
voulait-il évoquer la hausse des prix,
la grippe aviaire ou les calamités
météorologiques. Ah si, il a tout de
même ajouté : « Après, la manière
dont certaines choses sont répercutées,
amplifiées, ou quelquefois
déformées, c'est une toute autre
question. Et c'est vrai que la
question palestinienne, en France, est
utilisée pour servir des causes, qui
parfois s’éloignent beaucoup des
intérêts directs des Palestiniens ».
Une idée réitérée de manière encore plus
explicite – et surréaliste ! - dans son
interview accordée au site Times of
Israël : « Nous pouvons aussi en
apprendre beaucoup sur la question
palestinienne, la façon dont elle est
mobilisée, instrumentalisée, pour servir
l’antisémitisme[…] La
mobilisation palestinienne est beaucoup
plus radicale en France qu’ici »
Résumons. Gilles Clavreul
représentant officiel du gouvernement
français en déplacement en Israël
déclare publiquement depuis Jérusalem
que la cause palestinienne n’existe pas,
qu'il ne s’agit que d’un faux problème
inventé depuis la France par des
antisémites contre lesquels il convient
de lutter grâce aux « outils »
fournis par le ministère israélien des
affaires étrangères avec lequel la
France partage une « analyse
commune »
Gilles Clavreul déplore que la
question palestinienne soit utilisée en
France pour servir des causes qui
parfois s’éloignent beaucoup des
intérêts directs des Palestiniens.
On pourrait lui rétorquer que
lui-même, en Israël, use de sa fonction
de délégué interministériel à la lutte
contre le racisme et l’antisémitisme à
des fins qui sont fort éloignées
de sa mission et de ses attributions
officielles en France.
Le plus étonnant est que ces
propos n’ont provoqué aucune polémique,
aucune réaction, de la part de qui que
ce soit. En d’autres temps et dans
d’autres circonstances, on en a pourtant
démissionné pour moins que ça.
Notes
[1]http://fr.timesofisrael.com/gilles-clavreul-la-mobilisation-palestinienne-est-beaucoup-plus-radicale-en-france-quici/
[2]http://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/118372-160629-la-question-israelo-palestinienne-est-un-enjeu-de-mobilisation-clavreul
mediapart.fr
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